Au 1er mai 2023, la France détient un triste record. En effet, l’administration pénitentiaire a enregistré le plus grand nombre de prisonniers jamais recensé dans ses centres de détentions : 73.162. En progression de 3% sur une année, cette dynamique pose de nombreuses difficultés, notamment au regard du nombre de places, limité à 60.867.
C’est cette surpopulation carcérale que vient de dénoncer, à l’Assemblée nationale, Olivier Falorni, député (PS). En visite à la maison d’arrêt de Rochefort-sur-Mer, celui ci déclarait : « Aujourd’hui, la maison d’arrêt de Rochefort-sur-Mer a un taux d’occupation de 225%, malgré les engagements de l’administration pour réduire le nombre de détenus qui culminent à 115 pour 50 places. Cet exemple démontre que la situation ne cesse d’empirer, mois après mois, partout en France, malgré les alertes sur les conditions dramatiques de surpopulation (…) il est vain d’attendre que la prison puisse réinsérer quiconque dans une situation qui rend extrêmement difficile le travail du personnel pénitentiaire (…) Conditions de détention insalubres, vétusté des locaux, multiplication des incidents et des rixes, mal-être chez le personnel pénitentiaire et perte de sens du métier de conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation, les maux se multiplient »
Pour évoquer la situation carcérale en France et les politiques à mener, nous avons interrogé le député de Charente-Maritime.
Breizh-info.com : Vous dressez dans un communiqué un état des lieux alarmant de la population carcérale en France. Ce n’est pas nouveau. Mais comment en-est-on arrivé là; c’est à dire à des conditions de vie qui se rapprochent parfois de pays du tiers monde ?
Olivier Falorni : Le taux d’occupation dans les maisons d’arrêt est de 142,9 %. Il atteint ou dépasse même les 200% dans sept établissements dont celui de Rochefort-sur-Mer. Plus de 15.500 détenus sont actuellement en surnombre par rapport aux places disponibles dans les prisons françaises. En raison de cette surpopulation, les conditions de détention se dégradent. 2.241 détenus sont par exemple contraints de dormir sur un matelas posé à même le sol.
La surpopulation carcérale ne permet pas de mettre en œuvre le principe d’encellulement individuel et n’autorise pas une répartition adéquate des détenus en cellule au regard de leur statut. Ensuite, la sur-occupation des cellules entraîne inévitablement une perte d’intimité, à l’origine de tensions et de frustrations. Dans toutes les maisons d’arrêt, y compris les plus récentes, la sur-utilisation des locaux et des équipements collectifs entraîne leur vieillissement prématuré. La surpopulation carcérale rend ainsi les conditions de détention extrêmement difficiles et a des conséquences délétères sur la santé. Elle est source de violences et avive les tensions entre détenus et surveillants, ainsi qu’entre détenus.
Breizh-info.com : Vous proposez la construction rapide de places supplémentaires. Est-ce réellement la solution pour traiter ce problème de surpopulation carcérale ?
Olivier Falorni : Je propose surtout que le plan de création de 15.000 places supplémentaires avant la fin de ce mandat se concrétise. La Cour de comptes, dans son dernier rapport, indique que les 7.000 places qui devaient être livrées avant la fin de l’année 2022 n’ont pas été construites en intégralité. En 2023, dix nouveaux établissements actuellement en voie d’achèvement, représentant 1.958 places, devraient être livrés. Au total, 24 établissements, soit la moitié de la prévision initiale, devraient être opérationnels en 2024. Ce n’est pas suffisant au regard des 15.500 détenus en surnombre.
Breizh-info.com : Le recensement et l’expulsion automatiques étrangers ne permettrait-il pas, statistiquement et du fait de leur nombre très important, de vider les prisons et donc d’y faire de la place ?
Olivier Falorni : Le nombre d’étrangers dans les prisons françaises correspond peu ou prou à celui de la surpopulation carcérale. Alors d’un point de vue comptable, il serait aisé de dire que leurs expulsions permettraient de résoudre la problématique de surpopulation. Ce n’est pas si simple et ce serait nier les recherches en sciences sociales qui montrent que l’immigration n’est pas la seule cause de la délinquance. La mise en place d’un numerus clausus, une place pour un détenu, en excluant les étrangers ne serait pas satisfaisant car cette mesure ne vise pas les causes de la surpopulation. Seule une politique globale et cohérente de lutte contre la surpopulation sur la durée peut produire des résultats convaincants.
Breizh-info.com : Par ailleurs, le fait que 26% des détenus soient incarcérés dans le cadre d’une détention provisoire ne pose-t-il pas problème du fait de mettre en prison des gens qui, jusqu’à preuve du contraire, sont présumés innocents ?
Olivier Falorni : Je rappelle que la détention provisoire ne peut être ordonnée uniquement que si un contrôle judiciaire ou le port d’un bracelet électronique ne sont pas suffisants pour parvenir à l’un ou plusieurs des objectifs suivants : conserver les preuves ou les indices et empêcher une pression sur les témoins ou leur famille.
