C’est avec un profond étonnement que nous apprenons la commémoration du 80eme anniversaire de l’assassinat de l’abbé Yann-Vari Perrot qui se déroulera … le 1er mai prochain ! Et beaucoup d’incompréhension, aussi, en lisant l’interview de son organisateur Youenn Caouissin, dans votre édition du 26 mars.
Comme participant habituel à la commémoration du lundi de Pâques à Scrignac, nous ne partageons pas, en effet, certaines affirmations qui ne peuvent que jeter le discrédit sur les réunions passées.
Tout d’abord, commémorer un « Premier mai », un assassinat survenu le 12 décembre, est-ce vraiment judicieux ? Cette date n’a jamais figuré, semble-t-il, au calendrier du patriotisme breton. Pourquoi pas un 14 juillet ? La provocation aurait été encore plus poussée, à l’égard d’un prêtre pour qui « République et laïcisme sont incompatibles avec la Cause bretonne ».
Rappelons, tout de même, que depuis 1957, les Nationalistes bretons se retrouvent chaque lundi de Pâques à la Chapelle de Koad Keo à Scrignac, à l’appel de l’Unvaniezh Koad Keo. Pour rendre un vibrant hommage, comme il se doit, à l’abbé Yann-Vari Perrot. Mais aussi pour commémorer la mémoire de tous les martyrs de la Cause bretonne et de nos frères d’Irlande tombés au champ d’honneur en 1916. Une date ô combien symbolique ! Dès lors, faut-il enterrer cette journée politico-religieuse d’affirmation bretonne ?
Lors de ces journées patriotiques et spirituelles, il n’y eut jamais de « récupérations politiques », ni de « dérapages verbaux regrettables » comme le déclare Monsieur Youenn Caouissin. Parfois, quelques grincheux occasionnels, nous le concédons, mais c’est le lot de tous les milieux. Mais au nom de quelle morale supérieure, les seuls drapeaux Kroaz Du et Gwenn-ha-Du devraient être tolérés ? Pour nous, au contraire, tous les drapeaux et emblèmes politiques propres à la Bretagne devraient être rassemblés, ce jour-là, dans un vaste espace de communion et d’unité nationale retrouvée.
N’en déplaise à l’ami Caouissin, nous voyons en l’abbé martyr non seulement l’homme de Dieu, mais aussi un « ETENDARD POLITIQUE ». Et c’est un bien mauvais procès fait aux Nationalistes bretons quand il persévère dans son « Feiz ha Feiz », au détriment de Breizh.
Ce que nous refusons absolument dans ce rendez-vous du 1er mai, c’est l’occultation du volet nationaliste du Saint martyr. Ce rendez-vous se veut strictement spirituel, en lieu et place de celui du lundi de Pâques. C’est hélas un réel coup bas contre la Nation bretonne. Celle qui prie ou ne prie pas mais qui entend rester bretonne dans l’intégrité de son identité ethno-nationale.
Si l’effacement du volet politique peut satisfaire des régionalistes en mal de reconnaissance auprès de leurs adversaires, ou certains fidèles soumis à leurs autorités conciliaires, cette position apolitique dessert notre camp. Elle fait admirablement le jeu de la République jacobine. Un Etat français qui ne redoute en rien les manifestations catholiques, depuis que l’Eglise s’est laissé neutraliser. Par ailleurs, cet apolitisme n’a jamais freiné les ardeurs belliqueuses de nos adversaires. En 2018, nous avons déploré la profanation de la sépulture de l’abbé Perrot. Puis, en 2019, l’incendie de la chapelle de Koad Keo. Incendie réputé « accidentel » selon la version officielle, comme le fut en son temps l’incendie de Notre-Dame-de Paris, en 2019 !
Le combat national de l’abbé Perrot
Bien qu’il se défendît d’être un « prêtre politique » ou de « faire de la politique », l’abbé Perrot savait très bien que ses combats (culturel et religieux) étaient aussi des combats politiques. Car tout était politique dans la société d’hier comme dans le monde d’aujourd’hui : philosophie, histoire, art, culture et…religion. Or, vouloir ignorer un Pouvoir politique hostile, en pensant l’amadouer pour s’en attirer les bonnes grâces, c’est courir d’illusions en illusions. Pire encore, c’est le conforter dans ses agissements. Ce qu’avait fort bien compris l’abbé Perrot et son parcours plaide en ce sens.
