El Salvador : avec 94% d’approbation populaire, Bukele en voie de réélection pour sa politique anti-système ultrasécuritaire

Trois ans et neuf mois après son entrée en fonction, 91 % des Salvadoriens approuvent le travail accompli par l’actuel Président (1), et 93,9 % déclarent vouloir le réélire en 2024 (2). Nayib Bukele, peut se targuer d’être le chef d’État le plus populaire au monde. Notamment pour sa main de fer en matière de politique sécuritaire. Mais pas que.

Accusé d »autoritarisme par ses détracteurs effrayés par ses méthodes musclées, il répond qu’il est le « dictateur le plus cool du monde« . L’homme a de quoi se vanter, et pas parce qu’il est le plus jeune Président du continent – entré en fonction en juin 2019 à 37 ans – mais parce qu’il a accompli une véritable révolution dans son pays : la paix civile n’est plus un leurre, les habitants sortent à nouveau, les enfants jouent dans les parcs, les jeunes peuvent désormais rêver à un avenir. Et tout cela, ils le doivent à la guerre contre le terrorisme des gangs du gouvernement Bukele.

Pour ce faire, début 2020, il débarque avec l’armée à l’Assemblée législative, où ses partisans sont en minorité, menace de provoquer une insurrection populaire pour sommer les parlementaires à approuver son financement (109 millions de dollars). Il fait adopter l’état d’urgence qui autorise des arrestations sans mandat judiciaire. Une mesure  renouvelée régulièrement par le parlement conscient d’avoir affaire à une criminalité sauvage et enracinée, qu’on ne combat pas avec des bougies (le gang le plus violent au monde, la Mara Salvatrucha est salvadorienne). Les forces de l’ordre encerclent les villes, fouillent les domiciles, arrêtent plus de 64.000 membres de ces maras sanguinaires. Des méthodes peu orthodoxes au regard de nos molles démocraties, mais face à l’ampleur du problème, elles sont applaudies par la population qui subit depuis des décennies leurs exactions et vivait dans un régime le terreur de ces bandes. L’accusation d’avoir passé des accords en secret pour baisser ce taux de criminalité, ne l’affecte pas outre mesure, « les résultats sont sous nos yeux. »

Et quoi de mieux que l’Assemblée générale des nations Unies pour s’en glorifier ? En septembre 2022, dans un discours souverainiste où il redonne au terme de liberté sa véritable définition – celle de pouvoir choisir son destin -, Nayib Bukele fait son bilan : « Le pays connu comme étant le plus violent au monde est désormais connu pour être le plus sûr d’Amérique. Un pays connu pour ses gangs ultra-violents, ses morts, sa violence, la guerre, est désormais connu pour ses plages de surf, ses volcans, pour sa liberté financière, pour son bon gouvernement et en avoir terminé avec le crime organisé. » Se permettant au passage : « le représentant du plus petit pays du continent américain vous rappelle humblement que les Nations Unies n’ont pas été créées pour diviser, détruire ou soumettre mais pour travailler ensemble et rechercher des solutions aux problèmes du monde, dans le respect absolu de la souveraineté et de l’autodétermination de chaque pays. »

Comme bien des leaders d’Amérique latine, il échappe à nos traditionnelles catégories. Tantôt qualifié de nouveau Hugo Chavez, tantôt de Donald Trump latino, il nous est inclassable. Au Salvador, c’est justement car il représentait une alternative au bipartisme verrouillé qu’il avait été élu. Pour la droite, il est populiste, pour la gauche autocrate. Patriote et souverainiste, il adopte comme monnaie officielle le… bitcoin ! (3) Un suicide pour l’opposition, un pari gagnant pour son gouvernement : il parvient intégralement et dans les temps à libérer le Salvador d’une dette obligatoire de 800 millions de dollars. « Quand on ne le vole pas, l’argent arrive » est une de ses devises. De la poigne, il en fait montre aussi et surtout en matière de lutte contre la corruption qui gangrène si aisément un pays ruiné après 12 ans de guerre civile, sclérosé de 30 ans de bipartisme compromis avec les puissances étrangères. Critique à l’égard des élites internationales, et des instances financières tentaculaires (« la Federal Reserve, n’est pas plus fédérale qu’elle n’a de réserve. Elle imprime trop de billets, elle vole donc vos richesses et vos économies« ).

