Samedi 14 avril 2023 se tenait le dixième colloque de l’Institut Iliade. Un colloque qui a rassemblé entre 1300 et 1500 personnes tout au long de la journée, faisant de ce rendez-vous l’un des plus importants de la mouvance « identitaire » au sens large. Parmi les nombreuses interventions traitant aussi bien du transhumanisme, de la santé, du goût de l’effort et du dépassement de soi, de la démographie, Audrey D’Aguanno, journaliste pour Breizh-info.com, a fait une intervention remarquée que nous vous proposons de découvrir ci-dessous en exclusivité.
📸 Retour en images sur ce Xe colloque qui restera dans les mémoires.
Deux dates que vous pouvez d'ores et déjà réserver deux dates le 21 mai 2023 à Paris pour un hommage à Dominique Venner et le 6 avril 2024 pour le XIe colloque de l'Institut Iliade. pic.twitter.com/Q61KrCHHgF
— Institut ILIADE (@InstitutILIADE) April 18, 2023
S’inspirer de modèles forts pour reprendre le fil de notre destin
Il y a de multiples causes au déclin anthropologique des Européens. L’oubli du passé est l’une d’entre elles. Sans mémoire, on ne sait plus d’où l’on vient, on ne sait plus qui l’on est, on ne sait plus de quoi l’on est capable. Pire, notre Histoire diffamée, nos ancêtres culpabilisés, on souhaite disparaître. Et à vingt-trois ans, on en vient à se faire ligaturer les trompes ou à promouvoir l’extinction en publiant sur les réseaux sociaux les bienfaits de sa vasectomie “engagée”… Trop nombreuses sont les manifestations de cet instinct de mort qui parcourt les nouvelles générations.
Dans son chef-d’œuvre L’enracinement, Simone Weil écrivait : « L’avenir ne nous apporte rien, ne nous donne rien ; c’est nous qui pour le construire devons tout lui donner. Mais pour donner il faut posséder, et nous ne possédons d’autre vie, d’autre sève, que les trésors hérités du passé et digérés, assimilés, recréés par nous. De tous les besoins de l’âme humaine, il n’y en a pas de plus vital que le passé. »
Notre histoire ce n’est pas le relativisme culturel ou le cosmopolitisme enseignés par l’Éducation nationale, qui n’est pas plus éducation, qu’elle n’est nationale. Notre histoire est spécifique. Elle n’est pas non plus abstraction, nos valeurs fondatrices sont concrètes et s’incarnent. Contre le déclin qui nous menace, pour reprendre le fil du destin qui devrait être le nôtre, il faut les réactiver. Tel sera l’objet de mon propos.
Aimer la France, la patrie. Défendre, se battre pour une idée plus grande que soi… en voilà des mots qui nous font vibrer ! Or, ils ne parlent pas, il ne parlent plus à tout le monde : allez les dire à un adolescent de quinze ans et il ne comprendra même pas de quoi vous lui parlez. Mais chantez l’épopée de notre plus sublime héroïne et vous aurez rendu cette idée concrète. Quoi de plus beau qu’une fille de dix-sept ans qui mène les hommes au combat, qui les fait se relever et gagner les batailles ? Quoi de plus marquant que la flèche qui transperce Jeanne d’Arc, la fait chuter, mais qui ne l’arrête pas ? Tout comme, avant cela, les années qu’elle passe, entêtée, indéfectible, résolue à convaincre qu’elle est là, qu’elle est née pour sauver la France.
Ce qui fera dire à l’historien Jules Michelet : « Souvenons-nous toujours, Français ! que la patrie, chez nous, est née du cœur d’une femme, de sa tendresse, de ses larmes, du sang qu’elle a donné pour nous. » Quel enfant, en entendant ces mots, ne ressent pas l’immédiate fierté d’être français ?
Le sens de l’honneur, la droiture, la noblesse d’âme. Incarner l’exemple par ses qualités. Pas sûre non plus qu’un adolescent nous comprenne. Mais parlez-lui de « monsieur Henri », Henri de La Rochejaquelein, le kalos kagathos vendéen. Le bon et le beau, allié à la fougue de la jeunesse. Dites-lui combien il est chéri par ses gens, ses petites gens pour lesquels il s’est sacrifié. Qu’est-ce que le héros, sinon sacrifice ?
