Parmi les diverses conséquences du ralentissement économique mondial et de la hausse des taux d’intérêt, les investisseurs semblent plus frileux pour financer à fonds perdus des entreprises de la « tech » de peur de louper le nouveau Tesla.
Entreprises transnationales qui réussissent le tour de force habituel d’échapper à une bonne partie des obligations légales et fiscales qui pèsent sur leurs concurrents locaux, de rémunérer leurs salariés des clopinettes sous prétexte qu’ils sont « indépendants », d’envahir les rues de nos villes de scooters et de vélos dont les conducteurs prennent tous les risques pour ces quelques sous, d’échapper aux conséquences des accidents causés par leurs employés – puisqu’ils sont indépendants, on vous dit, et en plus, de ne pas être rentables…
Ainsi, la livraison rapide de course à domicile est en difficulté, les deux géants – qui en ont avalé quatre à cinq moins gros fonctionnant sur le même modèle – étant en péril au même moment.
Le 2 mai 2023, le groupe turc Getir a demandé son placement en redressement judiciaire ; en juillet dernier, un quart des effectifs avait été licencié dans des conditions quelque peu expéditives, et en mars 2023, 17.6 millions d’euros de dettes avaient été accumulés. Jusque là, lancé mi-2021, Getir avait racheté l’allemand Gorillas qui avait racheté le français Frichti, mais le covid passé, n’a pas trouvé son modèle.
L’inflation a restreint la clientèle – dont une partie a d’ailleurs quitté les villes pour la campagne ou le périurbain, l’Etat a fini par réglementer les implantations de dark stores – les entrepôts où sont centralisées et préparées les commandes, à la demande des villes et des riverains excédés par le trafic des livreurs, et les investisseurs ne suivent plus.
Deux administrateurs et deux mandataires judiciaires ont été nommés pour trois mois – d’après le Financial Times, début mai, le principal plan était de céder Getir à l’allemand Flink qui deviendrait ainsi monopoliste de la livraison de courses en France… Un plan à priori imparable.
Flink veut quitter le marché français
Sauf que… début juin, la filiale française de Flink a demandé elle même à être placée en redressement judiciaire et annoncé qu’elle quittait le marché français. Comme l’explique l’Usine Digitale, « le modèle économique n’est pas tenable. Les coûts d’acquisition et de livraison client sont très élevés, comme les loyers des dark stores, de par leurs positions stratégiques en centre-villes, alors que les paniers vendus sont assez bas. Ni Getir, ni Flink, n’avaient trouvé leur rentabilité ».
Comme… les loueurs de trottinettes qui encombraient les rues et les trottoirs de nos grandes villes, en causant au passage une importante pollution des cours d’eau où lesdites trottinettes finissaient souvent et une augmentation de l’insécurité pour les piétons… On n’entend plus guère les politiques qui louaient le caractère « disruptif » de l’économie ubérisée, dont les start-up se sont avérées pour l’essentiel moins durables que leur principal héraut, le président Macron.
Louis Moulin
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2 réponses à “Ubérisation de l’économie : la livraison rapide de la course bientôt finie en France ?”
L’économie réelle est tellement écrasée de charges, d’obligations et de réglementations qu’elle a le plus grand mal à se renouveler. Ce qui suscite des innovations interstitielles, exploitant des trous de la réglementation. Trous provisoires, bien sûr : l’administration économique s’empresse de faire rentrer l’innovation dans le rang — autrement dit, dans bien des cas, la tuer ! Le problème n’est pas tant dans ces tentatives, il est dans l’ankylose économique qui pousse les ambitieux vers cette semi-piraterie. Sans ces soupapes de sécurité, il ne leur reste que des trafics franchement illégaux.
Le fond du problème est donc double :
a) l’immobilisme réglementaire
b) la présence de personnes dynamiques et ambitieuses, mais sans respect pour les règles de la société nationale (peut-être parce qu’ils ne s’en sentent pas membres)
LES TROTINETTES électriques qui polluent les cours d’eau , sont une chose , mais les milliers de voitures électriques qui pourrissent dans une prairie du centre de la France en sont une autre ….mare de tous ces « amateurs « , et au boulot , un vrai !