Fish Intel. Des langoustes sédentaires et des bars voyageurs suivis à la trace sur les côtes françaises de la Manche

Le projet européen Fish Intel, qui réunit des équipes françaises, anglaises et belges, livre ses premières conclusions sur les déplacements des 300 poissons (bars et lieus jaunes) et 50 langoustes suivis par télémétrie acoustique sur les côtes françaises de la Manche. Si les langoustes mâles semblent plutôt fidèles à leurs rochers en automne et en hiver, des bars peuvent parcourir des centaines de kilomètres le long des côtes françaises. De nouvelles données seront acquises pour suivre ces espèces sur une année complète. Autant d’informations utiles pour identifier les habitats essentiels dans la vie des poissons, améliorer leur état écologique et renforcer la gestion écosystémique des activités humaines (pêche, développement de parcs éoliens…) en Manche.

Sur les 5 espèces de fort intérêt commercial suivies dans le cadre du projet européen Fish Intel, les scientifiques français ont concentré leurs efforts sur 3 d’entre elles : le bar européen, le lieu jaune et la langouste rouge, leurs homologues belges et anglais assurant également le suivi du thon rouge et de la dorade grise. Où ces espèces se nourrissent-elles ? Où grandissent-elles ? Où se reproduisent-elles ? Si les scientifiques ont déjà quelques hypothèses sur ces questions, ils veulent désormais les confronter à des données de terrain sur le long terme.

300 POISSONS ET 50 LANGOUSTES SUIVIS

Entre les mois de mai et septembre 2022, les scientifiques français, avec les comités des pêches et les pêcheurs, ont marqué 233 bars, 71 lieus jaunes et 50 langoustes depuis la mer d’Iroise jusqu’à la baie de Seine. France Energies Marines a également marqué des raies et requins : 43 en baie de Seine et 53 dans les Côtes d’Armor dans le cadre du projet FISHOWF. Tous ces poissons sont suivis à la trace par le réseau de 68 récepteurs acoustiques déployés par l’Ifremer et France Energies Marines sur les côtes françaises de la Manche, et notamment dans les zones des futurs parcs éoliens de Saint-Brieuc, de  Courseulles-sur-Mer et de Saint-Nazaire. Tout passage d’un individu marqué à proximité d’un récepteur est enregistré, sa position est ainsi connue à une date précise. Grâce à ces données, les scientifiques ont pu reconstruire certains déplacements.

57 % DES INDIVIDUS MARQUÉS ONT ÉTÉ DÉTECTÉS AU MOINS UNE FOIS EN FRANCE

« Depuis le déploiement du réseau de télémétrie acoustique sur les côtes anglaises, françaises et belges, 64% des individus marqués ont été détecté au moins une fois en Manche et 57 % sur nos côtes, explique Mathieu Woillez, chercheur en halieutique à l’Ifremer au sein de l’UMR Decod et co-pilote du projet. Nous avons observé des déplacements sur de longues distances et d’autres plus côtiers ».

Un bar marqué à proximité de la réserve des Sept-Iles en mai 2022 a par exemple été repéré à Ouessant au mois d’août suivant. Un autre a quant à lui quitté la Manche et migré dans le golfe de Gascogne, dans le parc éolien de Saint Nazaire. Autre fait marquant observé par les équipes partenaires : un bar présent de septembre à janvier 2022 en Belgique a été détecté début mai dans les eaux anglaises en sud Cornouailles. Ces mouvements confirment l’hypothèse de l’Ifremer émise lors de travaux de géolocalisation précédents selon laquelle, pour se reproduire, les bars de Manche Est migrent vers la Manche Ouest et la plupart de ceux de Bretagne Nord vers le golfe de Gascogne.

Quant aux lieus jaunes, les individus marqués près de l’Ile d’Ouessant sont restés à proximité de l’île tout l’été (comportement de résidence). Grâce aux marques dites « archives » – posées en même temps que la marque acoustique – qui enregistrent la température et la profondeur auxquelles évoluent les poissons marqués, les scientifiques peuvent également étudier en détail les mouvements verticaux de ces poissons. Ces derniers peuvent évoluer à 20 m de profondeur puis plonger à 40 m ou 60 m dans la journée. Des mouvements vraisemblablement liés à leur comportement d’alimentation.

« Les langoustes, notamment les mâles, semblent « attachées » à leur rocher durant l’automne et l’hiver, annonce Martial Laurans, chercheur en écologie halieutique à l’Ifremer. Y résident-elles en permanence ou y reviennent-elles chaque année à la même période ? Les résultats encore partiels de Fish Intel semblent confirmer le caractère sédentaire des langoustes que nous observons depuis 2009 : lors de nos campagnes annuelles de suivi d’abondance, tous les individus sont systématiquement recapturés au même point d’un été à l’autre et parfois sur plusieurs années. Une question reste néanmoins sans réponse : pourquoi ne recapture-t-on que peu de femelles ? Partent-elles ailleurs ou nichent-elles dans des anfractuosités plus profondes qui bloquent la détection du signal acoustique ? Nous ne le savons pas encore ». 

Si le projet Fish Intel est désormais terminé, le réseau de télémétrie restera cependant opérationnel ; le suivi de ces espèces de la Manche se poursuivra sur plusieurs années. Ces nouvelles connaissances sur l’écologie spatiale de ces poissons et celles à venir permettront d’améliorer la gestion écosystémique de ces espèces pêchées. Elles contribueront aussi à la recherche d’un équilibre dans l’aménagement de l’espace marin entre les activités anthropiques et un écosystème sain.

Photo : DR
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Une réponse à “Fish Intel. Des langoustes sédentaires et des bars voyageurs suivis à la trace sur les côtes françaises de la Manche”

  1. Gaï de ROPRAZ dit :

    BRAVO ! Rien à rajouter, sinon qu’il faudrait adapter le même système de marquage et de suivi à tous les va-nus-pieds qui inondent le pays et dont, contrairement aux langoustes et autres bars, strictement personne n’en a besoin.

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