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Le lobby agro-industriel breton a détruit la campagne bretonne

En Bretagne, il y a des sujets que la presse régionale  évite d’aborder frontalement. Le rôle et la puissance de l’agrobusiness est du nombre. Une enquête de Nicolas Legendre décortique le système : acteurs, coopératives, entreprises, Crédit agricole…

Nicolas Legendre a osé ! Pendant deux ans, ce journaliste a recueilli près de trois cents témoignages – paysans, fonctionnaires, techniciens, cadres de coopératives, banquiers, syndicalistes, élus, anciens ministres, etc. Résultat : une enquête de dix pages consacrée à l’agriculture industrielle et à l’industrie agroalimentaire ; elle est publiée dans Le Monde (mardi 4 avril 2023, mercredi 5, jeudi 6, vendredi 7 et samedi  8). Certes, on peut reprocher à l’auteur d’avoir négligé la Haute-Bretagne (Ille-et-Vilaine et Loire-Atlantique). Mais ça pourrait donner matière à un prochain ouvrage. On retrouvera cette enquête dans un livre « Silence dans les champs » qui sort chez Arthaud.

Difficile de traiter ces dix pages tellement on y trouve d’informations concernant ce modèle agricole « moderne » et destructeur tout à la fois. Il a à la fois transformé les paysages et provoqué la diminution de la population agricole en Bretagne  – le nombre de paysans est passé de 370 000, en 1970, à environ 55 000, en 2020, selon le ministère de l’agriculture. Bien entendu, les élus ont joué un grand rôle dans cette affaire, que ce soit au conseil régional ou dans les conseils départementaux. Mais également au Palais-Bourbon : « L’exemple le plus emblématique est celui de Marc Le Fur, député LR à partir de 1993 de la circonscription de Loudéac, l’un des territoires les plus marqués par l’activité agro-industrielle. Surnommé « le député du cochon », pour son soutien au « modèle », M. Le Fur a notamment été à l’origine, en 2010, d’un amendement controversé destiné à faciliter la création et l’extension d’élevages hors-sol. En 2022, il affirmait à Rue 89 que les proliférations d’algues vertes étaient un « problème de journalistes parisiens » et appelait à « distinguer l’essentiel de l’accessoire » : « L’essentiel, c’est l’emploi, l’écologie, c’est accessoire. »

Mais quelques parlementaires sont opposés au « modèle agricole breton ». C’est le cas de Marylise Lebranchu (PS) qui fut maire de Morlaix, député et ministre. « Il y a un problème de lobbying et de chantage à l’emploi, affirme-t-elle. Ce chantage fonctionne toujours, parce que le politique a la trouille du chômage. Et il a raison ! Pour engager des transformations en profondeur, il faut vraiment avoir beaucoup de force… et beaucoup d’élus. Il faut être soutenu par les citoyens, les syndicalistes, etc. C’est épuisant. Or, il y a des choses politiquement  plus rentables à court terme… » Mme Lebranchu confie avoir refusé le poste de ministre de l’agriculture proposé par François Hollande en 2012, par crainte d’être ciblée dans son fief finistérien : « J’avais de très mauvais souvenirs de la maison de Marie Jacq [députée PS de la circonscription de 1978 à 1993] arrosée de fioul et entourée de pommes de terre. Je ne voulais pas avoir tout le temps la police autour de ma maison et imposer ça à ma famille. »

 Leclerc et Intermarché sont  aussi de la partie

Député de Brest, Jean-Charles Larsonneur (Horizons) résume ainsi la situation : « Le système, finalement, tient sur pas grand-chose : la force de frappe du syndicat majoritaire permet de bloquer  des préfectures – quand on a une armée de tracteurs, on est plus fort. Les élus sont tétanisés par le risque de jacquerie. Et rien ne bouge. » A la vérité, nous souhaitons bien du plaisir au ministre de l’agriculture qui prendra le risque de s’attaquer au « modèle agricole breton » car c’est tout un système qui le compose, le tout coiffé par la FNSEA. Sans oublier les fabricants et vendeurs de machines agricoles, grossistes, transformateurs, patrons de laiteries privées, transporteurs et autres concepteurs de logiciels qui emploient plusieurs dizaines de milliers de personnes dans la région. Une dernière précision : « En 2018, le tiers des porcs tués en Bretagne finissaient leur vie dans les abattoirs Kermené (Leclerc) et dans ceux d’Agromousquetaires (Intermarché). »  Quel ministre disposerait d’un poids politique suffisant pour s’attaquer à Leclerc et à Intermarché ? Ni le président de la République, ni le Premier ministre ne  soutiendraient ce ministre intrépide…

