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Corse, terre insoumise. Les éditions ACE éditent un inédit de Saint-Loup [Interview]

Les éditions ACE (Amis de la culture européenne) viennent d’éditer un inédit de Saint-Loup (Marc Augier) sorte de conclusion de son cycle consacré aux patries charnelles (chaque Breton doit lire au moins une fois « Plus de pardon pour les Bretons » ! )

La Corse de Saint-Loup n’est pas baignée par l’astre du Grand Midi, léger, calme et olympien. Un soleil sanglant, semblable à celui du solstice d’hiver, pèse sur l’île et en fait une petite patrie maintes fois abattue mais éternellement invaincue. Au moment où démarre ce récit d’insoumission, le romancier rappelle l’adage : « Corse, tu ne seras jamais heureuse ! »

Son peuple a su mépriser le bonheur pour choisir le chemin rocailleux de l’honneur. De l’Antiquité à nos jours, des générations de femmes corses ont pris les armes alors qu’en leur sein s’agitaient déjà les héros révoltés du lendemain.

Remarquable constance de cette lignée méditerranéenne qui, à chaque fois, s’est refusée à l’envahisseur victorieux et que la défaite n’a jamais brisée ! En vérité, Saint-Loup le dit, Rome, les Sarrasins, l’Espagne, Gênes, la France sont passés et passeront, mais le peuple insulaire, lui, demeurera.

Ce destin corse, Saint-Loup nous le présente d’abord à travers l’Histoire et achève de le peindre par le roman, explorant la façon dont le mythe s’incarne toujours dans le fait. Pour mieux évoquer l’éternel retour, l’au-delà des temps, un nouveau champion typiquement saint-lupéen entre en lice : il se nomme cette fois Circinellu et a choisi pour muse… une Gorgone !

Nous avons interrogé les éditions sur l’ouvrage.

Breizh-Info.com : Tout d’abord, pouvez-vous présenter Saint-Loup à nos lecteurs, et vous mêmes ?

Editions ACE : Saint-Loup, de son vrai nom Marc Augier (1908-1990) fut écrivain et homme d’action. Grand voyageur, il se passionna pour la moto et les sports de montagne. Le vent du XXème siècle gonfla les voiles de son destin et l’entraîna sur des eaux périlleuses… Pour ces raisons, son souvenir est honoré par plusieurs générations de militants enracinés.
Son œuvre fait l’objet d’un certain culte. La médaille a son revers : nombre de rumeurs et d’erreurs sont colportées sur l’auteur. Il est moins lu qu’il ne le mérite. Beaucoup ne connaissent que ses romans. Il faut rendre justice à celui qui fut un grand écrivain de langue française, par-delà

Breizh-Info.com : Comment se fait-il que ces écrits de Saint-Loup sur la Corse n’aient pas été publiés bien avant ? D’où vient ce travail de recherche et d’édition ?

Editions ACE : A sa mort, sa famille a laissé ses archives se disperser. Nombre de collectionneurs se sont disputé cette documentation, sans intention de la partager. C’était là rendre un bien mauvais hommage à cet esprit curieux et libre que fut Augier. Le propriétaire du tapuscrit corse n’est pas de ceux-là : il a mis ce texte à notre disposition.

Deux livres avaient déjà connu un destin compliqué : Götterdämmerung, rencontre avec la Bête avait été publié en allemand dans l’immédiat après-guerre, mais la première édition française n’est intervenue qu’en 1986. De même, Sergent Karacho a vu sa sortie retardée de… 50 ans ! Il devait initialement paraître à l’été 1944 sous le titre Troïka de combat.

Breizh-Info.com : Pouvez vous nous rappeler ce que fût le cycle des patries charnelles initié par Saint Loup et en quoi ce livre s’y intègre…notamment après celui sur la Bretagne ?

Editions ACE : Saint-Loup fut le héraut d’une spiritualité enracinée qui renoue, dans la mesure du possible, avec les mythes et croyances archaïques de nos lignées européennes. Ce fut aussi un homme hanté par le ton et la forme du prophétisme vétéro-testamentaire.

Son œuvre se découpe en cycles, notamment celui de l’agir surhumain (La nuit commence au cap Horn, Le roi blanc des Patagons, Berliet...), celui de l’ordalie (les trois volumes consacrés aux accidents miraculeux) et celui des patries charnelles.

