Landunvez : 1487 habitants et 12 000 cochons en permanence

Il est beaucoup question de l’eau qui fait de plus en plus défaut. Les élus se démènent pour trouver des solutions. Mais personne ne songe à s’attaquer au dossier brûlant des pollutions engendrées par les élevages de porcs. Par exemple les algues vertes.

Le « plan de sobriété sur l’eau » est plein de bonnes intentions. Le Président veut que la population apprenne à économiser l’eau. D’où 53 mesures. Mais aucune  « ne s’attaque au fléau de l’élevage intensif, qui souille les nappes phréatiques et les cours d’eau. Prenez la Bretagne, qui concentre la moitié du cheptel porcin français sur 5 % du territoire, sa flotte reste archi-plombée, malgré sept plans de lutte contre les nitrates agricoles. Tout ça parce que le nombre de cochons, 7,3 millions aujourd’hui, n’a cessé de grimper avec la bienveillance de l’Etat et de la Région.

Depuis six ans, l’association Eau & Rivières de Bretagne se bat contre l’extension d’une des plus grosses porcheries de France, à Landunvez  [dans le Léon, au nord de Brest]. En 2016, le préfet du coin avait autorisé l’éleveur, par ailleurs président d’Evel’Up, une coopérative qui produit  4 millions de porcs par an, à ajouter dans sa porcherie 3 125 places pour atteindre 12 090 cochons. Par deux fois, en première instance et en appel, le tribunal administratif  de Rennes, a donné raison à l’association écolo, parce que aucune étude d’impact environnemental n’avait été menée. Ce qui n’avait pas empêché l’éleveur d’agrandir sa porcherie comme si de rien n’était, et le préfet de signer, le 8 novembre dernier, une autorisation régularisant les locataires illégaux. Le 13 mars, Eau & Rivières a, une nouvelle fois, contesté l’arrêté préfectoral. Insupportable pour le lobby du cochon. » (Le Canard enchaîné, 12 avril 2023)

Voilà résumé par l’hebdomadaire parisien  le dossier de la SARL Avel-Vor, du nom de l’exploitation agricole située à Landunvez qui comprend le patron, Philippe Bizien, également président du deuxième producteur français  Evel’Up (800 producteurs, 3,6 millions de porcs en 2021), onze salariés et 12 000 porcs. Bizien est un homme puissant puisqu’il a obtenu à trois reprises une autorisation préfectorale  d’extension (2008, 2013 et un arrêté préfectoral provisoire en 2016). Le préfet n’a rien à lui refuser. Si bien qu’en 2022, il est « obligé » de signer l’arrêté régularisant l’extension de la méga-porcherie Avel-Vor qui passe à 12 000 places. « Mais, par cette décision, le représentant de l’Etat contribue à faire de ce coin pittoresque et touristique de France un endroit où les silos d’aliments pour cochons sont plus hauts que les clochers des églises de granit. » (Le Figaro, samedi 12-dimanche 13 novembre 2022).

Le préfet n’est pas contrariant

Certes le préfet, Philippe Mahé, reconnaît  « l’excédent structurel de la zone », ce qui est une façon de reconnaître que les associations qui sont opposées au projet ont raison lorsqu’elles insistent sur la forte densité d’élevages porcins en pays d’Iroise. Mais il a une idée géniale : « Dans son annulation de l’arrêté de 2016, le tribunal administratif évoque les effets cumulés des élevages.  J’en tiens compte en mettant en place cette instance de suivi. Elle interviendra sur tout le territoire pour qualifier et vérifier les effets cumulatifs réels sur les eaux de baignade et les cours d’eau. » (Le Télégramme, Bretagne, vendredi 11 novembre 2022). Cette « instance locale de suivi de la qualité des eaux » (sic) sera composée de représentants des services de l’Etat, de la chambre d’agriculture et des élus locaux ; elle sera présidée par le préfet. On voit mal cet aréopage s’opposer à l’extension des porcheries, tellement le conflit d’intérêt est évident. Philippe Bizien trouvera toujours d’ardents défenseurs parmi les élus : « Son élevage est aux normes. Nous en avons besoin pour nourrir la planète », souligne Marie-Christine Lainez, conseillère départementale, élue et agricultrice dans la commune mitoyenne de Plourin (Le Télégramme, Bretagne, samedi 5 novembre 2022). Et puis, nous devrions être contents puisque « la production de lisier représente une richesse. On apporte précisément la quantité de ce fertilisant dont la plante a besoin. Nous ne sommes pas sur de l’idéologie mais du rationnel, avec des réponses scientifiques », indique Thierry Marchal, producteur porcin (Le Télégramme, Bretagne, lundi 21 novembre 2022).

