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Irlande du nord. « Les noms loyalistes adoptés par les bandes rivales ne sont que des drapeaux de complaisance pour masquer la criminalité de voyous »

Tout au long des troubles en Irlande du Nord, un certain nombre de groupes paramilitaires loyalistes étaient actifs et ont été responsables de centaines de meurtres et attentats, en réplique à la guerre menée par l’IRA (mais également du fait de nombreux règlements de compte internes).

Aujourd’hui, 25 ans après les accords du Vendredi Saint, certains restent impliqués dans la criminalité et le trafic de drogue, et les tensions entre les groupes et au sein de ceux-ci ont parfois entraîné de graves troubles, ainsi que des fusillades et d’autres attaques.

Les groupes paramilitaires loyalistes les plus importants pendant les Troubles étaient l’Ulster Defence Association (UDA) et l’Ulster Volunteer Force (UVF) et ils restent les groupes actifs les plus importants.

Dans l’affaire de la guerre des gangs qui sévit actuellement en Irlande du Nord, plusieurs groupes se revendiquent des noms de ces organisations paramilitaires loyalistes. On retrouve ainsi l’UDA autoproclamée de North Down et la Real UFF (Ulster Freedom Fighters) qui ont une connotation historique. Mais ces gangs sont désormais coupées de l’influence des grandes organisations dont ils se revendiquent même si ils continuent à revendiquer cette appartenance qui salit fortement la cause loyaliste.

S’il y a toujours eu des guerres de quartiers et de factions, y compris durant les Troubles, entre loyalistes (UDA, UVF, UFF…), les gangs de dealers qui en revendiquent aujourd’hui l’appellation n’ont plus aucun lien avec les « organisations » citées mais représentent une menace bien plus importante pour la sécurité et la paix notamment dans l’Est de l’irlande du Nord.

Aujourd’hui, ces trafiquants de drogue se disputent les territoires de North Down et d’Ards. L’UDA de North Down est dirigée par Dickie Barry, qui était autrefois le chef de la compagnie « D » de l’UDA dans l’ouest de Belfast. Son rival d’Ards, Adrian Price, ancien de l’UDA, est à la tête d’un gang dissident qui se fait appeler le Real UFF.  Il y avait un certain nombre de raisons à cette expulsion, notamment des plaintes selon lesquelles les hommes de Price, qui ont assassiné en 2017 le loyaliste Colin Horner lors d’une querelle sanglante à Carrickfergus, vendaient de l’héroïne.

Si le nom UFF est historiquement connu pour être une organisation paramilitaire loyaliste durant les Troubles, l’apparition du nouveau gang qui en revendique le nom remonte à 16 ans. À l’époque, il s’agissait d’un autre groupe dissident qui s’était séparé de l’UDA principale au sujet de la direction à prendre dans le processus de paix. Ce groupe n’est d’ailleurs lui non plus pas mort, et manifestement décidé à ne pas voir son nom mêle à des affaires de dealers.

Un membre des Ulster Freedom Fighters (UFF) « canal historique », a par ailleurs donné au journal Sunday Life des photos censées démontrer la capacité militaire du groupe tout en déclarant « Nous en avons assez des gens qui nous disent ce qu’il faut faire. Si l’occasion se présente, nous éliminerons tous les dirigeants de l’UDA parce qu’ils nous trahissent. Les zones protestantes sont toujours envahies par la drogue et nous n’allons pas rester les bras croisés pendant que les soi-disant loyalistes se remplissent les poches» indique-t-il au journal.

Il y a quelques années, la liste des cibles du groupe comprenait non seulement les dirigeants de l’UDA, mais aussi les leaders  loyalistes Johnny Adair, Mo Courtney et Jim Spence. Les dirigeants dissidents de la Real IRA et de la Continuity IRA étaient également visés. Entre 2009 et 2013, la Real UFF a été responsable d’environ 24 attaques. En février 2010, elle a menacé de mort le député du Sinn Fein Gerry Kelly. Quelques semaines plus tard, le président du parti, Gerry Adams, a reçu une menace de mort de la part de la Company C du gang.

Un certain nombre d’attentats à la bombe ont également été commis dans le comté d’Antrim.

