Nous avons recensé ce samedi la sortie d’un ouvrage intitulé Des guerriers et des bardes – La guerre des Gaules 58-56 av JC, signé Paul-Henri Jaulin et édité aux éditions de l’Harmattan.
Pour aller plus loin, nous avons interrogé l’auteur sur ce livre particulièrement intéressant sur la période.
Breizh-info.com : Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
Paul-Henri Jaulin : J’ai trente et un ans, je suis enseignant en lettres modernes au lycée dans le Pays nantais dont je suis natif. Je suis également écrivain à mes heures perdues.
Breizh-info.com : Pouvez-vous nous restituer le contexte dans lequel éclate la guerre des Gaules ?
Paul-Henri Jaulin : Le déclenchement de la guerre des Gaules a cela de particulier qu’aucun des protagonistes, en Gaule ou à Rome, ne savait qu’il était en conflit ouvert. Un seul était conscient qu’il menait une conquête : César, nommé proconsul des Gaules sous juridiction romaine (Cisalpine et Narbonnaise) en 58 av. J-C. Rome peine encore à cette date à se remettre de la dernière guerre civile entre Marius et Sylla et la montée en puissance de certains personnages augure déjà la fin de la République qui vit se dernières années. La situation n’est guère plus stable en Gaule, où l’hégémonie de la tribu éduenne, qui contrôle le commerce de la Saône, subit une révolte orchestrée par une ligue adverse, alors même que les Germains d’Arioviste s’invitent dans ce conflit interne et menacent d’envahir le pays. Les puissants du moment décident alors de réorganiser le pouvoir, ce qui implique la migration des Helvètes vers le pays des Santons, sur la côte atlantique. Certainement impliqué par le druide éduen Diviciacos, César saisit cette opportunité pour s’immiscer dans les affaires gauloises et transforme un mouvement de population pacifique et parfaitement orchestré en traque sanglante.
En réalité, César cherche la richesse, le prestige et la puissance qui lui seront nécessaires pour s’imposer face à ses adversaire politiques à Rome, mais pour ce qui est du Sénat romain ou du « Conseil de toute la Gaule », comme le nomme César, aucune déclaration de guerre n’a été brandie.
Breizh-info.com : Peut-on dire que votre livre essaie, sans avoir la prétention de faire de vous le rival de César, de répondre à son De Bello Gallico, pour offrir un point de vue gaulois à la guerre des Gaules ?
Paul-Henri Jaulin : Disons plutôt qu’il s’agit d’une relecture attentive du De Bello Gallico. Les connaissances dont l’archéologie nous a gratifiés ces dernières années offre un nouvel aperçu de la civilisation gauloise et la version de César ne peut plus_ si tant est qu’elle pût l’avoir été_ être considérée comme exempte de soupçons. Il s’agit avant tout d’une somme de rapports adressés au Sénat et destinés à justifier le soutien que le proconsul réclame pour ses campagnes. Il a donc fallu relire le texte de César, y déceler les incohérences, les facilités, les événements précautionneusement effleurés, galvaudés voire passés sous silence, pour établir entre ses lignes des récits alternatifs.
Ce roman cherche avant tout à restituer aux protagonistes gaulois, tous historiques, mais réduits à de simples matériaux dans la narration de leur ennemi, une voix et un point de vue que le poids de l’écriture césarienne avait étouffés des siècles durant. Bien entendu, le roman tâche de mettre en place une illusion d’oralité, puisqu’elle représentait le vecteur de transmission privilégiée pour les Gaulois, principale raison pour laquelle aucune source autochtone n’a pu disputer le bien-fondé du récit latin. C’est donc le croisement de ces voix qui tresse la trame du roman, des voix qui cherchent un timbre authentique pour rédimer l’oubli où elles sont tombées.
Breizh-info.com : Comment avez-vous mené vos recherches historiques ? Sur quels auteurs, historiens, vous êtes-vous appuyé pour se faire ?
Paul-Henri Jaulin : J’ai lu beaucoup d’historiens spécialistes de la protohistoire, de la Gaule et de l’âge du fer : Christian Goudineau, Dominique Garcia, Danielle Porte, Patrice Brun et quelques autres, mais c’est Jean-Louis Brunaux qui a surtout emporté mon adhésion grâce à des conjectures aussi ambitieuses qu’étayées. Et puis j’ai également eu le plaisir d’approfondir des travaux tels que ceux de Christian Guyonvac’h ou de Xavier Delamarre pour m’imprégner des spécificités de la civilisation antique des Celtes.
Breizh-info.com : Qu’est-ce qui vous a surpris, ou que vous ne connaissiez pas, à l’occasion de vos recherches, au sujet de cette guerre de Gaules ?