Tous concordent : Henri est beau, grand, blond, jeune…. Trop jeune pour les autres Nobles vendéens révoltés et auquel il avait demandé de s’unir. Or, quelques jours après le refus, une horde de paysans munis de fourches, de faux et de quelques fusils, pénètre dans la cour de son petit château : ils viennent quérir leur seigneur. Ils savent que sous ses airs timides, se cache un preux chevalier. Et s’ils savent, c’est parce qu’ils ont une mémoire encore vivante, ils se souviennent ce qu’Aristocrate veut dire… ils auront raison. Le taciturne se révèle un exceptionnel meneur d’hommes en leur lançant : « J’ai contre moi et ma grande jeunesse et mon inexpérience ; mais je brûle déjà de me rendre digne de vous commander. Allons chercher l’ennemi : si j’avance, suivez-moi, si je recule, tuez-moi, si je meurs, vengez-moi ! » Des mots, que bien d’autres chefs lui emprunteront plus tard.
Nos annales regorgent de modèles héroïques. Et il y a aussi, loin du fracas des armes, des dévouements plus silencieux, qui ont valu à celles et ceux qui en ont fait montre non moins de gloire. C’est ce que les femmes de la Rome antique nous enseignent. Rome est exemplarité, abnégation, sens du devoir.
C’est Cornelia Gracchus, qui, à la fortune et un remariage royal, choisit de se consacrer à l’éducation de ses enfants. Pas pour être une gentille maman, mais pour participer à la grandeur de Rome : en incarnant l’éthique sur laquelle cette dernière avait été bâtie et en formant ses futurs citoyens.
Cornelia, fille de l’insigne Scipion, le vainqueur d’Hannibal, avait elle-même grandi dans le culte de l’excellence. Elle veut que ses fils, Tiberius et Caius se montrent à leur tour dignes de la place privilégiée qui est la leur, qu’ils personnifient eux aussi les valeurs ancestrales. Devenus de célèbres tribuns, ils continueront à la consulter fréquemment. Sa renommée sera immense. Une popularité qu’elle ne doit pas seulement à son statut de mère exemplaire, mais aussi et surtout à son haut profil intellectuel.
Ces femmes, brillants modèles, ne sont pas rares. Cornelia, Aurelia, Octavie, Agrippine et les autres prestigieuses matrones sont dévouées à leur époux ou à leurs enfants, mais elles n’en sont pas moins au cœur du pouvoir, les réduire à mères et épouses, c’est en oublier combien elles étaient puissantes. Et que leur carrière politique ne s’exerçait pas qu’en coulisse : elle était chose publique. Femmes de trempe, glorifiées en tant que tel…
Elles sont la preuve que faire des enfants n’est pas contraire à l’épanouissement. Pour endiguer notre déclin démographique, il faut être et enfanter à nouveau ! Et si notre adolescente est peu séduite par ces figures d’apparence tranquille, contons-lui l’épique : ces guerrières, ces pirates qui ont démontré plus de virilité que bien des hommes de leur temps.
Contons-lui Catherine Sforza, la comtesse de la Renaissance qui entre 2 guerres et des dizaines de conjurations s’en retournait à ses 6 ou 8 enfants. Contons-lui Jeanne de Belleville, la fameuse corsaire bretonne, qui en eu le même nombre. Contons-lui Laskarina Bouboulina, l’amiral et révolutionnaire grecque qui accouchait sur son navire et canonnait les Ottomans. Ou encore ces milliers de veuves anonymes de la Première Guerre mondiale, qui ont continué à travailler et à prendre soin de leur foyer la tête haute.
La place de la femme est une spécificité de notre civilisation. Et lorsque l’une d’entre elles s’en est montrée digne, nos mâles n’ont jamais hésité à l’encenser, la servir ou lui remettre les clefs du royaume. Si l’homme blanc était ce monstre de misogynie qu’on nous assène, n’aurions-nous jamais eu une telle profusion de reines, d’impératrices, de guerrières, d’artistes ? Aurions-nous vénéré Zeus et Héra, Mars et Vénus, Brigitte, Freya, la Vierge Marie, les centaines de saintes qui peuplent nos contrées ? En Europe, il nous faut l’homme et il nous faut la femme, sans quoi rien ne marche.
