Menace de cyclone sur le dollar

En juillet 1944, les représentants des États-Unis aux négociations de Bretton Woods avaient pu imposer le dollar comme monnaie de réserve internationale en raison de sa convertibilité en or.

C’était un argument majeur car quasiment plus aucune autre monnaie n’était dans ce cas. John Keynes, économiste de réputation mondiale, qui représentait le Royaume Uni, avait bien tenté d’orienter le choix vers une autre monnaie qu’il appelait le « bankor ».

Cette monnaie, qui restait à créer, ne put cependant être retenue. Les Américains, auréolés d’une victoire militaire que plus personne ne contestait, eurent beau jeu de lui rétorquer que le dollar, lui, existait, et que c’était quand même plus simple que de créer de toutes pièces une nouvelle devise, dont le seul intérêt serait d’être convertible en or, tout comme le dollar l’était déjà.

Un problème endémique

Dés 1960, un économiste belge, Robert Triffin, avait mis en évidence le paradoxe qui résultait d’une monnaie domestique devenue également monnaie de réserve internationale. Le rôle d’une monnaie de réserve internationale est de permettre le commerce et l’échange de bien avec une seule monnaie, évitant ainsi des conversions multiples entre les différentes monnaies nationales.

Il avait démontré qu’une monnaie ayant cette double caractéristique nécessitait, pour l’émettre, un déficit budgétaire récurrent du pays émetteur afin de pouvoir être achetée par les autres pays.

Cette monnaie représentait une dette contractée par les États-Unis auprès de la Réserve Fédérale, entité qui détenait le monopole d’émission du dollar. Afin de pouvoir créer de nouveaux dollars, le Trésor Public américain devait fournir à la Fed des bons du Trésor, qui devenaient de fait des reconnaissances de dettes que cette dernière écrivait dans son bilan. Ensuite, ces bons étaient revendus aux pays qui en avaient besoin pour leur commerce extérieur. Certains disaient, à juste titre,  que les États-Unis faisaient payer leurs dettes par le reste du monde.

Cependant, le dollar étant gagé sur l’or, les émissions monétaires auraient dû entraîner, a valeur égale, une augmentation du stock d’or de la FED, ou pour le moins apporter des explications de la part de cette dernière montrant que son stock d’or était très supérieur à la valeur de la totalité des dollars émis. Pour des questions politiques, personne n’osait soulever le problème.

De Gaulle prend la FED à son propre piège

Ce fut de Gaulle, en 1962, qui osa poser cette épineuse question. Il le fit en prenant la FED au mot en envoyant des masses de dollars en billets qui s’étaient accumulés dans les coffres de la Banque de France vers ceux de la Réserve Fédérale, qui fut obligée de les échanger contre de l’or physique.

On estime qu’entre 1962 et 1966, c’est environ 900 tonnes d’or qui furent rapatriées dans les caves de la Banque de France. De Gaulle ayant commencé à faire des émules, la situation devenait intolérable pour les Américains. Le 15 août 1971, la parité-or du dollar fut supprimée.

Logiquement, les accords de Bretton Woods auraient dû être remis en question, car la caractéristique grâce à laquelle le dollar avait été choisi n’existait plus. Celle-ci était pourtant  à l’origine du choix de 1944. Mais il n’en fut rien et le dollar garda son statut.

La mise en place des monnaies flottantes

Le dollar étant devenu une monnaie purement « fiduciaire », c’est au travers de lui que les autres monnaies s’apprécièrent ou se déprécièrent. Le dollar étant devenu l’étalon, adossé à lui-même.  Les États-Unis pouvait émettre sans limite leur monnaie, libérée de toute concurrence. Et comme les prix des matières premières, et notamment le pétrole, augmentaient, il fallait émettre de plus en plus de dollars, et créer de plus en plus de dettes américaines. Tant que ces dettes trouvaient preneurs à l’étranger, la vie était belle pour la finance américaine. Comme l’avait résumé de Gaulle  lors d’une conférence de presse : « ces dollars qu’il ne tient qu’à eux d’émettre… »

Mais toutes les choses ont une fin. La cupidité des banquiers internationaux, décuplée par l’abrogation du « Glass-Sreagall Act » par l’administration Clinton en 1999 s’est affranchie de toute prudence. Malgré les avertissements justifiés de Brooskley Born, la crise des « subprimes » fit gravement tanguer tout le système financier mondial, qui ne dut sa survie qu’au prix de l’abandon de tout le libéralisme économique. La notion du « too big to fail » et de « banque systémique y ont mis un terme définitif.