Parlons-en des « réponses scientifiques »… Un habitant de Landunvez s’y colle. Fabrice Hamon prélève et fait analyser l’eau du Foul, le ruisseau qui traverse sa propriété. Premier prélèvement le 19 juin 2022 : « Le ruisseau ressemblait à un torrent de montagne. J’ai rempli une bouteille. Le laboratoire Labocéa a détecté une concentration d’Escherichia coli de 78 000 npp/100 ml ». Largement au-dessus du seuil de 1 000 qui interdit la baignade, pour écarter le risque d’intoxication (Le Télégramme, Bretagne, jeudi 8 septembre 2022). Depuis M. Hamon a procédé à d’autres prélèvements : la concentration d’Escherichia coli continue à dépasser le seuil d’interdiction de la baignade.

D’un côté l’Association de protection et promotion de la côte des légendes, de l’autre le préfet. « Le secteur de Landunvez est déjà classé depuis de nombreuses années en ZES [zone d’excédent structurel]. Autrement dit, on ne sait déjà plus quoi faire du lisier de cochon », constate Laurent Le Berre, président de l’APPCL. « Ce n’est pas satisfaisant de savoir que les plages sont polluées mais personne n’a pu dire de manière précise l’origine des pollutions », répond avec humour, Philippe Mahé, préfet du Finistère (Le Figaro, samedi 12-dimanche 13 novembre 2023). Evidemment, ceux qui voient  le mal partout diront que les propos du préfet ressemblent à du foutage de gueule…

Bernard  Morvan

Photo de’illustration : DR
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13 réponses à “Landunvez : 1487 habitants et 12 000 cochons en permanence”

  1. etienne boutonnet dit :

    C’est votre meilleure arme contre une immigration musulmane

  2. salou dit :

    L’association ERB …
    Quand c’est médiatique, elle est là ; quand ça ne l’est pas, elle est introuvable.

  3. JTL29 dit :

    Landunvez, une partie de son territoire (Kersaint et Trémazan) se trouve dans la baie de Portsall avec son port et sa falaise surmontée d’une croix de granit : sans doute l’un des plus beaux sites du Bas-Léon. Pourtant, malgré le voisinage de la porcherie Bizien, on ne note pas d’augmentation des algues vertes (du moins pour le moment !). Heureusement pour ce secteur du littoral du Nord Finistère déjà sinistré par le passé lors de la marée noire consécutive au naufrage de l’Amoco Cadiz en face de Portsall.
    Mais il y a d’autres pollutions à Portsall, des pollutions dont on parle peu : des pollutions visuelles comme le nouveau bâtiment de plusieurs étages tout noir d’extension du collège public qui maintenant, surplombe horriblement le port et le foisonnement d’habitations à toit plat, résultant de normes de construction localement inadaptées et d’une volonté de densification de l’habitat regrettable mais inévitable du fait de l’augmentation incroyable du prix des terrains constructibles. Il est plus que temps de mettre un terme à ces constructions qui enlaidissent les villages littoraux du Bas-Léon, mais les élus laissent faire et ne semblent absolument pas concernés.

    • Neptunus dit :

      On voit que vous connaissez bien le dossier ! Les déjections porcines ne se traduisent pas nécessairement par une prolifération d’algues vertes. En plus, vous citez la baie de Portsall qui n’a rien à voir avec la porcherie Bizien. Le ruisseau qui passe près de la porcherie, le Foul, se jette dans la mer à Penfoul, près d’Argenton.