À la stérilité volontaire qui nous ronge, cause et effet le plus périlleux de notre déclin, rappelons la complémentarité entre homme et femme. L’Europe est la terre des relations naturelles entre les sexes. Et ce depuis l’aube de notre civilisation : des couples, illustres et publiques, tragiques ou impossibles, eux aussi érigés en modèles, l’attestent.
C’est Aspasie discutant des affaires de la cité avec Périclès dont Plutarque disait qu’« il l’aimait si tendrement qu’il ne sortait et ne rentrait jamais chez lui sans l’embrasser. » C’est Léonidas et Gorgo. Gorgo, une femme qui, au Ve siècle avant notre ère, à la réflexion « Vous autres Lacédémoniennes, vous êtes les seules qui commandiez aux hommes » osait répondre « C’est que nous sommes les seules, qui mettions au monde des Hommes ! » comme en témoigne, encore une fois, Plutarque.
Nos féministes l’ont-elles jamais lu ? Et je n’évoque pas ici son œuvre De l’excellence des femmes — car oui, il y a 2 000 ans un de nos plus éminents historiens dédiait une œuvre à la gent féminine, convaincu « que l’excellence de l’homme et de la femme sont une seule et même chose », mais de ses plus populaires recueils d’hommes illustres. Non, nos féministes n’ont pas lu Plutarque : elles auraient noté que des femmes fortes jalonnent ses textes, comme ceux de bien d’autres piliers de notre culture. Comment peut-on croire aujourd’hui que notre civilisation les ait exclues ?
Face à la guerre des sexes imposée, face à la détérioration de nos relations qui participe de notre déclin, remémorons l’affection, l’estime, l’amitié qui nous unit.
Ce respect mutuel, ce sont les cinquante ans de mariage de l’empereur Auguste et de l’impératrice Livie. C’est Constantin et Théodora, Mathilde et Guillaume, Isabella et Fernando. C’est Andromaque et Hector, Pétrarque et Laure, Héloïse et Abélard. C’est Henri II et Catherine de Médicis et.. Diane de Poitiers aussi ! Combien de modèles !
Cette litanie de noms anciens, que l’on pourrait allonger à loisir, témoignage que cette complicité ne date pas d’hier, qu’elle est chez nous essentielle, relative à notre essence.
Nous avons même élevé la séduction au rang d’art !
Et c’est dans l’art justement que nous pouvons admirer nos modèles physiques. Un détour par quelques musées ne pourra qu’en convaincre notre adolescente. On en profitera pour lui montrer, à travers l’art figuratif qui est nôtre et au sein duquel les femmes sont surreprésentées, la richesse des phénotypes européens. Contre l’uniformisation générée par les réseaux sociaux, aux visages aussi faux qu’homologués, qui font des ravages au sein de notre jeunesse, montrons la beauté de nos femmes et leur diversité ! Contre les délires du body positive qui normalise l’obésité, qu’elle admire la statuaire dont les corps reflètent la bonne santé. Être beaux et belles est aussi un moyen de lutter contre la laideur ambiante.
Contre le fléau de la paresse qui afflige nos descendants, signe et cause de notre déclin, renouons avec l’effort et la détermination. Inspirons-les avec ces modèles d’hommes et de femmes qui ont atteint leur but grâce à un labeur constant.
Tel cet Heinrich Schliemann qui, à huit ans, jure qu’il prouvera au monde que les récits de son enfance, l’Iliade et l’Odyssée, ne sont pas pures légendes, mais qu’ils sont histoire.
Pendant que les académiciens des riches universités raillent « le commerçant sans diplômes qui se prend pour un archéologue », l’autodidacte se rend sur le terrain, apprend vingt langues et les textes anciens par cœur. Il étudie sans relâche. Il cherche et recherche, sans répit. Il échoue aussi plusieurs fois. Il se trompe souvent, mais jamais il ne baisse les bras. Cela aussi, il faut le rappeler à notre jeunesse : ne pas s’abattre devant l’échec.
Des années de fouilles et la fabuleuse Troie refait surface. Une découverte historique. Au sommet de la gloire, il ne s’endort pas pour autant sur ces lauriers. Une autre idée lui vient : trouver la tombe du roi Agamemnon… il y parvient et nous livre la non plus mythique Mycènes et ses trésors, puis Tirynthe. Oui, grande part de nos connaissances sur le sujet, nous la devons à un fils de pasteur pauvre qui n’a jamais rien lâché pour arriver au but qu’il s’était fixé.