Au fil des ans, le Real UFF a été la couverture privilégiée de petits groupes de loyalistes mécontents, (contre l’accord du Vendredi Saint). Un loyaliste de haut rang a déclaré que le nom et ceux qui agissaient sous ce nom ont toujours été considérés comme la risée de tous.  « Il s’agissait d’une bande de fous à Antrim vers 2007 avec des répliques d’armes à feu et un nouveau drapeau fantaisiste. L’adoption de ce nom par un gang de trafiquants d’héroïne est une source d’amusement dans le loyalisme. C’est un effort pour attribuer une sorte de légitimité politique ou loyaliste à la lie de la société. C’est comme les derniers jours de Johnny Adair, lorsque ses hommes étaient retranchés dans le bas Shankill. La seule différence est que les hommes d’Adair, s’ils étaient sortis, auraient eu la capacité de faire de sérieux dégâts » indique une source, toujours au Sunday Life.

Les paramilitaires loyalistes entendent répliquer face aux trafiquants de drogue

Des membres originels des groupes paramilitaires loyalistes ont menacé de recourir à la force pour évincer le dealer Adrian Price et ses hommes de main s’ils ne se retirent pas dans les prochaines 48 heures.  Accompagnés de membres de la communauté locale (à Newtownards notamment) ils se sont entretenus avec des policiers de haut rang à Newtownards samedi pour discuter des derniers évènements.

Et notamment des menaces de mort visant non seulement des membres de l’UDA (Ulster Defense Association) mais aussi des civils n’ayant rien à voir avec les conflits, qu’ils soient sur fond de drogue, de territoires, ou d’idéologie politique. Les menaces sur des civils ont été la goutte d’eau pour les membres de l’UDA et les communautés locales qui veulent faire expulser le leader de gang (Adrian Price) du quartier, et plus globalement d’Irlande du Nord

Un loyaliste de haut rang a déclaré : « La communauté s’est fermement retournée contre Price et son gang. Il est temps qu’il comprenne que la partie est finie et qu’il monte sur le bateau ».

Mais, pour l’instant, Price ne l’entendrait pas ainsi. Ses hommes seraient toujours dans le lotissement Weavers Grange (Newtownards) un quartier sous surveillance de la police alors que le leader du gang semble introuvable.  Le collectif des résidents de West Winds a déclaré « Nous ne voulons pas voir de violence dans notre communauté, quelle que soit la personne contre laquelle elle est dirigée, et nous demandons à toutes les parties de cesser . Nous sommes particulièrement préoccupés par les menaces proférées par un groupe se faisant appeler le Real UFF, qui a menacé des membres innocents de la famille de ceux avec qui il est en conflit, et nous comprenons que ce groupe a déjà attaqué une maison avec des enfants à l’aide d’une bombe artisanale. Nous, en tant que résidents locaux, voulons que tous ceux qui sont affiliés au groupe qui se fait appeler le Real UFF quittent le domaine de West Winds dans les prochaines 48 heures. Nous sommes en contact avec notre conseiller municipal Steven Irvine et d’autres représentants loyalistes de haut rang, qui travaillent sans relâche pour trouver une issue pacifique à cette affaire et empêcher une escalade de la violence »

Il a noté que de son côté, la faction de l’UDA de North Down a déclaré qu’elle « ne viserait ni n’attaquerait des personnes innocentes ».

Le délai de 48 heures expire mardi 4 avril, et des sources loyalistes indiquent que sans le départ de Price, les choses pourraient dégénérer. « Ils veulent qu’il s’en aille pacifiquement, mais les paramilitaires originels l’expulseront par la force s’il ne le fait pas »

La police a déployé d’énormes moyens dans le secteur pour contenir les violences éventuelles, mais la situation est particulièrement tendue sur place.

Les groupes paramilitaires loyalistes en Irlande du Nord, qui sont-ils ?

Petit retour historique sur les groupes paramilitaires loyalistes, moins connus chez nous que l’IRA côté républicain.

L’Association de défense de l’Ulster (UDA), créée en 1971, comptait des dizaines de milliers de membres à son apogée. Elle a tué des centaines de personnes pendant les troubles en Irlande du Nord et a souvent revendiqué la responsabilité de meurtres sectaires en utilisant le nom de couverture « Ulster Freedom Fighters » (UFF).

L’UDA est restée une organisation légale jusqu’à son interdiction en août 1992.

Parmi les attaques notoires de l’UFF, citons l’assassinat par balles de cinq catholiques chez un bookmaker de Belfast en 1992 et le massacre de Greysteel l’année suivante.

Lire aussi l »interview que nous avait accordé un ancien membre du groupe ici

En novembre 2007, l’UDA a publié une déclaration affirmant que « la guerre est terminée ». Elle a ensuite déclaré qu’elle avait mis fin aux activités de l’UFF et que toutes les armes de l’UFF étaient « hors d’usage ».

En 2018, George Hamilton, alors chef de la police nationale, a déclaré que les membres de l’UDA et de l’UVF étaient toujours impliqués dans la criminalité organisée.

