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Troubles en Irlande du Nord. Vers une amnistie totale des soldats britanniques ?

Le gouvernement britannique a officiellement déposé cette semaine des amendements importants visant à modifier la législation concernant le traitement juridique de l’héritage des troubles en Irlande du Nord. Cette démarche précède la phase de rapport du projet de loi sur les troubles en Irlande du Nord (héritage et réconciliation), qui doit être examiné par la Chambre des Lords dans le courant du mois.

Principales caractéristiques du projet de loi (à lire ici) :

Un nouvel organisme indépendant – la Commission indépendante pour la réconciliation et la récupération des informations (ICRIR) –  se concentrera sur la récupération et la fourniture d’informations sur les décès et les blessures les plus graves liés aux Troubles.

Pour les familles qui souhaitent obtenir des réponses sur ce qui est arrivé à leurs proches, l’organisme disposera de tous les pouvoirs de police nécessaires pour procéder à des examens, qui pourront inclure une enquête criminelle. Une fois l’examen d’une affaire terminé, il publiera un rapport exposant les détails de son enquête et son point de vue sur ce qui s’est passé.

Un processus d’immunité conditionnelle s’appliquant à tout délit grave ou connexe impliquant des décès ou des blessures graves pendant les Troubles.

Un comité dirigé par un juge au sein de l’ICRIR accordera l’immunité aux personnes qui fourniront un compte-rendu véridique de leur implication dans les décès et les blessures graves liés aux Troubles.

Un ensemble de mesures de commémoration centrées sur une initiative majeure d’histoire orale. L’objectif global serait d’aider à construire une compréhension de l’histoire qui reflète la complexité des événements du passé, ainsi que le paysage et le contexte plus larges dans lesquels ils se sont déroulés.

Ce projet de loi vise à améliorer la situation des personnes les plus touchées par les troubles, tout en refermant certains dossiers et certaines poursuites judiciaires, ce qui fait dire à certains que les soldats britanniques pourraient définitivement être amnistiés.

Les amendements du gouvernement en question :

  • Permettre aux enquêtes criminelles en cours, aux enquêtes, à l’examen des décisions de poursuite et à la publication des rapports de se poursuivre jusqu’en mai 2024, « en assurant une transition en douceur » entre la fin des mécanismes actuels et le fait que la Commission indépendante pour la réconciliation et la récupération des informations (ICRIR) assume l’entière responsabilité du traitement des affaires héritées du passé.
  • Imposer à l’ICRIR l’obligation de proposer aux victimes et à leurs familles la possibilité de soumettre des déclarations d’impact personnel. Ces déclarations doivent être publiées si la personne qui les a faites le souhaite, sous réserve d’exceptions limitées.
  • L’obligation pour l’ICRIR de prendre des mesures raisonnables pour obtenir des informations pertinentes pour l’évaluation de la véracité du récit d’une personne dans le cadre de sa demande d’immunité.
  • La révocation de l’immunité si une personne est ultérieurement condamnée pour des infractions de terrorisme ou des infractions liées au terrorisme commises après l’octroi de l’immunité.
  • En outre, la confirmation expresse que le commissaire chargé des enquêtes, lorsqu’il exerce un contrôle opérationnel sur la conduite des examens, doit se conformer aux obligations imposées par la loi de 1998 sur les droits de l’homme.
    en imposant à l’ICRIR l’obligation de publier, dans le cadre de son rapport final, une déclaration expliquant la manière dont chaque examen a été mené, ce qui renforcera la transparence de ses travaux
    l’obligation pour l’ICRIR de produire des orientations relatives à la détermination d’une demande d’immunité. Cette obligation remplacera un pouvoir qui appartient actuellement au secrétaire d’État pour l’Irlande du Nord.

Ce jeudi 8 juin, le Conseil de l’Europe – qui n’a pas la moindre légitimité électorale, encore moins outre Manche – a exprimé sa désapprobation à l’égard de cette proposition de loi britannique

Le Conseil, qui a pour mission de veiller à la mise en œuvre de la Convention européenne des droits de l’Homme, a manifesté sa «vive préoccupation» face à l’incapacité du Royaume-Uni à résoudre les désaccords sur cette proposition de loi.