  4. Kan al louarn dit :

    Bien sur l’agriculture fait des dégâts en Bretagne et il est nécessaire qu’elle revoie certaines de ses pratiques polluantes. Mais sans elle et tous les emplois qu’elle génère en aval, que devront faire les Bretons ? S’exiler encore vers Paris ? Qui imagine que l’industrie lourde viendra s’installer dans l’extrême ouest pour donner des emplois à la population ? Transport trop cher car région trop éloignée de toute l’Europe….Toujours les sous.
    Chacun fait ce qu’il peut avec ce qu’il a et ce qu’il sait faire.

    • Arlet dit :

      Et bien bravo, allons-y !
      L’eau c’est la vie mais les quelques emplois que procure une porcherie est plus importante.
      Peut-être y a t’il du terrain proche de chez vous où Bizien pourrait s’installer ?

  5. Jabeilles dit :

    Bravo sans restrictions à votre article – bien documenté.
    On comprend bien que le lobby du cochon de grande envergure, avec son chantage à l’emploi (ici 12 000 cochons détenus dans des conditions scandaleuses et 11 emplois !!!) et ses assertions pour « nourrir les gens », avec le soutien des élus, oeuvre pour le compte de personnes qui savent sans doute être reconnaissantes…
    Ce qui est terrible c’est le soutien, au final, des personnes qui habitent elles-mêmes les régions en question – tant que ça ne se voit pas… Reste qu’une eau où il est dangereux de se BAIGNER (il n’est même pas question de la boire !), laisse pour le moins « rêveur »…

  6. Jean Bidel dit :

    Le club des « .amis du cochon  » est une réalité à l’Assemblée Nationale : 250 parlementaires et 100 élus locaux en font partie ; inutile de préciser la puissance de ce lobby ! Conduit par le député des cochons , Marc le Fur de Lamballe / Loudéac .
    Régulièrement des sauteries sont organisées dans la salle des fêtes de l’Assemblée ( je le sais de source sûre : une cousine assistante parlementaire y a été invitée ) , le boire et le manger fournis par les cochonniers et charcutiers . Quand vous avez le ventre plein , comment s’opposer aux projets de ces si sympathiques solliciteurs – corrupteurs ?

  7. patphil dit :

    si le lisier était dessiqué ou séché, mis en sac et vendu aux agriculteurs comme engrais bio, ça ferait 2 , pas d’algues vertes et des entrants naturels pour les agriculteurs acheteurs; est ce impossible? trop difficile?

  8. jean dit :

    Pas que Landunvez, partout en Bretagne s’est pollué avec la concentration des cochons et volailles, l’agrobusiness destructeur transforme les paysages et provoque la diminution de la population agricole en Bretagne, il faut une agriculture paysanne et familiale qui rémunère correctement ceux qui la pratiquent, surtout lorsqu’ils vendent leurs produits en vente directe.

  9. René dit :

    et les cochons ils leur faut beaucou d eau pour boire. De l eau en moins pour les humains et puisée tres profondément dans les nappes phreatiques.

  10. Collégien dit :

    Votre article repose sur un vaste tissus de mensonges et d’approximations véhiculées par des associations militantes… Écrire qu’il n’y a eu aucune étude d’impact alors que les deux enquêtes publiques s’appuyaient chacune sur une étude d’impact… La première a en effet été jugée insuffisante par le tribunal par manque de prise en compte des effets cumulatifs des autres installations alentour. Mais pas par absence d’étude d’impact, ni pour les effets directs de cet élevage.
    S’il obtient des autorisations de s’agrandir ce n’est sûrement pas en tordant le bras du préfet mais bien parce qu’il met en œuvre les mesures de protection de l’environnement nécessaires.
    Et pour faire court, M. LE BERRE assure qu’on ne plus quoi faire du lisier… L’élevage en question ne l’a pas attendu pour construire et faire fonctionner une station de traitement biologique du lisier qui permet de traiter tout ce qui ne peut pas être épandu pour fertiliser les cultures de lexplt. Mais il se garde bien d’en parler!

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