Ce système veut nos jeunes désemparés et hébétés. Pour reprendre le fil du destin qui devrait être le nôtre, sachons rappeler à notre adolescent qu’il est héritier de la race la plus prolifique en penseurs, savants, inventeurs, en génies. Qu’intellectuellement, il peut tout : c’est inscrit dans ses gènes. Notre création intellectuelle débute aussi loin que l’on puisse s’en souvenir — ses premières traces remontent au VIIe siècle avant notre ère — et elle ne s’arrêtera jamais.
Si, après quelques siècles d’écriture, les philosophes gréco-romains avaient déjà presque tout dit, on trouve toujours de nouvelles pierres à apporter à l’édifice. De Thalès à Marc-Aurèle… de Pascal à Nietzsche, combien de modèles !
Mais si ces figures érudites inspirent peu notre adolescent, rappelons quel meilleur élève d’Aristote, que cet Alexandre le Grand, qui répand, par la force de son épée et l’audace de sa conquête, les concepts philosophiques grecs à l’Orient, de l’Égypte aux confins de la future Russie.
Contre la mollesse qui nous envahit, vantons le courage et la volonté ! François Bousquet écrit : « Vivre dans l’imitation des modèles héroïques, tout inimitables soient-ils, voilà une règle d’hygiène mentale. Tout le contraire de la comédie, vouée à l’imitation des hommes médiocres. »
Nos thuriféraires vantent des concepts qui ne reposent sur rien. Nous avons le plus riche panthéon d’actes glorieux, de grands récits et de vraies vies capables de galvaniser nos descendants. Ces modèles ne sont pas qu’Histoire, ils sont notre ADN.
Certains d’entre eux, spectateurs du déclin, ont cherché à sauver leur monde, sauver notre monde. Exemples peut-être les plus pertinents à l’époque qui nous occupe.
Tel Miguel de Cervantès, auteur du roman le plus lu de la planète. Nostalgique, frustré de ne pouvoir incarner l’héroïsme d’un temps — après huit siècles de reconquista sur l’envahisseur musulman, les hidalgos sont au repos, et avec eux les idéaux chevaleresques — il crée Don Quichotte de la Manche, le gentilhomme qui s’imagine chevalier. Quand on est un homme d’action et que l’on veut en découdre, les périodes calmes sont souvent mal vécues… Heureusement pour lui, l’Histoire, ce train que l’on n’arrête jamais et qui surprend toujours, allait lui offrir son occasion : la bataille de Lépante, affrontement décisif opposant les Européens aux Ottomans, se prépare. Et lui, serait de la partie, prouvant qu’être chevalier est atemporel, du ressort de l’âme, de la volonté.
Une bataille perdue d’avance, un suicide au regard des quantités qui engagent les deux factions, nous dit-on. Et pourtant… ce sera une de nos plus triomphales victoires qui signera un premier coup d’arrêt à l’expansion turque sur notre sol.
Rien n’est écrit d’avance, tout est encore possible. La mort de notre civilisation n’est pas une fatalité. Ce déclin civilisationnel, nous l’avons vécu plusieurs fois, écroulés sur nous-mêmes ou l’ennemi aux portes.
Pour l’endiguer, reprenons le fil de notre destin, choisissons nos modèles, inspirons-nous-en ! Abreuvons-nous à cette source pérenne. Pas pour un vain culte du passé, mais pour avoir une incidence sur le présent et donc sur l’avenir. Pour imposer, par notre volonté, notre intelligence et notre puissance, un sens à l’histoire, qui s’écrit en ce moment même.
Audrey D’Aguanno
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4 réponses à “Colloque de l’Institut Iliade. S’inspirer de modèles forts pour reprendre le fil de notre destin”
prendre Simone Veil comme référence morale alors qu’elle est le symbole (pour ne pas dire responsable) de notre déclin démographique, est un peu dur à avaler.
Il ne s’agit pas de la même Simone ! Celle-ci est la philosophe auteur de L’Enracinement, Prélude à une déclaration des devoirs envers l’être humain.
Il doit y avoir une erreur de transcription : il ne s’agit pas de « Simone Veil », mais de « Simone Weil ». Pas la même personne. https://fr.wikipedia.org/wiki/L%27Enracinement
Bravo Madame !