Le samedi 25 mars, direction la Provence pour un colloque organisé par un mouvement de jeunes identitaire et enracinés nommé Tenesoun. Un colloque intitulé Mistral, une terre, un peuple, qui parlera forcément à tous les régionalistes provençaux. Au programme de cette journée sous le soleil provençal, conférences, table ronde et animations; ce colloque réunira des auteurs de renom tels que comme Rémi Soulié, félibre, ou Julien Langella, mais également des stands enracinés et militants. La soirée se poursuivra autour d’un grand banquet chaleureux, rythmé par des chants, et terminera par des danses traditionnelles.
Un colloque qui se tiendra le 25 mars, jour solennel de la mort de Frédéric Mistral.
Informations pratiques :
Colloque seul: 10 €
Dîner seul: 15 €
Colloque + dîner: 25 €
Prix étudiant: 20 € (sur présentation de votre carte étudiante le jour du colloque)
Pour évoquer ce colloque, nous avons interrogé l’un des porte-parole de Tenesou, Raphaël Ayma (que vous pouvez retrouver ici sur Twitter) à l’occasion de sa venue lors d’une conférence organisée par les militants bretons d’An Tour Tan.
Breizh-info.com : Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
Raphaël Ayma : Oui, évidemment. Très brièvement : je m’appelle Raphaël, j’ai vingt ans, je suis étudiant à Aix-en-Provence et je milite depuis mes seize ans. J’ai grandi dans un environnement surpolitisée, dans une famille d’allégeance communiste, active depuis plusieurs générations au sein du PCF mais, de fil en aiguille, j’ai tracé ma propre voie politique et philosophique. Aujourd’hui, j’occupe le poste de porte-parole à Tenesoun. Je suis actif sur les réseaux sociaux (telegram, twitter) où j’essaye de produire du contenu d’analyse, métapolitique et stratégique. Evidemment, je suis aussi présent sur le terrain.
Breizh-info.com : Qu’est-ce que Tenesoun et qu’est ce que cela représente aujourd’hui en Provence ?
Raphaël Ayma : Tenesoun s’envisage comme un mouvement politique, nationaliste et identitaire en Provence. Initialement lancé dans le pays aixois, nous avons depuis presque un an décidé d’étendre notre implantation dans l’ensemble du pays provençal. Tenesoun, aujourd’hui, c’est deux lieux de vie ouverts chaque semaine (à Aix et en Vaucluse), un magazine, une section de jeunesse, une salle de boxe, un potager communautaire et tout un ensemble d’autres projets à vocation politique et culturelle. L’ensemble est porté par une communauté militante d’une quarantaine de militants et quatre cent adhérents.
Nous insistons sur notre caractère politique. Nous envisageons Tenesoun sur deux axes : le premier, communautaire. L’anomie et l’individualisme sont des fléaux sociaux auxquels nous devons répondre par la création de communautés charnelles enracinées. Nos lieux de vie (nos locaux) vont en ce sens : ce sont des espaces de libertés, où les gens se croisent, les amitiés se lient, les projets se forment, les compétences et les solidarités se partagent. Refaire corps, refaire peuple. Ils sont le socle de notre l’ébullition sociale de notre mouvement.
Le second axe est politique. Nous ne pensons pas qu’une époque apolitique doit nous condamner à faire le deuil de l’action militante. Nous pensons avec Tenesoun incarner une manière alternative de faire du politique (hors du circuit électoral, par le culturel, l’économique ou l’associatif) mais affirmons notre volonté de participer activement au débat public, notamment dans le panorama politique provençal.
Tenesoun veut incarner à la fois une contre-société politique et culturelle consciente, mais aussi une force de proposition en Provence, capable d’organiser des projets d’envergure, comme les partis politiques, tel que des colloques, du “lobbying”, des manifestations ou des campagnes.
Breizh-info.com : Parlez-nous de l’identité provençale, de sa langue, qu’en est-il aujourd’hui de sa préservation ? Y’a-t-il des mouvements visant, comme en Bretagne, en Corse, à son émancipation vis à vis de la République française ?