Ce dernier était annoncé par quelques enquêtes journalistiques publiées dans les années 30 et 40. Il atteint son zénith avec plusieurs romans très achevés : Plus de Pardon pour les Bretons (1969) et Nouveaux Cathares pour Montségur (1971). Corse, terre insoumise, écrit vers 1984-1985, reprend, en un éternel retour, deux thèmes qui firent la force de ces romans : d’abord l’homme d’action, porté par une élection du destin et figure d’un peuple qui se maintient, ensuite la femme et la terre, aussi mystérieuses et promises l’une que l’autre.

Breizh-Info.com : Peut-on dire que Corse, terre insoumise est une ode au nationalisme corse et à sa résistance à l’envahisseur dans l’Histoire ?

Editions ACE : Alors que l’action décrite dans les deux romans précités tenaient dans le cadre d’une vie d’homme, Saint-Loup s’est efforcé d’inscrire son nouveau récit dans une perspective séculaire. Il a parfaitement montré que, par-delà les époques, c’était le choc des armes qui rythmait le nationalisme corse.

Breizh-Info.com : Contrairement à Plus de Pardon pour les Bretons, ou à Nouveaux cathares pour Montségur, il y a un saut dans le temps entre chaque chapitre. N’est-ce pas un livre moins fouillé que les autres ? Le contexte de son écriture joue-t-il ?

Editions ACE : Le tapuscrit nous propose un texte achevé, avec un avant-propos et des annexes. Le récit ne comporte pas de lacunes. Pour autant, il aurait pu être développé davantage. Certains pans de l’histoire corse ne sont pas abordés, comme la révolte anti-féodale de Sambucucciu d’Alandu ou l’irrédentisme des années 1930-1940. Au niveau de l’intrigue, la tête tranchée de la Gorgone aurait pu répondre à celle du Maure, Saint-Loup aurait pu mettre en scène une longue lignée familiale qui se serait achevée sur son héros…

Il faut savoir qu’en 1984, Augier est un homme dévasté par la perte tragique de sa fille. Il est usé par une vie trépidante et une longue carrière d’écriture. Il n’avait plus la force de donner toute sa mesure à un projet aussi ambitieux. Il faut aussi souligner que le roman se situe dans l’actualité la plus brûlante. Clore le roman n’a pas dû être aisé. Le texte est là, devant nous. Saint-Loup a été porté par une envie énorme de l’écrire. Malgré les obstacles, sa plume a su trouver un chemin.

Breizh-Info.com : Qu’est ce qui vous a surpris, en tant qu’amateur de la littérature de Marc Augier, en découvrant et en aménageant cet ouvrage ?

Editions ACE : Mon intervention s’est bornée à l’écriture de la préface, à l’ajout d’un sous-titre et d’une centaine de notes pour donner davantage de densité au texte. Pour le reste, j’ai mené un simple travail de correction : j’ai repris les noms propres en privilégiant les formes corses, j’ai modifié à l’occasion l’ordre de certains paragraphes.

Il est frappant de constater qu’Augier a entrepris ce travail au moment précis où les circonstances de sa propre vie le rendait apte à comprendre cet adage : «O Corsica, no avrai mai bene ». Il n’a pas fait de la Corse une île des Bienheureux ou une île Fortunée. La Corse est belle, mais elle n’a jamais été sereine : elle appartient à une Méditerranée tourmentée. La Gorgone n’a aucun lien avec la Corse ; elle permet cependant d’exprimer un certain aspect de l’identité corse.

B-I :Un mot sur les éditions ACE qui vous éditent ?

Editions ACE : Les Amis de la Culture Européenne on réédité le premier roman d’Augier, Les copains de la Belle Etoile, longtemps introuvable. Ils ont rassemblé en un volume, sous le titre Laponies 1938, les deux textes d’Augier qui retracent son périple dans la longue nuit arctique. Aujourd’hui ces éditions proposent un inédit. Très bientôt, elles éditeront deux albums qui présenteront les centaines d’articles de presse de l’auteur, une partie de sa correspondance, des documents inédits et une biographie débarrassée des inexactitudes et des approximations. Ce projet m’occupe depuis 2017. Faisons sortir Saint-Loup de sa tanière !

Propos recueillis par YV

Crédit photo : DR

[cc] Breizh-info.com, 2023, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

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