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Abraham Lincoln, icône de l’égalité raciale ?

Abraham Lincoln, 16ème Président des États-Unis (1861-1865), est mort assassiné il y a 158 ans aujourd’hui. Artisan de l’abolition de l’esclavage, il passe pour être Le dirigeant  progressiste, apôtre de l’égalité des races. Mais la réalité est encore une fois bien loin des simplifications des Khmers rouges antiracistes. Anatomie d’une manipulation historique.

La guerre dite de sécession, ou guerre civile américaine, est certainement une des périodes de l’histoire états-unienne les plus mythifiées. Elle est présentée de façon réductive comme une guerre de libération des afro-Américains. Or, cette dernière ne devient un argument politique que deux ans après le début du conflit, quand les Unionistes sont proches de la défaite. (1)

C’est à ce moment-là que s’exprime le génie politique d’Abraham Lincoln, transformant une guerre économique en guerre humanitaire pour l’abolition de l’esclavage. Les élites urbaines en sont séduites. Et sur le plan militaire, c’est un coup de génie, le droit américain prévoyant qu’en temps de guerre il était possible de saisir les biens de l’ennemi, puisque les confédérés considèrent leurs esclaves comme des propriétés, ils pourront donc être saisis comme butin et venir se battre dans les armées de l’Union.

Libres, mais pas égaux : il faudra encore deux ans pour qu’une délégation de Noirs s’insurge contre la sous-représentation de leur communauté dans les rangs nordistes, où ils étaient employés en priorité pour des taches subalternes, alors que bien des Noirs luttaient côte à côte avec les Sudistes. (2)

On a donc vite fait de ranger dans le camps du bien celui qui déclarait encore en 1862 : « Mon objectif suprême dans ce conflit est de sauver l’Union et il ne vise ni à sauver, ni à détruire l’esclavage. Si je pouvais sauver l’Union sans libérer un seul esclave, je le ferais  ». La figure d’Abraham Lincoln a ainsi été utile pour incarner l’opposition aux diaboliques Sudistes, qui, eux, ne se sauveront pas au regard de l’historiographie étant qu’ils ont perdu la guerre, écrite, comme on le sait, par les vainqueurs.

En 1848, lors de son allocution de campagne électorale, Lincoln avait eu soin de définir sa conception de la question noire : « je ne suis pas, et n’ai jamais été, en faveur de la promotion de l’égalité sociale et politique entre la race blanche et la race noire; je n’ai jamais été favorable à ce que les nègres votent ou à ce qu’ils soient jurés, ni qu’ils occupent des fonctions publiques, ni qu’ils se marient avec des Blancs ; réaffirmant qu’il existe une trop grande différence entre la race blanche et la race noire, et que cette diversité empêchera à jamais les deux races de vivre ensemble en termes d’égalité sociale et politique… tant que la cohabitation sera nécessaire, elle devra maintenir une relation de supérieur à inférieur, et moi, comme toute autre personne raisonnable, je suis évidemment en faveur du rôle dominant de la race blanche. »

Un discours que l’on peut mettre en parallèle avec celui du héros des confédérés, le célèbre Général Lee. Ce dernier, qui avait libéré de nombreux esclaves sur ses terres, déclarait en 1847: « Je pense cependant que c’est un plus grand mal pour l’homme blanc que pour la race noire, et alors que mes sentiments sont fortement mobilisés au nom de la seconde, mes sympathies sont plus fortes pour la première. Les Noirs sont infiniment mieux ici qu’en Afrique, moralement, socialement et physiquement. La douloureuse discipline qu’ils subissent, est nécessaire pour leur instruction en tant que race, et j’espère qu’elle les préparera et les mènera à de meilleures choses. Seule la Sage et Miséricordieuse Providence sait combien de temps leur soumission sera encore nécessaire. Leur émancipation résultera plus de la douce influence du christianisme, que les tempêtes de la controverse. »

Pourtant, le premier passe pour le héraut de la question noire, le deuxième, pour un bigot white trash dont il est légitime d’abattre les statues et d’effacer le nom des bâtiments publics.

Les deux hommes étaient des hommes de leur temps. Un temps où tous, à part quelques exceptions, pensaient dur comme fer que l’homme blanc, ordonnateur de civilisations prospères, facteur de progrès scientifique, technologique et culturel, avait une mission civilisatrice. Celle d’apporter cette supériorité aux autres peuples de la Terre. Un temps où, s’il y eut, certes, un grand nombre d’actes répréhensibles et d’exploiteurs cruels, les esclaves étaient considérés comme partie intégrante de la maisonnée et vivaient dignement, comme jadis les serfs sur les terres de leur seigneur. Il est d’ailleurs un fait établi que les Noirs vivaient mieux dans les plantations que les industries du Nord : ils y mangeaient mieux et avaient une espérance de vie plus longue, la liberté en moins. Un temps où les maîtres Blancs confiaient leurs enfants aux mammies, signe d’une certaine confiance. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si dans plusieurs batailles comme celle d’Appomattox, les derniers à défendre la société traditionnelle sudistes étaient des combattants noirs, esclaves ou libérés.

Un temps que certains Afro-Américains d’aujourd’hui, libres mais subissant la violence et les dégradations des leurs, regrettent. Ce qui fera dire à un Kanye West que « 400 ans d’esclavage relèvent plus d’un choix volontaire que la contrainte« .

Mais la liberté est une valeur suprême. La liberté est un besoin de l’âme humaine.