Sur le plan sociétal, il veut dépénaliser l’avortement (en cas de danger pour la mère) mais pas les mariages homosexuels et Dieu est souvent présent dans ses discours. Bref, un charismatique leader latino-américain. Mais une chose est sûre, il est la véritable rock star en pleine ascension vers laquelle se tournent tous les regards du continent américain.

Les ONG internationales des droits de l’homme et les médias occidentaux estiment que le Salvador est sur le point de glisser dans la dictature. Il n’en a que faire et répond sur un plateau de télé états-unien « mais qui êtes vous ? Quelle est votre légitimité ? » et n’a de cesse de les railler sur les réseaux sociaux rappelant les réalisations à dire peu immenses effectuées par son gouvernement.

The Economist s’inquiète : « Si le taux d’homicide reste bas, l’influence de M. Bukele grandira dans la région. »

Des manifestations anti-gouvernementales ont lieu, mais le nombre de mécontents est dérisoire, et concerne principalement ceux qui avaient les meilleures places lors des décennies précédentes. Parallèlement, 72% Salvadoriens estiment que la démocratie n’est pas la meilleure forme de gouvernement et 94% d’entre eux entendent remettre à nouveau les rênes du pays à Nayib Bukele.

La question qui se pose est donc de savoir s’il est plus démocratique de respecter la volonté populaire ou d’entrer dans les cadres démocratiques définis par l’Occident. Qui, lui, semble n’avoir que faire de la volonté populaire…

Audrey D’Aguanno

(1) selon l’enquête la plus récente réalisée par LPG Data, l’unité de recherche sociale de LA PRENSA GRÁFICA https://www.laprensagrafica.com/lpgdatos/LPG-Datos–Bukele-arranca-2023-con-91–de-aprobacion-20230314-0090.html

(2) selon l’enquête Tresearch International, https://www.tresearch.mx/post/el-salvador-reeleccion-nayib-bukele

(3) L’idée était de favoriser les transferts d’argent des 3 millions de salvadoriens installés  aux États-Unis, en économisant les frais bancaires. Un enjeu de taille, ces rapatriements pesant plus du quart du PIB du Salvador. Mais depuis plusieurs mois le bitcoin ne cesse de chuter, ce qui pourrait remettre en cause sa politique monétaire. Le dollars américain est, dans le même temps, resté une monnaie officielle du pays.

Crédit photo : DR
[cc] Breizh-info.com, 2023, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

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7 réponses à “El Salvador : avec 94% d’approbation populaire, Bukele en voie de réélection pour sa politique anti-système ultrasécuritaire”

  1. gaudete dit :

    Il,y a des présidents qui en ont et d’autres qui n’en ont pas, suivez mon regard. On rêverait d’un pays sur mais ce n’est pas demain la veille avec un dictateur aux petits pieds comme notre avorton de l’élysée qui se prend pour un grand personnage mais en fait qui n’est que la marionnette du funeste bidon et le toutou de la hyène

  2. brasileiro dit :

    Passionnant, il me fait un peu penser à Rodrigo Duterte.

  3. domper dit :

    Si on laisse les sociétés arriver à un stade de pourrissement, d’insécurité affolante, et de corruption, il est évident que la seule solution efficace sera obligatoirement brutale….ce n’est pas avec les fleurs, les bougies, les nounours et les cellules psychologiques qu’ on arrête la délinquance violente et les gangs !

  4. Michel BERAUDO-MARCH dit :

    On rêve de voir nos racailles racisées réduites de la sorte !

  5. Gaï de ROPRAZ dit :

    Un exemple humain venant d’un tout petit pays.
    La France devrait s’en inspirer.
    Bien entendu, ce n’est pas avec un avorton de la taille de celui de l’Elysée que l’on y parviendra.
    Pensez-y la prochaine fois au moment de mettre le bulletin dans l’urne …

  6. patphil dit :

    un exemple de courage pour protéger son peuple! est ce si difficile?

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