Le dimanche 12 mars, à Versailles, il s’est vendu aux enchères une lettre autographe de Maximilien Robespierre : 218 750 euros.
La correspondance de l’Incorruptible est bien connue. Elle fut saisie après son exécution puis plus ou moins détruite, disparue. Celle-ci, en date du 15 février 1793, est à replacer dans son contexte. Deux voix dominent à la Convention, Georges Danton et Robespierre. Celui-ci est à Paris, celui-là en mission en Belgique. Danton attend un quatrième enfant, il naît pendant son absence, mort-né et son épouse succombe le 10 février . Le 15 février, Robespierre lui adresse ses condoléances :
Mon cher Danton, dans les seuls malheurs qui puissent ébranler une âme telle que la tienne, la certitude d’avoir un ami tendre et dévoué peut t’offrir quelque consolation, je te la présente. Je t’aime plus que jamais et jusqu’à la mort. Dans ce moment, je suis toi-même, ne ferme point ton cœur aux accents de l’amitié qui ressent toute ta peine. Pleurons ensemble nos amis ; et faisons bientôt reporter les effets de notre douleur profonde aux tyrans qui sont les auteurs de nos malheurs publics et de nos malheurs privés, mon ami. Je t’avais adressé ce langage de mon cœur, dans la Belgique. J’aurais déjà été te voir, si je n’avais respecté les premiers moments de ta juste affliction. Embrasse ton ami.
Robespierre a bénéficié d’un nombre important d’études. Les dernières en date, Jean-Clément Martin, Michel Biard, Henri Leuwers ressassent puis interprètent tout ce que l’on sait. La biographie de référence reste celle de Gérard Walter parue en 1961, un chef-d’œuvre du genre.
En fait ni monstre ni Commandeur, Robespierre est aujourd’hui remis à sa place. Pour les historiens, pas du côté des politiques. Vomi à droite, il est vénéré par l’extrême gauche. Jean-Luc Mélenchon qui s’estime fin connaisseur de la Révolution française lui voue un véritable culte. Comme en témoigne ce tweet, du 3 juin 2012 :
Gloire à Robespierre, né à Arras ! Celui qui a donné la citoyenneté aux juifs, le premier à défendre le suffrage universel !
Le cher homme ! Parfait ignare en la matière. Voilà les faits. Dès 1787, Louis XVI rend un édit de tolérance qui accorde un statut juridique aux juifs et aux protestants. Le 13 novembre 1791, le roi ratifie la loi déclarant les juifs citoyens français. Le rapporteur : le député Du Port, aristocrate passé au Tiers Etat.
Mieux que son mentor, Alexis Corbière s’est fendu, en 2012, d’un opuscule : « Robespierre, reviens ! » qui est un cri du cœur.
Trotskystes un jour, trotskystes toujours… rien d’étonnant à voir ces deux-là s’exalter lorsqu’ils évoquent Robespierre.
Leur héros était du genre bipolaire pour reprendre un qualificatif de café du commerce, de comptoir. Il était nourri de Jean-Jacques Rousseau. Mais, fâcheusement, il penchait du côté de la Nouvelle Héloïse, insipide mélo, et du Contrat social qu’on lit le plus souvent de travers. Il avait sans doute négligé Les Rêveries et surtout Les Confessions dont la première partie lui aurait beaucoup appris sur la formation d’un esprit, prodigieuse analyse qui laisse loin derrière Sigmund Freud. Robespierre, humain, doux en paroles, féroce dans les faits. La politique conduit rarement à l’égalité d’âme chère à l’empereur Marc Aurèle.
Jean HEURTIN
N.B. À voir ou à revoir le Danton de Wajda (1983) : Depardieu fantastique en face de l’excellent Pszoniac qui incarne Robespierre.
Crédit photo : DR
[cc] Breizh-info.com, 2023, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine
3 réponses à “Le doux et bienfaisant Robespierre…”
Le Robespétrophile Corbières est un type curieux ; organisant, dimanche 27 juin 2004, la commémoration à Paris du 200ème anniversaire de l’exécution, le 25 juin 1804, de Georges Cadoudal, j’avais été en relation avec lui alors adjoint à la culture de Bertrand du Desclin. Il m’avait donné les autorisations de défiler (nous étions une centaine) et mis en relation avec la Préfecture de police où, curieusement, c’est un policier portant le même nom que celui qui instruisit le « procès » de Georges qui me donna les autorisations policières (défilé avec drapeau, biniou) pour aller de la Conciergerie à la place de Grève. Les deux policiers accompagnateurs m’avaient remercié pour cette page d’histoire.
Concernant Robespierre ce criminel est impressionnant mais pas aussi entièrement coupable que le raconte l’écrivain auto-proclamé spécialiste de cette époque. Dans la page nantaise du tournage du documentaire de Franck Ferrand « Robespierre bourreau de la Vendée » j’avais dénoncé le climat de terreur qui régnait au sein du système et que si Robespierre était coupable sur les décrets incriminés sa signature ne venait qu’en quatrième position après Barère, Carnot, Collot d’Herbois, jamais en premier. Barère le théoricien de tous les crimes est mort dans son lit à Tarbes et l’on voit son tombeau dans le cimetière Saint Jean ; Carnot est aussi mort dans son lit ses statues et son nom trônent en divers endroits. Ils ont été plus malins que Robespierre.
Noël Stassinet, Souvenir Chouan de Bretagne
Robespierre a aussi été un fieffé bigot, avec son obsession maladive d’instaurer une nouvelle religion : le culte de « l’Être suprême » !
c’est vrai que la mort par décollation est douce puisque rapide! mais ce gars la, gouvernant par la terreur et la mise à mort des opposants est une catastrophe, il a inspiré lénine, puis staline, mao, polpot et autres tyrans!