Tout ça pour dire, que ce fameux camp du bien n’existe pas plus que l’oppressif patriarcat blanc cisgenre. Que ce sont là des catégories inventées à des fins propagandistes. Et que le contexte n’est pas un détail dont on peut se passer à loisir pour regarder l’histoire. La vraie, pas celle qui n’est que prétexte pour des masses ignorantes, délirantes, et manipulatrices.

Audrey D’Aguanno

(1) Les causes majeures de cette guerre civile américaine sont d’ordre commerciale, fiscale et politique. Les prix des denrées produites dans le Sud (indispensables aux industries du Nord et de l’Europe) étaient fixés sur les places commerciales du Nord, ce dernier imposant, de plus, de fortes taxes que les États du Sud n’entendent plus payer. Leur volonté de faire sécession met en péril l’unité des États-Unis. S’affrontent aussi deux mondes : celui d’une société agricole traditionnelle et celui d’états industriels en plein développement, cherchant à étendre leur modèle économique et politique.

(2) Alan Sanders, La désinformation autour de la guerre de Sécession, Atelier Fol’Fer éditions, 2012.

Crédit photo : DR (photo d’illustration)
[cc] Breizh-info.com, 2022, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

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9 réponses à “Abraham Lincoln, icône de l’égalité raciale ?”

  1. lejean dit :

    Bien qu’Arte soit un chaîne plutôt bien pensante, il y a une série sur la guerre de sécession absolument remarquable avec voix off, musique, photos qui rendent ce drame horrible puissamment humain.

  2. Pschitt dit :

    Utile rappel. Cependant, présenter la guerre de Sécession comme due à des causes économiques est à peu près aussi réducteur que de la présenter comme due à des causes raciales. Le désaccord constitutionnel (fédération/confédération) était assurément très profond pour des citoyens beaucoup plus au fait des questions philosophico-juridiques que les Français d’aujourd’hui. Les Nordistes n’ont pas vraiment lutté pour la liberté des esclaves, mais les Sudistes ont lutté pour leur liberté à eux ! Par ailleurs, l’ampleur de la guerre ne témoigne pas tant de la profondeur de ses causes que d’une mécanique d’aggravation classique dans les conflits humains. Début 1861, il n’existait sûrement pas entre les deux camps une haine suffisante pour annoncer les massacres à venir. Mais les victoires des Confédérés au début de la guerre ont causé une fureur inextinguible chez les partisans de l’Union, qui méprisaient les « paysans » du Sud. Dès lors, il s’est agi de laver dans le sang cet affront contre nature. Sur ce plan, toutes proportions gardées, un parallèle avec la guerre de Vendée n’est pas absurde. (Peut-être pourrait-on envisager un parallèle du même genre avec la guerre en Ukraine. Beaucoup de Russes considéraient les Ukrainiens comme des « bouseux » et le sanglant échec de l’offensive sur Kiev en mars 2022, au lieu d’aboutir à une mise en accusation de son concepteur, a entraîné un raidissement d’une partie de l’opinion contre ces sous-Russes qui se permettaient de résister alors qu’on « ne leur voulait que du bien ».)

  3. Henri dit :

    Abraham Lincoln était un WASP pur et dur. Comme tous ses successeurs. À part Kennedy qui n’était pas P, ni Obama qui n’était pas W, mais ça ne change rien.

  4. Hadrien Lemur dit :

    Bizarrement et de façon incompréhensible aux Français que nous sommes, les républicains américains se voulaient à l’époque les défenseurs inconditionnels de la cause anti- esclavage et pro-africaine. Bien des années plus tard et JFK ayant été au poste suprême, se sont les démocrates (j’ai toujours du mal entre le terme et ce qu’il signifie) qui on enfourché le cheval de la cause. Après 160 ans et le discourt de Gettysburg qui ne fut pas du tout un acte fédérateur mais plutôt une déclaration revancharde sur le sud qui avait des revendications économiques à ses yeux inacceptables et après deux mandats du premier président noir US, allez-donc faire un tour dans les coulisses des aéroports américains. Vous pourrez voir des vielles dames ou vieux messieurs, fourbus, hors d’age très souvent noirs qui font des taches ingrates et que le rêve américain a oublié. 160 ans de mensonges et de promesses non tenus après, ce qui était l’espoir de l’humanité se retrouve le pays le plus gangréné et le plus endetté du monde.

  5. Arnaud dit :

    Très intéressant ! Je serais reconnaissant à l’auteur de cet article de connaître ses sources.

  6. Fekik dit :

    Comme son nom l’indique en partie, la guerre de sécession est d’abord une guerre civile entre états du Sud et du Nord des US. Ceux du Sud, pour les raisons indiquées dans le sujet voulant faire sécession car ils considéraient qu’ils n’avaient aucun intérêt à rester unis à ceux du Nord (cf. le brexit).
    La question noire n’est venue qu’après les raisons indiquées ci dessus et sur la base de raisons économiques et non humanitaires.
    Mais ce sont toujours les vainqueurs qui écrivent l’Histoire…

  7. Jacques BILLOT dit :

    Bravo , Audrey !
    Fumisterie que cette histoire de Lincoln, le bienfaiteur des Noirs.
    Guerre commerciale , conforme à ce qu’ont toujours fait les Calvinistes, franc-macs depuis les  » Pères fondateurs » : des criminels qui continuent encore aujourd’hui à emm…. tout le monde

  8. Perrot dit :

    La Démocratie, c’est le gouvernement du
    peuple, par le peuple, pour le peuple.
    Ce qui a été dit de lui-même.

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