Raphaël Ayma : Le cas de l’identité provençale ne peut évidemment pas être abordé comme celui de la Bretagne ou de la Corse. Nous ne délégitimons pas les deux causes citées, vis-à-vis desquelles nous avons des sympathies (surtout dans une optique européenne). Avant toute chose, le “nationalisme provençal” ne se pose pas dans sa tradition en faveur d’une volonté d’indépendance politique vis-à-vis de la France. L’œuvre de Mistral, littéraire et culturelle, explicite un esprit particulier. Le Félibrige, l’association qu’il fonde en 1854, est essentiellement un pôle dont l’action se concentre sur la préservation (et la renaissance) de l’identité provençale, mais ça passe principalement par une sauvegarde des traditions, l’entretien d’une tradition littéraire (que la Provence a la chance d’avoir codifié, en inscrivant sa langue grâce au dictionnaire et la graphie mistralienne). Si le provençalisme existe, influencé par les épopées nationalistes modernes du XIXe s., il n’a, à la différence des cas que vous citiez, que très marginalement eu une traduction politique.
Cependant, les velléités indépendantistes qui ont existés, ont pu s’exprimer plus concrètement dans la deuxième partie du XXe s. au sein des mouvements et cercles dits “occitanistes”, marxistes ou marxisants, et qui englobaient le quart sud-est de l’hexagone dans leur projet national. Certaines figures occitanistes peuvent par ailleurs nous inspirer – je pense notamment à celle de François Fontan, qui incorporer une “sensibilité identitaire” inspirante dans sa doctrine (“l’ethnisme”).
Ceci dit, l’absence d’un nationalisme provençal structuré ne veut pas dire que la Provence ne présente pas au sein de l’hexagone une configuration particulière. Il ne faut pas être dupe : la Provence est particulière. Premièrement, parce que nous sommes, comme la Bretagne, une “périphérie” pour les Parisiens et se ressent en conséquence un sentiment de dévalorisation. Regardez le cas marseillais : la deuxième ville de France, pôle culturel (movida marseillaise), politique, social, seule grande métropole où la droite nationale gagne des élections (législatives, municipales) est traitée médiatiquement, au mieux, comme si elle était absente, au pire, comme une ville de “beaufs”, sale et ringarde. Nos côtes, quant à elle, ne sont envisagées – pour reprendre l’expression occitaniste – que comme des “bronze-culs touristiques”, alors que nos ports, comme la cité phocéenne ou Toulon sont des pôles, certes culturels, mais aussi industriel et économiques. Une nouvelle fois, sur la dynamicité de la région, je rappelle que le projet ITER (le plus ambitieux à l’heure actuelle sur la fusion nucléaire) se trouve ici.
Les Provençaux sont conscients de ce mépris central. D’ailleurs, nous avons toute une série d’indicateurs : ultra-présence des gilets jaunes, bastion des votes contestataires (Var ou Vaucluse sont les départements où le RN fait ses meilleurs scores), réticence à la vaccination plus élevé que dans le reste du pays, etc. Et même dans notre microcosme, le “milieu identitaire” est en pleine ébullition en Provence, avec la multiplication des initiatives, locaux, associations, syndicats…
Si je devais comparer la situation provençale a une configuration jumelle en Europe, je me pencherai peut-être sur le cas nord-italien, dont on sait qu’il peut produire des traductions politiques (cf. ce que l’on appelle le “nationalisme padan”).
Breizh-info.com : Vous organisez un colloque en mars intitulé « Mistral, une terre, un peuple ». Tout d’abord, qui était Frédéric Mistral et quel est son importance à la fois pour la Provence, mais aussi pour nos patries charnelles ?