Breizh-info.com : Si l’on écoute certains à droite notamment, il faudrait presque que les détenus incarcérés soient au pain et à l’eau et ne se plaignent pas de vivre dans des conditions d’insalubrité lamentables. Parallèlement, certaines fêtes, certaines vidéos qui tournent, certaines initiatives dans les prisons sont jugées comme relevant d’un laxisme, parfois choquant pour l’opinion public. N’y-a-t-il pas un juste milieu en matière carcéral ? Le fait que chaque détenu puisse bénéficier d’une cellule individuelle, d’une douche, de toilettes individuelles, et d’un accès permanent à la culture et à la formation, tout en voyant sa propre sécurité assurée au quotidien, ne peut-il pas être ce juste milieu justement et quel serait son coût ? Ne faut-il pas par ailleurs supprimer les remises de peine tout en rétablissant les peines planchers, pour faire respecter les sanctions prévues par le code pénal ?
Olivier Falorni : Qui dit détention, dit privation de liberté mais pas de dignité. Nous devons assurer des conditions dignes d’incarcération, mais sans aucun laxisme ni mansuétude.
S’agissant du budget, l’élément de comparaison le plus clair est celui du coût d’une journée de détention par détenu. L’analyse du Conseil de l’Europe, qui se fonde sur l’année 2020, présente un intérêt car elle met en lumière l’un des facteurs explicatifs des difficultés que rencontre le système pénitentiaire français : la France consacre 135,37 d’euros par jour de détention et par détenu, ce qui la place en dernière position sur cet aspect, juste derrière l’Italie (135,51 d’euros), la Belgique (142,41 d’euros) et le Royaume-Uni (147,06 d’euros), légèrement devancés par l’Allemagne (157,72 d’euros), mais largement distancés par l’Espagne (234,50 d’euros) et la Norvège (330,60 d’euros).
Breizh-info.com : Y’a-t-il selon vous un travail à faire en matière de recrutement de personnels pénitentiaire, et de revalorisation notamment salariale du métier ?
Olivier Falorni : L’administration pénitentiaire est la troisième force publique en France et les agents avaient l’impression d’être la dernière roue du carrosse. Depuis de nombreuses années, l’administration pénitentiaire était en grande difficulté pour le recrutement de son personnel. C’est pourquoi il était indispensable de valoriser les métiers de l’administration pénitentiaire.
Ainsi, les évolutions statutaires qui permettront, dès le 1er janvier 2024, au corps d’encadrement et d’application d’accéder à la catégorie B et à celui des officiers à la catégorie A, impliquent pour tout le personnel de surveillance un meilleur salaire ainsi que de meilleures opportunités de promotion ; leur permettant d’accéder plus facilement à des postes de surveillants de grades supérieurs ; et prétendre à la catégorie A plus rapidement.
Enfin sur le volet formation, la création de centres de formations interrégionaux permettra aux agents de se former et d’être accompagnés tout au long de leur carrière de façon efficiente.
Breizh-info.com : Plus globalement, pensez-vous qu’il faille multiplier la détention sous d’autres formes, comme le bracelet électronique (y compris contraignant) pour permettre à des gens qui n’ont ni tué, ni violenté, ni violé, ni commis des actes abominables, de ne pas se retrouver justement plonger dans une sorte de jungle dont ils ressortiront possiblement pire que lorsqu’ils sont rentrés ?
Olivier Falorni : Je suis favorable aux peines alternatives comme le travail d’intérêt général, le sursis probatoire, la libération sous contrainte, ou encore les jours-amende (contribution quotidienne au Trésor pendant un nombre de jours déterminé en fonction des ressources et charges du prévenu), ou des aménagements de peine, comme les placements extérieurs, la semi-liberté, le placement sous bracelet électronique, la libération conditionnelle. Mais à la condition qu’il s’agisse bien de véritables contraintes, soumises au contrôle des services pénitentiaires d’insertion et de probation. A ce sujet, il faut noter la création de 600 postes de conseillers pénitentiaires de probation et d’insertion du projet de loi pour une justice plus rapide. Et aussi et surtout à la condition suprême que ces alternatives soient décidées avec la plus grande rigueur afin que nos concitoyens ne soient pas mis en danger par ce non-enfermement.
Propos recueillis par YV
Crédit photo : DR (photo d’illustration)
[cc] Breizh-info.com, 2023, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine
3 réponses à “Olivier Falorni, député (PS) : « Le nombre d’étrangers dans les prisons françaises correspond peu ou prou à celui de la surpopulation carcérale mais ce n’est pas si simple » [Interview]”
Plus de places de prison sont nécessaires, c’est un fait. Macron doit tenir sa parole. Mais il est une chose jamais prise en considération : la prison doit faire peur, or, elle ne le fait plus. On peut y faire à peu près tout. Détenir un portable, avoir un fitness à disposition, s’envoyer en l’air avec sa compagne, fumer un joint, etc. Elle ne fait plus peur, elle ne remplit plus son but essentiel, être une peine dissuasive. Elle ne doit plus que faciliter la réintégration. Vous cherchez un boulot ? Pool Emploi ne vous servira à rien. En revanche, si vous sortez de prison, des associations vous prendront en charge et… aucun problème ou presque.
Je préconise des prisons à l’américaine: tenues bi-colore de Dalton, chaine aux pieds, travaux obligatoires voire hébergement dans des tentes.
Je trouve très juste le ton de l’intervieweur, quand il évoque et déplore la tiers-mondisation des prisons et demande un juste milieu dans le traitement des prisonniers.
L’augmentation des places de prison n’est pas une solution réelle car c’est un gouffre financier : il serait beaucoup moins coûteux d’empêcher l’immigration et d’expulser les délinquants vers leur pays d’origine ou vers un pays d’accueil du style Rwanda (contre rémunération).