Le début de la fin du dollar

Il se situe juste après cette crise. Beaucoup de pays exportateurs, la Chine en tête, accumulaient des masses de dollars, sous forme notamment de bons du Trésor américain ou de liquidités. Devant le danger que représentait cette dépréciation « structurelle » du dollar, certains d’entre-eux commencèrent à réfléchir à l’utilisation d’une autre monnaie pour les échanges internationaux. Ceci se fit très discrètement durant une quinzaine d’années, et éclata au grand jour ces derniers mois, notamment lorsque la Russie, répondant aux sanctions infligées par l’Occident consécutives à la guerre en Ukraine, fit savoir qu’elle demanderait à être payée en roubles pour la vente de ses produits énergétique.

La suite fut très rapide et aujourd’hui ce sont tous les pays des BRICS qui commercent entre eux sans passer par le dollar, utilisant leurs monnaies respectives. Ceci constitue, selon toute logique, le premier pas vers une monnaie commune à tous ces pays qui sont en train de se regrouper pour échapper à la loi du dollar. La tendance qui semble se dessiner vers un monde « multipolaire » est en train d’isoler l’Occident du reste du monde. Ce projet de nouvelle monnaie constitue pour le dollar la menace la plus sérieuse de son existence en tant que monnaie de réserve.

Jean Goychman

Illustration : DR
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14 réponses à “Menace de cyclone sur le dollar”

  1. Pschitt dit :

    Jeter dans le débat des noms comme celui de Brooksley Born (et non Brooskley comme vous l’écrivez) fait peut-être chic mais n’apporte rien. Contrairement à ce que vous indiquez, Brooksley Born n’a pas été une actrice de la crise des « subprime » mais de celle des produits dérivés, une dizaine d’années plus tôt. A l’époque des « subprime », Brooksley Born ne jouait plus aucun rôle officiel. Trop d’approximations dans cet article.

    • Jean Goychman dit :

      C’est quand même qui, la première, a prévenu Larry Summer du danger du risque bancaire résultant de l’abrogation du Glass-Steagall Act. C’est ce qui lui a valu cette mise à l’écart.

    • bahbah dit :

      Je passe de temps en temps sur breizh, et je vois toujours le même genre de commentaire, que je trouvais pitoyables, mais qui maintenant me font marrer. Toujours un zoom sur un nano détail en croyant qu’on va détourner les autres de l’essentiel. Vos chouchous américains sont en train s’enfoncer à vitesse accélérée, vos commentaires ne changeront rien à la réalité.

  2. breizh dit :

    et les BRICS resteront à la monnaie commune et ne feront pas l’erreur des européens d’une monnaie unique…

  3. Denis dit :

    pas mal d’inexactitudes dans cet article. Soit l’auteur a de sérieuses lacunes sur le sujet, soit, et je parierais là-dessus, qui’l s’agit d’un texte pondu par ChatGPT

    • Jean Goychman dit :

      Je n’utilise pas ChatGPT. De quelles inexactitudes parlez-vous?
      Lorsqu’on porte ce genre de critique, il convient d’être factuel, et ne pas rester dans le vague.

  4. mouchet dit :

    Bien sûr dans les détails certains verront des anomalies car proches des USA malgré leur gabegie financière plus du tout supportable. Mais le rôle principal de cet excellent article financier sur le dollars, c’est de démontrer la manipulation financière qui consiste a faire payer aux autres l’imprimerie offset fiduciaire et virtuelle du dollars dont la masse monétaire est écrasée par la dette de la dite monnaie qui ne vaut plus rien. La politique américaine est de faire à la fois des guerres économiques biologiques (maladie de Lyme) et virologiques (Sars Cov 2) pour ruiner des pays et des continents type Europe. Lorsque des pays refusent par le biais de type Europe ou l’immense Russie et la Chine l’hégémonie du dollars, on leur fait une guerre financière virologique puis guerrière si cela n’aboutit pas comme l’Ukraine en sous jacent contre la Russie de fait. Seul hic la Russie et la Chine alliées ont suffisamment de puissance pour refuser tout compromis de cette monnaie de singe indexée sur du vent.