Pour rappel :
Il fut le fondateur du BLEUN-BRUG en 1905. Association dont les statuts révisés en 1925, défendaient un projet AUTONOMISTE d’inspiration catholique. Il fallait absolument œuvrer à la « conquête d’un régime d’autonomie ».
Il fut sanctionné par sa hiérarchie épiscopale qui le muta en 1930 dans le bastion rouge de Scrignac, en raison de son engagement POLITIQUE. Cependant, son appartenance ethno-nationale ne souffrit d’aucun compromis. Il resta fidèle à sa ligne de conduite qu’il avait exposée à son évêque, dans un courrier daté du 9 juillet 1926 : « Nous n’avons pas plus le droit d’être traîtres à notre race qu’à notre foi ».
Lui qui disait : « Mes devoirs de citoyen français ne me feront jamais oublier mes devoirs de patriote breton plus profondément gravés dans le quatrième Commandement de Dieu que mes devoirs vis-à-vis de l’Etat français qui nous écrase ». (Youenn Caouissin, Vie de l’abbé Yann-Vari Perrot, op. cit, p104). Serions-nous plus Nationalistes que lui ?
Il témoigna en 1938, en faveur de Célestin Lainé et de ses camarades nationalistes inculpés pour leurs menées séparatistes. Lors du procès, il déclara leur avoir « conseillé la résistance, une résistance délibérée, tenace aux lois injustes qui oppressent notre NATIONALITE ».
Il rédigea dans sa revue FEIZ-HA-BREIZ, plusieurs centaines d’articles sur les questions les plus diverses. Revue qui a subi, durant l’occupation allemande, les tracas incessants de la censure française. Probablement pas pour des écrits… religieux !
Il devint membre, en 1942, du Comité Consultatif de la Bretagne mis en place par le Gouvernement du Maréchal. La même année, il imposa la tenue des fêtes BLEUN-BRUG à Tréguier en dépit de l’interdiction de son évêque, Mgr Duparc.
Fort naturellement, les articles anticommunistes de sa revue (La main de Moscou, Le charnier de Katyn, Un pays gouverné par un prêtre, Mgr Tiso, etc.…) suscitèrent une haine sans limite à son endroit. Et c’est très courageusement, qu’il dénonça en chaire de son église de Scrignac, le massacre de Katyn par l’Armée rouge.
Il prit position pour la Croisade européenne contre le bolchevisme, « contre les sauvages de l’Est ». Et condamna, à juste titre, la barbarie des bombardements de populations civiles, tels ceux qui frappèrent Morlaix, en janvier 1943, pour ses nombreuses petites victimes. Dans sa revue de mars-avril, on lit sous sa plume : « il n’est pas pensable de considérer comme légitimes les sauvages et cruels bombardements sur les villes bretonnes, françaises ou allemandes. Il n’est pas pensable de regarder comme des héros, ceux qui ordonnent et pratiquent cette guerre de lâches, tuant tant d’innocents ».
Son presbytère de Scrignac fut une sorte de Quartier général où défilèrent des cadres et des jeunes du Parti National Breton ( Bricler, Lainé, Debauvais, Mordrel, etc. ). Des membres des Bagadoù Stourm y reçurent l’hospitalité. Des patriotes bretons qui avaient compris que l’action culturelle seule ne pouvait que mener à une impasse, si le terrain politique restait ignoré.
Nul doute qu’il fut assassiné, non parce qu’il fut un prêtre exemplaire et influent, mais en raison de ses positions politiques sans lesquelles la foi chrétienne reste cantonnée dans les sacristies. Il fut assassiné parce qu’il fut un authentique patriote breton. Qu’on cesse de répéter qu’il est mort pour sa foi chevillée au corps. Des centaines de prêtres auraient alors subi, eux aussi, le même martyr et l’extermination.
