Lorsqu’il s’agit d’accorder un vin avec de l’agneau, l’influence des poncifs de la sommellerie s’emploie à convoquer toujours les mêmes aspirants !
Tapez « vin et agneau » sur le net et c’est toujours la même antienne qui positionne immanquablement le Pauillac dans le hit-parade des préconisations, tandis que les syrahs de Saint-Joseph et de Crozes-Hermitage suivent de près dans le flot des recommandations éculées, le tout validé par l’establishment culinaire.
L’occasion pour cet article d’écorner quelques mythes institutionnalisés afin de mieux mettre en lumière des options moins conventionnelles…
L’agneau pascal n’est malheureusement pas un agneau de prés -salés
Reste que le choix du vin rouge sur l’agneau ne s’expose pas à des erreurs rédhibitoires attendu que cette viande tolère une grande polyvalence de partenaires parmi les vins rouges. D’ailleurs moins que la prise en compte de l’agneau lui-même, l’amphitryon serait plus avisé de concentrer son attention sur les accompagnements tout en tenant compte des types de préparation de l’agneau qui diffèrent grandement selon les parties utilisées.
Précisons au préalable que notre agneau Pascal n’intéresse malheureusement pas les savoureux agneaux de prés-salés des pâturages ( mollières) de la Somme ou le Grévin de la Baie de Mont Saint Michel . La période de commercialisation de ces agneaux nourris pendant minimum 75 jours aux herbes halophiles des herbus confère à leur viande un grain unique , ne débute qu’en juin . Fort heureusement, d’autres régions élèvent des ovins de choix comme dans le Limousin et plus particulièrement dans le pays de Bellac ou l’agneau à tout loisir de paître dans des pâturages de qualité .
De quel agneau parle-t-on ?
Selon les morceaux utilisés ou le type de préparation choisie, la présence du gras si gouteux de l’agneau sera plus ou moins présent et ce paramètre semble bien constituer l’indicateur clef pour le choix du vin
De même que la texture de la viande n’aura pas la même consistance en fonction du type de morceau qui lui-même conditionne un temps de cuisson adapté dont il faudra faire cas dans la sélection du vin.
Ainsi une selle d’agneau ou bien un gigot qui privilégient des cuissons relativement courtes pour l’obtention d’une viande rosée ne sauraient recevoir le vin destiné à une épaule d’agneau de 7 heure confite dans son jus de cuisson .
Pour cette dernière, le caractère confit de la viande qui s’agrémente de puissantes saveurs de l’ail et d’herbes aromatiques telles que le thym ou la sarriette, appellent un vin du sud solidement constitué aux consonances de garrigue.
La syrah noire du Cornas et ses relents parfois animaux n’est d’ailleurs pas à ce titre la plus indiquée , en contrepoint les syrah fraîches du Pic Saint Loup semblent bien plus appropriées, leurs notes de tapenade accentueront le caractère méditerranéen de l’accord.
Les ressorts de l’alliance
Mais dans ce registre, les sommeliers tendent à oublier d’autres auxiliaires nantis de la même élégance, pensons au fronton et sa délicieuse négrette épicée ou bien au confidentiel vin de Bellet de l’arrière-pays niçois
Quant à la selle d’agneau et au gigot promis au sempiternel pauillac et à la syrah rhodanienne, l’écueil réside surtout dans la garniture de légumineuses qui escorte traditionnellement ces petits rôtis .
Que l’on parle de mojettes, de flageolets, des cocos de Paimpol , leur texture farineuse doit tenir compte d’un vin plutôt fluide, apte à laver la bouche , tout en s’agrémentant d’une allonge capable de soutenir une viande particulièrement goûteuse.
Dans ces conditions, ce sont les grands vins ligériens sur le cabernet franc ou les beaux pinots noirs de Bourgogne , voire les gamays bien nés du Beaujolais qui se positionnent en candidat idéal de l’accord.
S’agissant des petits morceaux comme les côtes premières qui intègrent une part de gras plus importante, la règle pour ces derniers est de prioriser un vin léger doté d’un fruit vif et mordant, que l’on retrouve volontiers dans les appellations de Chinon ou de Saint Nicolas de Bourgueil.
Le parti d’un vin sur le pineau d’Aunis tel qu’un coteaux du Loir, apparaît plutôt avisé, outre sa grande vivacité porté par une acidité vigoureuse , il arbore souvent des notes poivrées prononcées, qui feront merveille avec l’assaisonnement de l’agneau.
Tout bien considéré, le Pauillac pourrait bien se révéler le moins qualifié pour servir l’agneau, qui plus est, si ce dernier est empreint d’un boisé trop apparent laissant transparaître un tanin saillant pour la délicatesse de l’agneau.
Pour ce qui est de l’indétrônable syrah, les réserves de l’accord se portent sur son excès de puissance et de noirceur lorsqu’elle est originaire des terroirs de la vallée du Rhône septentrionale, en particulier du Cornas et dans une moindre mesure des Côtes Rôties. Pour autant, si la résonance de l’alliance ne s’avère pas si évidente, l’excellente tenue de ces deux compagnons atténuera malgré tout le possible déséquilibre.
Car au final en matière d’accord, ce qui prévaut demeure l’envie de goûter le vin de son choix nonobstant le diktat de l’étiquette d’une sommellerie engoncée dans des règles intangibles…
Raphno
Crédit photo : Benoit Prieur via Wikimedia (cc
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3 réponses à “Quel vin pour accompagner l’agneau pascal ?”
En oenologie comme ailleurs, la meilleure des règles est de plaire.
Merci de rappeler qu’un accord ne se fait pas sur produit, mais sur la sauce, la garniture, l’assaisonnement.
Petite réserve sur la place que vous accordez aux côte-rôtie, qui méritent un peu plus d’enthousiasme
Oui je concède j’aurais pu davantage insister sur le côte-rôtie , reste que c’est toujours un honneur d’être lu par un professionnel de votre acabit.