Micheal Martin, ministre irlandais des Affaires étrangères de la République d’Irlande, a déploré que la loi «progresse dans le processus législatif sans le soutien des partis politiques d’Irlande du Nord». «Je crains qu’en envisageant des amnisties pour des crimes qui sont des violations flagrantes des droits humains, la proposition de loi, si elle est adoptée, nuirait à la réconciliation plutôt qu’elle ne la promouvrait», a-t-il souligné. La loi, actuellement débattue à la Chambre des Lords, a toutefois été favorablement accueillie par des groupes de vétérans, qui estiment que certains soldats ont été injustement poursuivis.

En novembre 2022, pour la première fois depuis la fin du conflit en 1998, un ancien soldat britannique, David Holden, a été reconnu coupable d’avoir tué un homme en 1988 d’un tir dans le dos à un poste de contrôle. Il a été condamné à trois ans de prison avec sursis pour le décès d’Aiden McAnespie, alors âgé de 23 ans.

Le Conseil de l’Europe déplore «l’absence de progrès concret» pour répondre aux préoccupations concernant la compatibilité de ce texte avec la Convention européenne des droits de l’homme, dont le Royaume-Uni est signataire. Il invite Londres à réviser la disposition prévoyant d’accorder l’immunité aux personnes impliquées dans les incidents, en soulignant «l’importance de gagner la confiance des victimes, des familles et des témoins potentiels». La proposition de loi, présentée en mai 2022, propose de renoncer aux poursuites judiciaires relatives au conflit nord-irlandais pour les soldats britanniques et les paramilitaires qui accepteront de collaborer avec les autorités.

Au cours des trois décennies du conflit nord-irlandais, qui a commencé dans les années 1960, plus de 3500 personnes ont perdu la vie. Environ 1200 décès font toujours l’objet d’une enquête policière, d’après le gouvernement britannique. Pour ce dernier, la loi devrait permettre de mettre fin à des centaines de ces affaires non résolues. Le gouvernement britannique est «résolu à obtenir de meilleurs résultats pour les personnes les plus touchées par les Troubles», a déclaré un représentant du ministère responsable de l’Irlande du Nord. La commission proposée sera dotée «des pouvoirs nécessaires pour mener des enquêtes criminelles (…) en veillant à respecter les obligations internationales du gouvernement», a-t-il ajouté.

En résumé, alors que le gouvernement britannique cherche à mettre un terme aux enquêtes judiciaires relatives aux violences passées en Irlande du Nord, le Conseil de l’Europe, l’Irlande et diverses parties prenantes en Irlande du Nord expriment leurs préoccupations sur les implications possibles pour la justice et la réconciliation. Ce projet de loi continue de faire l’objet de débats intenses, tant sur le plan national qu’international.

De son côté; le secrétaire d’État à l’Irlande du Nord, Chris Heaton-Harris MP, a déclaré : « Le gouvernement a toujours déclaré qu’il poursuivrait un dialogue constructif afin d’apaiser les inquiétudes et de renforcer le projet de loi. C’est pourquoi nous avons publié un certain nombre d’amendements importants qui répondent directement à un certain nombre de préoccupations majeures soulevées par les parties intéressées. Il s’agit notamment d’amendements relatifs à la conduite des examens, au respect des droits de la Convention, à l’indépendance de la Commission, à l’immunité conditionnelle et aux procédures judiciaires en cours. Nous restons absolument déterminés à faire progresser la législation afin que la Commission indépendante pour la réconciliation et la récupération de l’information (ICRIR) puisse être mise en place et commencer à fournir de meilleurs résultats pour les personnes les plus touchées par les Troubles, aussi rapidement que possible »

La question de la mémoire des Troubles, encore très fraiche dans les têtes, pourrait bien créer de nouvelles tensions, une fois de plus, en Irlande du Nord.

  • Photo : Photo d’illustration (film 71)

[cc] Breizh-info.com, 2023, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

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