Ceux qui voudraient aborder la question d’une manière plus approfondie peuvent se reporter aux ouvrages écrits par André Pochon : « La Prairie temporaire à base de trèfle blanc » (Editions Cedapa, Plérin, 1996), « Du Champ à la source : retrouver l’eau pure » (Editions Coop Breizh, 1988), « Les Champs du possible. Plaidoyer pour une agriculture durable » (Editions Syros, 1999), « Les Sillons de la colère » (Editions Syros, 2001). Grâce à André Pochon, on sait qu’une autre agriculture est possible en Bretagne  – une agriculture paysanne et familiale qui rémunère correctement ceux qui la pratiquent, surtout lorsqu’ils vendent leurs produits en vente directe.

Bernard Morvan

Crédit photo :
[cc] Breizh-info.com, 2023, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

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8 réponses à “Le lobby agro-industriel breton a détruit la campagne bretonne”

  1. Luten dit :

    L’agriculture bretonne est l’exemple type des conneries qui ont été ou qui sont faites encore actuellement.
    Dans les années 60, Edgar Pisani lance le « Remembrement ». Les talus sont arasés et les champs qui faisaient un hectare en font maintenant jusqu’à dix… Résultats : Lorsqu’il pleut, l’eau courre sur la terre. Elle érode les sols, lessive les engrais et les pesticides. Elle finit dans les rivières où elle dépose ses limons. Conséquences : Il faut augmenter la dose des pesticides car comme les trois quarts s’en vont à la moindre averse dans les rivières ; ils ne sont plus efficaces. La terre cultivable, amendée depuis des années, ne reste pas dans les champs. Les rivières sont empoisonnées par ces limons dont une partie d’entre eux finissent dans la mer pour engraisser les algues vertes. L’eau courant sur les sols, elle ne s’infiltre plus dans les nappes phréatiques et en période de sécheresse, la pénurie d’eau est alors plus importante. Que dire de la faune et de la flore qui disparait. Les polinisateurs ne sont plus dans les champs… Toutes ces conséquences se retournent contre les agriculteurs qui ont suivi les consignes des dirigeants de l’époque. Edgar Pisani le reconnaissait lui-même et regrettait de ne pas avoir mis des limites à ses consignes. Maintenant, il faudrait aider les agriculteurs à refaçonner le bocage mais il y a de gros lobbys qui s’y opposent.
    Il ne faut pas se leurrer, aujourd’hui dans d’autres domaines, les jacobins parisiens agissent aussi. Leurs méthodes n’ont pas changé. Ils imposent ce qu’ils appellent des « solutions » sans en connaître réellement les effets, du moment que cela rapporte du fric rapidement pour eux ou leurs copains. Bientôt ce sera en mer que nous constaterons les dégâts. Ils veulent nous mettre des éoliennes partout sur les côtes bretonnes. Avec les infrasons émis par ces engins et avec toutes les nuisances qui gravitent autour, il n’y aura plus de poissons. Dans la baie de Saint Brieuc, finit la pêche à la coquille Saint Jacques… Et on se réveillera une fois de plus encore trop tard. Nous ne pourrons que constater les dégâts.
    Le dogmatisme politique a pris le pas sur la réalité technico-économique avec le soutien les intégristes verts. L’Europe (ou plutôt les Allemands à la solde des Américains) prend des décisions que nos gouvernants acceptent sans broncher. Ces derniers comprennent-ils bien les directives européennes quand ils donnent leurs accords ? Il serait temps de revoir ce cordon ombilical européen qui nous affaibli alors qu’il devait nous renforcer.
    Je ne suis pas du domaine agricole ni de celui de la pêche mais j’ai étudié ce qui se passe en Bretagne. Quand je vois les pratiques dans ma spécialité, je ne doute pas que cela se produise aussi dans d’autres professions. Dans le domaine de l’énergie où je suis un expert, il y a des aberrations que font nos dirigeants. Nous avons frôlé la catastrophe cet hiver mais au plus haut niveau cela n’a pas fait réfléchir. Il y a un problème, En Bretagne, nous risquons à tout moment de voir plus de 2 millions de Bretons privés d’électricité et suivant la cause pendant peut-être une semaine ou plus… Mais que disent et que font nos élus ??? Tout le monde est beau, tout le monde est gentil…