Paul-Henri Jaulin : J’ai été surpris par la place décisive qui revient à la politique dans ce long processus de soumission que fut la guerre des Gaules. J’ai découvert une complexité et surtout un aboutissement politique que je ne soupçonnais pas dans le monde gaulois. Cet équilibre au sein des familles, des clans, des tribus, des ligues, des alliances, des confédérations, le tout savamment ajusté par des institutions unificatrices (pensez aux assises des druides chez les Carnutes pour ce qui concerne la justice, ou aux assemblées du « Conseil de toute la Gaule » pour désigner chaque année une tribu patronne), forme un édifice duquel César n’aurait pas pu venir à bout s’il n’avait pas su le retourner contre les Gaulois. En fait, César joue un jeu politique osé et dangereux. Dès 58 av. J-C, il bénéficie par l’entremise de Diviciacos d’un accord avec le Conseil de toute la Gaule qui lui offre un statut de protecteur, prestige qu’il détourne pour asservir les tribus à son profit, alors même qu’il refuse de placer la Gaule sous juridiction du Sénat romain. La partie était périlleuse et la bonne fortune du proconsul fut souvent insolente. Bien souvent les Gaulois ont tenté de reprendre en main leurs institutions des mains de leur ennemi, ce qui, chaque fois, aurait dû lui être fatal.
Breizh-info.com : Pourquoi n’avoir pas traité la période allant jusque 50 avant Jésus Christ ?
Paul-Henri Jaulin : Cela viendra : il ne s’agit là que du premier volet d’une trilogie qui narrera les événements jusqu’en 51 av. J-C.
Breizh-info.com : Quelles ont été les conséquences de la Guerre des Gaules ?
Paul-Henri Jaulin : La Gaule intégrera presque aussitôt le nouvel Empire Romain. Une nouvelle langue, issue d’un latin populaire maltraité par la phonétique gauloise, se forgera peu à peu, même si la langue gauloise se maintiendra assez tardivement. La culture gauloise sera reléguée à une transmission orale populaire dont nombre de nos œuvres littéraires se souviendront au fil des siècles. Les Gaulois antiques tomberont très vite en disgrâce dans les milieu intellectuels et nombre de leurs legs seront attribués à leurs prestigieux vainqueurs. Mais rien n’est inéluctable et il n’est pas trop tard pour rendre aux ennemis de César ce qui leur est dû.
Propos recueillis par YV
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Une réponse à “Paul-Henri Jaulin : « Le déclenchement de la guerre des Gaules a cela de particulier qu’aucun des protagonistes, en Gaule ou à Rome, ne savait qu’il était en conflit ouvert » [Interview]”
Très intéressante description de l’esprit gaulois, ses querelles et ses différentes analyses de pouvoirs de tribus qui régnaient à l’époque. Le contenu historique de nos ancêtres nous force à comparer l’ancien avec l’actuel qui reflète parfaitement la chienlit et la gabegie qui règnent en ce moment. Edifiant sur bien des sujets, comme quoi la génétique semble se transmettre malgré le choix de ne plus choisir en fonctions de sa race, de ses origines, ou de la couleur de peau. Bien que depuis la France a mêlé les coutumes les mentalités, les immigrations, les races d’humains différents, mais tous bipèdes semblables, ce qui nous force à ne pas trop s’exterminer. La mentalité de l’époque n’est visible que dans l’imagination. Bien des méandres de suprématie de l’époque sont occultées car le contenu historique nous échappe en partie, comme celles d’aujourd’hui censurées pour le pouvoir. La Rome antique a sombré dans la faillite financière de l’époque avec trop de territoire à gérer et le changement de l’évolution des mentalités à n’en pas douter. On consommait de l’exclave pour faire tourner et construire la marmite romaine qui a duré 3 siècles tout de même. Comme maintenant ou la consommation est le nerf de l’économie, toutes proportions gardées en fonction des différentes sortes de populations actuelles. Celles-ci sont devenues la suprématie des trafics et des combats de rues dans les quartiers des cités. L’époque gauloise fut la même chose dans une dimension de région de villes et villages. La sociologie de l’évolution que beaucoup d’historiens sont friands intéressent-elle les jeunes générations qui trouvent vieux un téléphone portable de 10 ans d’âge ? Là et la question fondamentale de l’évolution de nos sociétés de bipèdes en voie d’évolution. Les dirigeants ne sont plus une référence bien au contraire. Parviendrons nous à redonner l’élan à notre civilisation malgré toutes nos guerres qui vont nul part. Nos pollutions et notre envies de consommation sont là pour détruire la planète en sachant nous mêmes, que le désert nous suit et l’histoire le reconnaitra pour les générations futures.