Voilà pourquoi, nous refusons de dissocier le combat spirituel de l’abbé Perrot, de son combat national et de celui de la Cause irlandaise magnifiée le lundi de Pâques. Nous devons assumer la totalité de l’héritage spirituel, culturel et politique de l’abbé Yann-Vari Perrot. Hors de question de faire profil bas pour la commémoration d’un homme qui a toujours porté haut et fort ses convictions, jusqu’au sacrifice suprême.
Pour nous, le Guide spirituel restera le Nationaliste breton mort en soldat devant l’ennemi.
Jakez GUILLOUZOUIC
Précision : les points de vue exposés n’engagent que l’auteur de ce texte et nullement notre rédaction. Média alternatif, Breizh-info.com est avant tout attaché à la liberté d’expression. Ce qui implique tout naturellement que des opinions diverses, voire opposées, puissent y trouver leur place.
Crédit photo : DR
[cc] Breizh-info.com, 2023, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine
14 réponses à “Hommage à l’Abbé Perrot du 1er Mai 2023 à Scrignac. Faut-il vraiment faire profil bas ? [L’Agora]”
M. Guillouzouic a raison. Le profil bas n’est que la dernière étape avant l’aplatissement puis l’enterrement. Il ne sert à rien de tenter de ramper devant des gens qui resteront de toute façon des adversaires. L’abbé Perrot doit être honoré tel qu’il est, dans un hommage à une personnalité hors du commun — ce qui ne signifie pas forcément adhérer à l’intégralité de ce qu’il a dit et fait.
Oui monsieur Guillouzouic a parfaitement bien résumé le fait que notre abbé, et ses écrits le prouvent, faisait bien de la politique au sens noble du terme. Défenseur des libertés bretonnes il a été lâchement assassiné non pas pour ses convictions religieuses mais bien pour ses positions nationalistes bretonnes. Alors, pourquoi mettre un genou à terre ? Nos ennemis, ennemis de toute émancipation du peuple breton, ne changeront pas de position !
Aotrou Yann Vari Perrot, abostol ha merzher Breizh kouezhet en hent ha drouklazhet gant un trubard d’e Vro !
Lezomp ar chas tagnous da harzal hag an dud sot da gaozeal.
Libre à chacun d’honorer l’abbé Perrot comme il l’entend. Il est clair qu’il était nationaliste mais les nationalistes d’aujourd’hui ne faisant rien, le prêtre au moins aura été honoré malgré toutes les embûches.
Merci pour cette article magnifique et courageux.
Je pense egalement que l’abbé Yann-Vari Perrot a été d abord un Breton.Il etait
curé a une epoque differente de la notre mais il etait attentif a son pays .
Actuellement,il y a beaucoup trop de rejets , si on ne pense pas comme tout le monde..On est submergé par la « connerie »(le mot est faible) qui nous est arrivé comme toujours des USA.Tout est remis en question , histoire d’etre dans le vent
Il faut admettre tous ceux qui ont oeuvré pour leur Pays c’est la chose importante
L’abbé Yann Vari Perrot avait une devise, qui résumait tous ses actes: Feiz ha Breiz, ou encore Doue ha Breiz.
Il plaçait Dieu avant la Bretagne et avec la Bretagne, les deux étant indissociables. Le problème avec certains nationalistes Bretons qui se revendiquent de lui: ils laissent le côté chrétien du prêtre pour ne garder que le côté Breton, et en faire juste un étendard politique.
C’est simple: si vous voulez honorer la mémoire de l’abbé Perrot, quelle que soit la date, il s’agit d’être dans la droite ligne Feiz ha Breiz, comme le souligne toujours Y. Caouissin. Et s’il y en a un qui ne fait pas profil bas, c’est bien lui, en écrivant ses livres en hommage au prêtre martyr.
Sturienn Y V Perrot ’ oa : Feiz ha Breiz. N’ e oa ket… Feiz ha Feiz !
Faire de l’abbé Perrot exclusivement un militant nationaliste c’est répéter la vielle antienne de l’extrême-gauche et la récupération de son image: Faire croire que l’abbé Perrot aurait soutenu d’une quelconque façon un celtisme paien voire athé, passé ou présent. Faire croire que sa mort n’aurait rien à voir au fait qu’il était prêtre, c’est reprendre les mensonges répétés après-guerre qu’il s’agissait d’une affaire locale, pour dissimuler que que son assassinat avait été décidé à Paris par la direction du Parti Communiste, notamment par quelqu’un qui sera plus tard député et secrétaire de Maurice Thorez. Son assassinat a avant tout engagé l’avenir spirituel de la Bretagne.