La South East Antrim Ulster Defence Association est une faction autonome de l’UDA et faisait autrefois partie de son conseil intérieur. Des sources de sécurité ont précédemment déclaré qu’avec plus de 2 000 membres, il s’agit de l’un des plus grands gangs paramilitaires d’Irlande du Nord.

Selon une évaluation des renseignements du MI5 et de la police datant de 2021, l’UDA du sud-est d’Antrim « a accès à des armes et est fortement impliquée dans l’approvisionnement en drogues, la coercition communautaire, l’intimidation et d’autres formes de criminalité ».

L’Ulster Volunteer Force (UVF) deuxième version, a assassiné plus de 500 personnes pendant les Troubles. Elle a été créée en 1966 et a adopté les noms et les symboles de l’UVF originelle, le mouvement fondé en 1912 par Sir Edward Carson pour lutter contre l’autonomie de l’Irlande. L’UVF a abattu le premier policier tué pendant les troubles.

L’organisation a ensuite été impliquée dans diverses massacres, notamment l’attentat à la bombe contre le McGurk’s Bar à Belfast, les meurtres sectaires des Shankill Butchers et le massacre de Loughinisland. Elle a parfois revendiqué des meurtres en utilisant le nom de Protestant Action Force (Force d’action protestante). Elle a également été mêlée à des querelles avec d’autres organisations paramilitaires.

Ces dernières années, elle a été liée à la grande criminalité, notamment au trafic de drogue.

L’UVF de Belfast-Est est l’une des principales organisations paramilitaires loyalistes actives dans le domaine de la criminalité. Elle fait partie des quatre factions loyalistes ciblées par la Paramilitary Crime Task Force, les autres étant l’UDA de l’Antrim du Sud-Est, l’UDA de Belfast-Ouest et l’UDA de l’Antrim du Nord.

Le Commando de la main rouge est affilié à l’UVF et est considéré comme la plus secrète des organisations paramilitaires loyalistes.

Il est apparu au début des années 1970 et, selon les recherches du projet CAIN de l’université d’Ulster, il a tué 13 personnes, dont 12 civils, bien que ce nombre puisse être beaucoup plus élevé.

Unique parmi les paramilitaires loyalistes, il utilise une devise en langue irlandaise.

En octobre 1994, aux côtés de l’UDA et de l’UVF, le groupe a participé au cessez-le-feu du commandement militaire loyaliste.

Le Commando de la main rouge (Red Head Commando), tout comme l’UDA et l’UVF, est représenté au sein du Conseil des communautés loyalistes, créé en 2015. En 2017, il a demandé au ministère de l’intérieur d’être retiré de la liste des organisations interdites.

Le Loyalist Volunteer Force (LVF) a été fondé par Billy Wright, qui a été assassiné à la prison de Maze en décembre 1997. Il avait été un membre éminent de l’UVF et on pense qu’il a ordonné ou participé à une vingtaine d’assassinats. Alors que le processus de paix s’accélérait dans les années 1990, Wright s’y est opposé et il a finalement été exclu de l’UVF et sommé de quitter l’Irlande du Nord. En 1996, il a fondé la LVF. Celle-ci a été interdite par le gouvernement en juin 1997, mais elle a continué à assassiner un certain nombre de catholiques.

La LVF est devenue le premier groupe paramilitaire à mettre ses armes hors service à la fin de l’année 1998. Mais les armes qu’elle a remises pour destruction étaient anciennes et ne constituaient qu’une petite partie de son arsenal – la LVF est restée armée et prête à la violence. Elle a été impliquée dans une querelle avec l’UVF au début des années 2000. En 2006, la Commission de contrôle indépendante a confirmé que la querelle était terminée, mais que la LVF continuait d’être impliquée dans le crime organisé et le trafic de stupéfiants.

Illustrations : Breizh-info.com
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2 réponses à “Irlande du nord. « Les noms loyalistes adoptés par les bandes rivales ne sont que des drapeaux de complaisance pour masquer la criminalité de voyous »”

  1. hervé Brétuny dit :

    Il faut être aussi critique maintenant avec l’IRA et ses satellites sinon ça fait vraiment peu objectif

    • Rédaction dit :

      A priori c’est ce que nous nous efforçons de faire depuis longtemps. Le propos de l’article est justement de mettre en exergue le fait qu’une partie des mouvements loyalistes ne se reconnaissent pas du tout dans les dérives minoritaires de certains qui se drapent des mêmes étendards pour se livrer au trafic de drogues. Du côté Républicain, il y a les mêmes dérives que nous avons déjà souligné.

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