  5. mouchet dit :

    Una analyse plus profonde équivaudrait à penser que l’avènement d’Hitler fut fait par le soutient de grandes sociétés américaines de 1933 à 1938, l’effondrement du mark, pour lutter contre le communisme en Europe. Puis aider ce communisme pour anéantir l’Allemagne et ensuite venir en libérateur sous un projet de suprématies des armements des USA et leur monnaie dollars. Ce qui fut fait dans un parfait scénario puisque le résultat est là pour conforter l’analyse de manipulation mondiale d’une guerre. Exactement comme celle de l’épidémie de laboratoire virus (Sars Cov 2 & Spike) et protéine brevetée puis de faux vaccins. Le Général de Gaulle l’avait bien compris à l’époque en voulant un étalon OR pour éviter la gabegie offset des billets. Puis en mettant dehors les bases américaines de France, soit en payant 5 milliards OR de l’époque. Le reste de l’histoire est exactement dans cet excellent article historique d’économie financière que beaucoup veulent ignorer pour le business et garder la suprématie qui s’effrite de toute part. D’où la nécessité d’extraire les vérités de la 2ème guerre mondiale par l’avènement des sanctions sur l’Allemagne après 1918 et la suite que nous connaissons comme l’Ukraine actuelle.

  6. Henri dit :

    Il y a une cinquantaine d’années, le secrétaire au Trésor du président Richard Nixon avait froidement annoncé à un groupe de diplomates européens « Le dollar est notre monnaie et votre problème ». Cela reste d’actualité pour les pays vassaux de l’Union européenne, qui n’y voient d’ailleurs aucun inconvénient : une telle soumission doit bien faire se marrer les Américains !

  7. moreau dit :

    C’est bien de rappeler cet épisode de notre histoire pour tous ceux qui vont le découvrir.
    On peut faire le travail de le mettre en parallèle avec cette vidéo qui remet les pendules à l’heure aussi, stupéfiante , c’est un peu long ,mais chaque phrase claque de vérité, ces choses qu’on sait plus ou moins on ne sait plus d’où, vite mises sous le tapis . l’insoutenable légèreté de l’être !
    Regardez , s’il vous plait .
    https://youtu.be/owXtjrWACLg

    • MIREILLE HERBERT- LE BALC’H dit :

      Superbe 🙏👏👏👏bravo 👍j’ai regardé tout l’interview criant de vérité 🥹et je je vais regarder le film qui suit l’interview car il faut beaucoup de temps dldponible pour regarder la totalité 🤔 mais je vous remercie pour votre intervention et espérons que le maximum de personnes regarderons et comprendrons la manipulation dans laquelle nous vivons et souhaitons que les gens se rassemblent pour faire tomber définitivement toutes les élites SATANIQUE du monde entier et retrouver ainsi le bonheur de vivre sur terre en harmonie et surtout laisser une belle planète pleine d’Amour à nos enfants 🙏😇 Mireille (81 ans)

  8. patphil dit :

    le processus de dédollarisation de l’économie mondiale est enclenchée, je ne verrai pas le moment où les ricains pourront se chauffer avec leurs papiers verts, mais ça arrivera

    • Matt dit :

      Sanctions de l’Allemagne en 1919 ayant pour objectif, rappelons-le, de reconstruire la France et la Belgique très durement éprouvées sur leurs sols par l’invasion allemande durant la première guerre mondiale (notamment leurs industries sidérurgiques et textiles).
      Sanctions progressivement levées sous la pression du Royaume-Uni (plan Young de 1929 : échéancier de paiement jusqu’en… 1988) et des États-Unis (moratoire Hoover de 1932), aucunement éprouvés sur leurs sols, rappelons-le aussi.

  9. cendu dit :

    Pour ma part, et sans aucune concertation, je fais exactement la même analyse que Jean Goychman, surtout depuis les sanctions contre la Russie qui (quel succès !) lui a ouvert un marché mondial (hors UE, Canada et Australie soumis aux USA et appauvris consentants par les USA à leur seul profit).
    Il faut avoir conscience que l’Occident, c’est 900 millions de personnes, le reste du monde, qui a assez de subir l’hégémonie américaine, c’est 7 milliards de personnes.
    Qui va gagner ? Et qui va tout perdre ?

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