Le livre de Nicolas Legendre que Loïc Chesnais-Girard devrait lire

Rude affaire que de s’attaquer au « modèle agricole breton ». Nicolas Legendre a osé. Quelques médias parlent de son livre.

Nicolas Legendre a eu la bonne idée d’accorder un entretien au magazine Bretons (mai 2023). C’est l’occasion de présenter son livre Silence dans les champs (Arthaud) et de préciser quelques points. Le rôle joué par les coopératives est évidemment central dans ce qu’il est convenu d’appeler le « modèle agricole breton ». La journaliste Maiwenn Raynaudon-Kerzerho procède à un constat où il est question du « quasi-esclavage » dont souffrent certains paysans qui sont « pieds et poings liés à une coopérative – qui fournit les bêtes, les aliments, les traitements, et qui achète la production -, qui sont de fait salariés mais qui portent seuls le poids d’emprunts et touchent à peine un smic… ». Voilà résumée la situation. Mais on peut également se poser une autre question : comment et pourquoi le pouvoir a-t-il échappé petit à petit aux paysans ? « Cela a été progressif,  ça dépend des coopératives. Il y a eu d’une part un agrandissement, une libéralisation des coopératives qui finissent par prendre part à la guerre économique, par adopter le fonctionnement de firme internationale. En même temps, leur gestion s’est complexifié, il y a donc des administratifs, des gens qui sont des gestionnaires loin du terrain. » On peut noter au passage que la même question se pose au Crédit mutuel de Bretagne et au Crédit agricole où les sociétaires – propriétaires de la maison – sont pris pour des cons par la technostructure qui dirige la coopérative sans rendre de comptes à quiconque. Un PDG du CAC 40 dépend de ses actionnaires qui peuvent le virer vite fait bien fait…

Féodalité, servage, esclavage

Nicolas Legendre souligne aussi l’importance des coûts : « Les algues vertes et les pollutions par les produits  phytosanitaires sont les symptômes les plus visibles. Mais il y a aussi la grande histoire du remembrement, qui est pour moi un cataclysme monumental, d’une violence inouïe. Sans doute qu’on n’a rien connu d’aussi massif dans nos campagnes depuis les défrichements de l’an 1000, voire du néolithique ! Nos paysages n’ont aujourd’hui rient à voir avec ce qu’ils étaient. »

La culture traditionnelle et la langue bretonne trouvent également leur place dans les préoccupations de Legendre : « Je trouve intéressante la notion d’ethnocide, qui inclut des éléments sociétaux, culturels, de sociabilité. Ce grand bond en avant ratiboise des paysages physiques mais aussi mentaux. Les langues de Bretagne en font partie. De la même façon qu’avoir une prairie avec des pommiers dedans est considéré comme archaïque et rétrograde, si en plus tu parles gallo, tu es Néandertal… »

Un grand « merci » à Alexis Gourvennec qui fut un moteur de cette révolution. Il sut expliquer aux gouvernements successifs ce qu’il fallait faire pour que la Bretagne devienne « moderne »…

B. Morvan

Illustration : DR
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7 réponses à “Le livre de Nicolas Legendre que Loïc Chesnais-Girard devrait lire”

  1. Christine D. dit :

    Je bois du p’tit lait en vous lisant… Depuis le temps que l’on voit ce suicide collectif, c’est un excellent résumé. Il n’y a pas que les bêtes qui vont à l’abattoir. Et les paysans (pardon ! agriculteurs) comme le peuple (pardon ! les consommateurs) se sont laissés avoir par les sirènes leur faisant miroiter un monde meilleur.
    Mais où est donc passé le « bon sens paysan »?
    Je vais me procurer « Bretons » pour compléter ma documentation sur le sujet…

  2. Bouglouan dit :

    Un livre à mettre entre toutes les mains ! Merci d’avoir libéré la parole , d’avoir eu ce courage; c’est un vrai bonheur ce livre pour la fille de paysan que je suis , fille de paysan devenue fille d’exploitant agricole au fil du temps. J’étais enfant quand les 1ers seaux en plastique ( neolait) sont arrivés à la ferme : poudre de lait , ainsi les veaux ont arrêté de téter leur mère . On a appelé ça le progrès…

  3. Durand dit :

    Je suis surpris de ne pas voir de commentaire sur la FNSEA !
    Son rôle dans toute cette évolution ?
    Le pire reste à venir car le système est bien enclenché et les multinationales les coopératives ne lâcheront rien.
    Notre campagne est vidée de tous ces hommes de la terre et défigurée.
    Et au bout de tout cela ! le profit,
    la finance.

  4. Reucherand dit :

    Le « triangle vert » (MSA, crédit agricole, coopérative agricole) le triumvirat assassin des victimes de nos paysans . Quand ces derniers ne sont pas morts empoisonnés, ils sont esclaves et enchaînés dans la cale de leur galère.
    Fils, frères et amis de paysans , je suis témoin, j’ai « pataugé » avec mes mains dans le blé rose, le round up m’évitait de m’extenuer avec ma binette, les antibiotiques et les hormones de croissance faisaient rapidement de beaux taurillons.
    Hé oui : sacré progrès. Quel gâchis.
    Pendant ce temps , les nouveaux seigneurs et leurs actionnaires festoient, mitraillette en bandoulière.

  5. CAMILLE GUILLOU dit :

    Bravo Nicolas…..c’est encore pire que ce qu’il décrit…..j’ai passé toute ma vie dans une ferme et je n’ai jamais entendu le mot ‘vacances’ c’est dingue. Les SAIGNEURS ont su exploiter les paysans…. aujourd’hui ils ont réussi à éliminer ces ‘faineants’ de bios quine votent pas fnsea… Camille Guillou ‘LesSaigneurs de la Terre’

  6. Romain dit :

    Encore un journaliste en mal de notoriété et quoi de mieux que de critiquer l’agriculture bretonne. Ce journaliste travail au sein d’un journal qui publie régulièrement des articles mensongers sur l’agriculture en général et les courageux journalistes refusent le débat en bloquant ceux qui dénoncent ces mensonges.
    L’agriculture bretonne a beaucoup d’atout et fait énormément progrès et va continuer à en faire donc soyons en fier.

  7. RENAUD dit :

    J’ajouterai la SAFER à la liste des copains.
    Ce basculement du paysan, en ouvrier, alors qu’il est chez lui, je l’ai vu il y a plus de 30 ans …avec les premiers silos de nourriture toute prête que des sociétés spécialisées venaient livrer.
    Et maintenant des usines à cochons comme à Landunvez…honte à ces personnes qui ne respectent ni l’animal ni leurs clients consommateurs.

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