Driss Ghali, que nous avions interrogé il y a quelques semaines au sujet d’un autre livre évoquant notamment la question de l’immigration en France, sort un autre ouvrage, aux éditions Cyrille Godefroy, intitulé « Une contre histoire de la colonisation française ». Un livre présenté ainsi.
« Si vous croyez que la France s’est enrichie aux colonies, vous vous trompez, car la colonisation a été une très mauvaise affaire du point de vue économique et financier. Si vous croyez que les quelques milliers de kilomètres de route et de canaux d’irrigation légués par la France avaient de quoi assurer le décollage économique des colonies, vous vous trompez aussi, car la France a très peu investi dans son empire, par manque d’argent et de volonté politique.
Le problème est simple à énoncer, mais il est interdit d’en parler : l’histoire de la colonisation est la « propriété privée » de lobbies, français et étrangers, qui n’ont aucun intérêt à ce que la vérité soit connue des Français, des Maghrébins et des Africains.
C’est pour cela que j’ai écrit ce livre, véritable antidote contre la désinformation et la pensée unique. Il explose les cloisons mentales qui dissimulent la véritable histoire de la colonisation française. Et vous libèrera des mensonges institutionnels qui servent des intérêts qui ne sont pas les vôtres. Il vous permettra d’argumenter efficacement avec des gens de bonne et de mauvaise foi »
Pour l’évoquer – l’avantage de l’auteur étant qu’il ne manie pas la langue de bois – nous avons interrogé Driss Ghali. Le livre est à commander ici
Breizh-info.com : Comment est-ce que l’on s’y prend pour écrire une histoire de la colonisation française qui se veut dépassionnée ?
Driss Ghali : Il est très facile de haïr, d’accuser et de juger. Mais, il est difficile de comprendre ce qui s’est passé réellement sur le terrain aux colonies, de découvrir les motivations des uns et des autres, de dessiner leurs parts d’ombre et de lumière. J’ai choisi le chemin le plus difficile car le lecteur mérite d’accéder à la complexité de l’histoire coloniale et à la richesse des personnages qui ont fait la colonisation ou qui l’ont combattue.
Pour mener à bien cet exercice, il faut du travail, un travail acharné et patient. J’ai mis deux ans à recenser les mensonges officiels de gauche comme de droite, et à les démonter un par un pour que le lecteur sorte de la lecture de ce livre avec toutes les clefs pour comprendre le phénomène et se faire sa propre opinion.
Il faut bien sûr beaucoup d’humilité pour ne pas plaquer ses propres opinions sur les faits. De l’humilité aussi pour rester à sa place et ne pas se retrouver à donner des leçons de morale à des immenses personnages comme Lyautey ou Abdelkader. De l’humilité bien sûr pour reconnaître ses propres limites intellectuelles et essayer de les repousser c’est-à-dire accepter d’apprendre : prendre le risque de changer d’avis. Nous vivons une époque égocentrique, pleine de certitudes creuses et arrogantes, un peu d’humilité nous ferait du bien.
Et puis, j’allais l’oublier : il faut une énorme dose d’amour de la France. C’est par amour que l’on se creuse les méninges et que l’on épluche les rapports d’exploration du XIX° siècle sachant que l’on se fera attaquer par la bien-pensance.
Breizh-info.com : Quelles sont les racines et les origines de la colonisation française ?
Driss Ghali : En un mot, dans la folie !
Il n’y a aucune explication rationnelle qui suffise à expliquer la colonisation française. Les raisons objectives que l’on nous enseigne à l’école n’ont aucune prise sur la réalité. On nous a dit que la France a voulu s’enrichir aux colonies, c’est faux car le capitalisme français n’a pas voulu investir outre-mer. Il n’a pas placé ses hommes et ses capitaux car il avait plus d’argent à faire en Russie, aux Etats-Unis et en Argentine. On nous a dit aussi que la France voulait civiliser les indigènes, or elle les a largement ignorés tout au long de la colonisation. Enfin, on nous dit que la France a colonisé pour des raisons de prestige, mais il faut se rendre à l’évidence que les Européens que la France voulait impressionner n’avaient d’yeux que pour l’Europe, la Russie, l’Amérique du Nord voire l’Empire Ottoman. S’emparer de Bamako ou d’Alger n’a jamais fait briller d’admiration les yeux de l’opinion publique britannique ni des diplomates russes !