Raphaël Ayma : Comme énoncé un peu plus haut, Frédéric Mistral est l’artisan de la renaissance littéraire et culturelle provençale. C’est le premier, en 1904, à obtenir un Prix Nobel de littérature…pour une œuvre écrite dans la langue d’une patrie charnelle. Son travail est immense (et inspirant) : il a mis sur pied le Félibrige, qui existe encore, pour protéger et nourrir l’identité provençale. C’est encore une organe associative active, qui surveille de près le travail des collectivités territoriales. Au-delà de ça, il a mis sur pied une mythologie qui a nourri l’esprit de son peuple, une sorte d’épopée romantique, du même acabit que celles que l’on retrouve dans les grands mythes nationaux. Une figure féminine à défendre (Mireio, allégorie de la Provence), une vision enracinée “[…] les arbres aux profondes racines sont ceux qui montent le plus haut”, etc. Et on retrouve même dans son oeuvre une forme de “proto-européisme”, avec l’ideio latino. L’idée que la singularité romaine de la Provence dans le tout-français (germain et celte) justifierait le rapprochement du Midi avec les autres nations latines.
Si Mistral n’avait pas de vision politique fixe, il est cependant essentiel de se réapproprier son œuvre, qui possède plus d’un pont avec notre propre conception du monde.
Breizh-info.com : Quel sera le programme de ce colloque, et comment vous y rejoindre ?
Raphaël Ayma : On pourra voir dans ce colloque des personnalités comme Rémi Soulié (félibre mainteneur – ce qui n’est pas rien, quand je vous parle de la place encore actuelle du félibrige dans le panorama culturel provençal ! – doctorant, qui nous parlera des liens entre Mistral, Proudhon et Platon) ou Julien Langella (cadre d’Academia Christiana, qui nous parlera de son livre “Refaire un peuple”). J’aurai aussi le plaisir d’animer une table ronde sur les ambitions de Tenesoun, et enfin, un militant nous parlera de la géographie politique et linguistique provençale. Le colloque se terminera évidemment par un banquet gastronomique, et une soirée, que je crois tout aussi essentielle que les conférences : cet événement d’envergure va être l’occasion pour nous de fédérer et de compter “nos têtes” en Provence, et plus largement, dans le Midi.
Pour nous y rejoindre, vous pouvez prendre vos billets sur tenesoun.fr. Je suis disponible pour toutes les questions sur mon compte twitter ou sur [email protected].
Breizh-info.com : Le mot de la fin pour les Bretons qui vous lisent ?
Raphaël Ayma : Même si j’ai tendance à considérer tous les peuples européens comme des peuples frères, je me dois d’avouer que je ressens une proximité particulière avec les Bretons. Je le disais plus haut, nous sommes traités par l’hypercentre parisien de la même manière. Nous partageons de nombreux combats : identité linguistique, ras-le-bol touristique, résidences secondaires, nécessité d’autonomie politique, etc. Et même sur le plan culturel ! Je reviens justement d’un week-end en Bretagne, où j’ai eu l’occasion de participer à la conférence de nos camarades d’An-Tour Tan, organisation que je qualifierai volontiers comme “sœur”.
Il y a un quelque chose dans la vie bretonne qui me rappelle le caractère des Provençaux. J’espère en voir au colloque ! Du reste, je terminerai sur ses mots de l’hymne provençal, la Coupo Santo, qui je le crois, résonneront dans le coeur des lecteurs bretons :
“D’uno raço que regreio
Sian bessai li proumié gréu ;
Sian bessai de la patrìo
Li cepoun emai li priéu.”
“D’une race qui regerme
Peut-être somme nous les premiers jets ;
De la patrie, peut-être, nous sommes
Les piliers et les chefs.”
Propos recueillis par YV
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Une réponse à “Raphaël Ayma (Tenesoun) : « Frédéric Mistral est l’artisan de la renaissance littéraire et culturelle provençale » [Interview]”
Depuis quelques temps, tout un réseau d’associations localistes, plus ou moins régionalistes, et identitaires se constitue. Il y a des liens entre Bretons et Provencaux, Bretons et Alsaciens. Pourvu que ça s’étende à d’autres régions.
Partir du local pour déjà agir modestement mais sûrement, en ayant une base solide, est une bonne stratégie.