  2. Agriculteurs et éleveurs et si on arrêtait tout ? dit :

    De la bonne propagande d’extrême gauche bien ficelée par le canard d’extrême gauche qu’est Le Monde.
    Et des commentaires par des gens qui ont le culot de ne rien y connaitre mais s’y connaissent parce qu’ils ont étudié la question. A ce train, comme j’ai déjà changé une pile de montre, je suis un expert en horlogerie ou comme je sais où est la grande ourse, je suis astrophysicien puisque plus besoin d’y connaitre quelque chose pour faire des études et apporter ses conclusions.
    Si les prix montent et les étals se vident, c’est parce qu’à force de normes, on est entrain de foutre en l’air l’agriculture et l’élevage. C’est le moment idéal pour les rêveurs bio, experts autoproclamés de reprendre des exploitations, il y en a des milliers qui sont bradés par des exploitants qui en ont plus que ras le bol.
    Vous voulez faire mieux, pas de problème, lancez vous………….

    • DG dit :

      L’agriculture bretonne est une agriculture qui fait tout sauf de l’Agronomie et qui par conséquent ne s’inscrit par dans la durée, tôt ou tard le modèle va se casser la G…. et on sait déjà qui va payer la facture.
      Par exemple, Doux, soit disant leader du poulet hors sol, un tigre de papier, retirez lui les subventions et il s’effondre immédiatement.
      Aucune production agricole ne peut être déconnecter du sol…j’invite donc la profession bretonne spécialiste du hors sol à méditer sur ce sujet.

      • Agriculteurs et éleveurs et si on arrêtait tout ? dit :

        Installez vous rapidement, on a absolument besoin d’expert comme vous et de façon urgente. De nombreux agriculteurs et éleveurs bradent aujourd’hui leurs exploitations pour partir. Foncez !

      • Tykern dit :

        ah? Mais donnez donc des exemples d’exploitations bradées en Bretagne? Là ou j’habite c’est l’inverse.. Dès qu’un exploitant agricole est proche de la retraite, une guerre féroce démarre jusqu’à 20km à la ronde par tous les voisins pour récupérer les terres et les consacrer à de l’agrandissement.
        La perspective de petite déprise agricole qui permettrait de retrouver un peu de bocages et de bosquets sur des terres pauvres et humides fait d’ailleurs très peur aux élus locaux et autres acteurs économiques comme si c’était la promesse du retour de la peste…
        Et puis au vu des enjeux environnementaux et climatique qui arrivent, nous avons autre chose à faire que d’opposer la bonne conscience écolo et l’agriculteur conventionnel en permanence, mais plutôt réfléchir ensemble comment être gardien de la qualité de nos mieux de vie que nous avons au moins en commun…
        On ne peut quand même pas dire qu’une agriculture qui a pour conséquence qu’un tiers des français boivent une eau du robinet présentant un taux de métabolite supérieur aux normes de sécurité sanitaire, soit une agriculture à promouvoir.. Mais on ne peut pas non plus désigner les exploitants comme seuls responsables.. Mais nous avons besoin en revanche qu’ils l’entendent.

  3. patphil dit :

    et pendant ce temps macdonald’s achète 80% de la viande de poulet au brésil, singapour etc. les importations de nourriture font florès en france, de pays exportateur nous sommes devenus importateurs et nos paysans crèvent. pourtant la majorité des bretons (et des gaulois)votent encore pour leurs bourreaux

  4. Budoc dit :

    Deux ans pour produire dix pages?

  5. Luten dit :

    Comme je le disait dans mon post précédent, je ne suis pas du monde agricole. Mais pendant dix ans, j’ai travaillé dans la gestion de l’eau en Bretagne. Pour bien comprendre les crues des rivières, l’envasement de celles-ci, il m’a fallu étudier la cause des ces problèmes. Dans les années 90, on a modifié l’un des plus gros barrage de Bretagne en doublant le débit de ses vannes de crue. Pourquoi avons-nous été obligé de faire ces travaux. C’est parce que l’eau arrive deux plus vite dans le réservoir que lorsque le barrage a été construit. Et pourquoi l’eau arrive deux fois plus vite??? Il n’y a pas besoin d’aller loin pour trouver la réponse: Le remembrement. Autre point, régulièrement dans les journaux, vous voyez des articles où on vous informe que telle ou telle rivière va être désenvasée… La cause est vite trouvée.
    Ce n’est pas le monde agricole qui est le plus a blâmer, il n’a fait que suivre les directives qui lui sont imposées. Il faut voir du coté des politiques qui cultivent ambiguïté et sont souvent complices des lobbies chimiques et autres.

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