En réalité, la colonisation est le fruit d’un processus largement habité par l’émotion voire par la déraison. Tout s’est joué en deux dates majeures. En 1815, la France a été confinée dans ses frontières naturelles et empêché de créer des alliances avec d’autres pays européens, en vertu du Congrès de Vienne. En 1870, la France perd l’Alsace-Lorraine au profit des Prussiens. Quand on « somme » ces deux dates, on obtient un pays puissant, industriel, dynamique mais qui est empêché d’exercer son influence en Europe et qui est humilié aux yeux de ses voisins. Cette douleur, cette frustration sont saisies par la Troisième République, la gauche donc, qui propose l’outre-mer comme un horizon au peuple français. Ça s’est passé autour de 1880-1885. L’indigène n’a jamais été au centre de l’équation. L’on a décidé de coloniser pour soigner une « maladie » franco-française et non pour piller les uns ou pour civiliser les autres.
Breizh-info.com : Plusieurs décennies après la décolonisation, que peut-on souligner en matière de conséquences pour les pays décolonisés ? Pourquoi les pays d’Asie colonisés semblent avoir pris un essor certain, ce qui n’est pas le cas en Afrique par exemple ?
Driss Ghali : La colonisation française n’a pas pu toucher l’essentiel à savoir les mœurs, les mentalités et les valeurs. Elle a changé certains paysages (comme la plaine de la Mitidja en Algérie), mais elle n’a pas changé la civilisation. Or, c’est la civilisation qui détermine le développement. Soit on a le bon « programme mental et moral » pour devenir un pays développé, soit on ne l’a pas.
L’Afrique et le monde arabe ne l’ont jamais eu, c’était le cas avant la colonisation, et c’est resté le cas durant et après.
En Indochine, la civilisation locale était mûre pour passer à l’étape industrielle. Elle avait réussi à insuffler l’esprit de discipline au sein de la population, à sacraliser le travail et le sacrifice au profit d’un bien supérieur. La colonisation française n’a rien rajouté, elle a juste accouché d’un pays nommé Vietnam et fixé ses limites, car avant le Vietnam se répandait sur trois régions disparates et étaient sur le point d’absorber le Cambodge. Je pense que, colonisation ou pas, l’Indochine allait rejoindre le monde moderne, à l’exemple du Japon qui a pu se moderniser sans être occupé par qui que ce soit.
Breizh-info.com : L’exemple algérien témoigne d’un formidable gâchis économique. Comment l’expliquez-vous ?
Driss Ghali : Cela s’explique aisément par la civilisation. La civilisation en place en Algérie n’est pas du tout compatible avec le développement économique. Elle ne fomente pas le Sérieux, or sans rigueur, discipline et sens du sacrifice on ne s’arrache pas au sous-développement.
Tout le pétrole du monde ne peut rien contre une civilisation qui a tiré le frein à main !
Il en va de même au Maroc et en Tunisie, en dépit des apparences et de la propagande de quelques journalistes français qui confondent les ronds-points flambant neufs avec le développement. Sauf qu’au Maroc et en Tunisie, les régimes en place ont eu la sagesse de ne pas empêcher les forces vives de s’enrichir et d’investir. Cela a rendu la vie des Marocains et des Tunisiens moins intolérable que celles des Algériens.
Breizh-info.com : Quel regard portez-vous sur les nombreux travaux de Bernard Lugan sur la question ?
Driss Ghali : C’est un maître, il a tout mon respect. Il est « Marocain » comme moi, car né à Meknès je crois.