Son assassinat a engagé à la fois l’avenir Breton et l’avenir spirituel de la Bretagne. C’est exactement ce que savaient et voulaient les commanditaires, par haine à la fois de la Bretagne et du Christianisme.
Ni Feiz ha Feiz, ni Breiz ha Breiz.
Y.C. souligne bien dans ses deux livres et à chaque conférence cette dualité et complémentarité Feiz ha Breiz chère à l’abbé Perrot. Donc ceux qui veulent du Breiz ha Breiz renient la moitié de son héritage. Quant à ceux qui prétendent que YC oriente sur Feiz uniquement, c’est que:
-soit ils n’ont pas lu les livres et /ou ne sont pas aller l’écouter.
-soit ils n’ont rien compris et devraient apprendre à lire correctement un livre.
L’abbé a par ailleurs été assassiné non pas pour son engagement de nationaliste breton uniquement, ou pour son engagement chrétien uniquement mais pour les deux à la fois, et parce qu’il a été calomnié et diffamé, accusé à tort de collaboration, et aussi parce qu’il était contre toutes les idéologies, tant le nazisme que le communisme dont se réclamait son meurtrier. Ces idéologies haïssaient le Christianisme, et ceux qui le représentaient, à cause de son message d’amour pour tous les hommes, qui va à l’encontre de leur propre combat. Haine ou mépris du non Aryen et paganisme pour le nazisme, haine du non-prolétaire et matérialisme pour le communisme (religion=opium du peuple). Et il avait raison, ces deux idéologies ayant fait des morts par millions, si bien que je me demande encore comment on peut aujourd’hui se réclamer du communisme, ou avoir encore des rues Lénine ou Staline….petite parenthèse.
Enfin, je ne comprends même pas toutes ces tergiversations car en définitive, toute sa vie et toute son oeuvre se résume en 3 mots: Feiz ha Breiz. Le meilleur moyen de lui rendre hommage, pour ceux qui veulent le faire, n’est pas de jouer les porte-drapeaux mais simplement de vivre au jour le jour cet engagement Feiz ha Breiz. Tout le monde a le droit de ne pas partager cela, car chacun doit être libre de ses convictions, mais dans ce cas autant rester à l’écart de l’abbé YV Perrot sans prétendre vouloir lui rendre hommage, et le laisser reposer en paix. Car en définitive, il était si humble qu’il n’aurait pas voulu devenir un étendard pour qui que ce soit. C’est ce qu’essaie de faire comprendre YC dans ses écrits, appuyés d’une source documentaire unique.
Entièrement d’accord, les engagements pour la Bretagne à cette période l’ont été pour des motivations parfois très différentes. Aussi respectables qu’ils aient pu être, il ne faut pas tout simplifier dans une espèce de manicheisme.
Je rajouterai que dans l’engagement de l’abbé Perrot il y avait également la langue. Pour certains le breton n’a représenté que l’instrument de la rupture, quand pour d’autres cela représentait quelque chose de personnel et spirituel, beaucoup plus intense. Sur cette question Job An Irien avait bien résumé la question en disant « Lorsque je prie, quand je dis An Aotrou Doue, ce n’est pas la même chose que de dire Mon dieu. »
Kavout a ran pouezhus enoriñ An Abbat Perrot evit Breizh koulz hag evit ar Feiz… se zo kaoz ez an da Skrigneg bep tro ma vez aozet un dra bennak en e goun… met morse n’on bet eno da Lun Fask… ar gudenn gant an Emsav sevenadurel eo ez eo breinet gant an tu kleiz enep-kloer…
Ma Doue, c’est vraiment un passe-temps de Breton que de se quereller avec d’autres Bretons quand nous devrions nous unir contre l’occupant français et nous féliciter que de telles initiatives aient lieu… Au lieu de râler, allez soutenir !