Faudra-t-il inscrire l’intangibilité des oeuvres artistiques et littéraires dans la Constitution ?

La publication le 18 avril 2023 par le quotidien Libération d’une information selon laquelle « les traductions françaises d’Agatha Christie allaient faire l’objet de « révisions », notamment la suppression de termes jugés offensants sur le physique ou l’origine de personnages[1] » a replacé la question de l’idéologie révisionniste woke au cœur de l’actualité de cette romancière britannique.

Ce choix éditorial n’est pas le premier. Il fait suite à la décision de la société Amazon de retirer le livre « Dix petits nègres » de la vente en mai 2020 pour cause de « contenu non conforme aux critères de la société[2] », puis au choix des Editions du Masque en août 2020 de changer le titre du livre pour celui, jugé plus consensuel, de « Ils étaient dix[3] ». Une évolution qui aurait été approuvée par James Prichard, arrière-petit-fils d’Agatha Christie et gérant de ses droits[4]. 

Le droit positif protège les œuvres, mais prévoit une exception. Ainsi, en France, l’article L.121-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que « l’auteur jouit du droit au respect (…) de son œuvre », et que ce droit est « perpétuel, inaliénable et imprescriptible[5]. » L’article L.132-11 précise que « l’éditeur ne peut (…) apporter à l’œuvre aucune modification[6]. » Cependant, une faille dans la protection réside dans le fait que le respect de l’œuvre « est transmissible, à cause de mort, aux héritiers de l’auteur[7] ». Dès lors, il se pose la question de savoir si les héritiers peuvent, post mortem, présumer que leur ancêtre aurait modifié son œuvre s’il avait vécu. La démarche semble périlleuse mais justifie apparemment toutes les atteintes à l’œuvre originale. 

Officiellement, les « révisions » sont justifiées par la volonté de supprimer des passages jugés offensants ou racistes[8]. Mais notre société est-elle devenue si sensible qu’elle ne puisse plus supporter la vérité, ni regarder son histoire et accepter sa culture ? Dans l’Esprit des lois, Montesquieu a intitulé le chapitre V du Livre XV « De l’esclavage des nègres[9] ». Faudra-t-il modifier ce titre au motif que le mot « nègre », usuel au XVIIIe siècle, serait jugé offensant au début du XXIe ? Faudra-t-il falsifier les textes et, donc, l’histoire ? 

C’est précisément ce contre quoi Georges Wells nous a mis en garde dans son roman « 1984 ». Modifier des textes présentant les événements passés permet d’instrumentaliser la mémoire collective, ce qu’un des slogans de la dictature de Big Brother indique clairement : « Qui commande le passé commande l’avenir ; qui commande le présent commande le passé[10]. » 

Et si nous préservions nos libertés en inscrivant dans la Constitution le principe de l’intangibilité des œuvres littéraires et artistiques ?

André Murawski 

Ancien président du groupe « Les Indépendants » au Conseil régional des Hauts-de-France (2016-2021) 


[1] Libération, AFP, 18 avril 2023. 

[3] Ibid. 

[4] Ibid. 

[5] Code de la propriété intellectuelle. 

[6] Ibid. 

[7] Code de la propriété intellectuelle, art. L.121-1. 

[8] Libération, AFP, 18 avril 2023. 

[9] Montesquieu, De l’esprit des lois, livre XV, chapitre V. 

[10] H.G. Wells, 1984.

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Une réponse à “Faudra-t-il inscrire l’intangibilité des oeuvres artistiques et littéraires dans la Constitution ?”

  1. TITUS dit :

    Impensable. Honteux. C’est pire que caviarder, c’est du viol intellectuel.
    La bêtise humaine n’a vraiment pas de limite et certains s’en glorifient.
    Notre civilisation morte n’en finit pas de se décomposer.

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