Je suis tout de même moins enthousiaste que lui sur les apports de la colonisation. Toutes les routes construites, tous les canaux d’irrigation posés ne compensent pas l’immense abandon des populations indigènes durant la colonisation, privées d’éducation et de santé. Au Maroc, les musulmans n’avaient pas le droit d’aller au collège ! Cela a commencé à changer après 1945. En Côte d’Ivoire, en 1916, il y avait à peine 46 lits d’hôpitaux réservés aux indigènes : 46 !
Breizh-info.com : Au final, quel bilan synthétique de la colonisation française tirez-vous ? Et quel bilan de la décolonisation ?
Driss Ghali : La colonisation a été une idée tordue qui a eu des résultats inespérés. Certains sont de véritables bienfaits qu’il faut célébrer et dont les Français peuvent être fiers. Vos aïeux qui nous ont colonisés nous ont libérés de l’esclavage, des razzias, de la loi des seigneurs et des chefs de guerre, de la peste et de la maladie du sommeil. En dépit du manque de moyens mis à disposition des colonies, des hommes exceptionnels, civils et militaires, laïcs ou religieux, ont inventé des solutions ingénieuses pour alléger le fardeau de l’existence des indigènes. Ainsi, le vaccin contre la peste a été inventé à Madagascar en 1932. Plus important encore peut-être est le réveil de nos civilisations suite à l’électrochoc colonial. Vous avez démontré aux Algériens qu’il est possible de tirer quelque chose de la Mitidja, réputée insalubre à cause des marais ; aux Marocains qu’il est possible de vaincre les obstacles naturels posés par l’Atlas, aux Ivoiriens qu’il est possible d’obtenir d’énormes rendements agricoles en dépit des parasites et des insectes. Vous nous avez redonné confiance en nous-mêmes. Et puis, j’allais l’oublier : vous avez contribué à libérer les femmes de leur servitude et fait émerger le statut de l’enfant qui bien souvent n’existaient pas outre-mer. Les juifs d’Afrique du Nord ont eu dans la colonisation une chance historique d’échapper à la servitude millénaire qui leur était imposée par les musulmans.
La décolonisation, on l’oublie souvent, a été plus une formalité qu’autre chose. A part l’Indochine, le Cameroun et l’Algérie, la France a « donné » l’indépendance à ses colonies. D’ailleurs, une grande partie des pays africains ne voulaient pas de l’indépendance, en tout cas pas tout de suite. Ils voulaient une relation plus équilibrée et non la séparation (je pense à Houphouët Boigny de Côte d’Ivoire ou à Senghor du Sénégal notamment). Ce petit détail a échappé à nos « amis » indigénistes et décoloniaux.
Une fois l’indépendance acquise, les civilisations locales ont repris la vedette. D’où le naufrage de la plupart des anciennes colonies françaises, plus ou moins total, plus ou moins absolu. D’ailleurs, les colonies britanniques n’ont pas eu un sort meilleur, voyez les catastrophes en chaîne survenues au Libéria, en Sierra Leone ou même au Nigéria après la libération : guerres civiles, présidents assassinés, destruction des infrastructures. Je ne vois pas pourquoi on dit que les anciennes colonies britanniques se portent mieux que les anciennes colonies françaises.
Breizh-info.com : Comment expliquez-vous que le débat historique en France sur la question soit quasi totalement monopolisé (y compris dans l’éducation nationale) par les décoloniaux ?
Driss Ghali : La France est elle-même colonisée en ce moment. Il est donc essentiel pour le pouvoir en place et pour les petits malins qui le servent de cacher cela, en brouillant les pistes et en détournant l’attention du public. D’où le délire victimaire et l’inflation des études sur la colonisation française. On vous parle à longueur de journée de la guerre d’Algérie pour vous faire oublier la colonisation en cours du territoire français par l’immigration de masse. Nous vivons une véritable situation coloniale en 2023 avec deux peuples face à face et une concurrence territoriale évidente. Je vous rappelle que nous avons plus de 700 zones urbaines sensibles selon le Ministère de l’Intérieur c’est-à-dire 700 zones où la France est mise entre parenthèses. Des zones où des populations étrangères supplantent les Français, où des gangs étrangers ou d’origine étrangères évincent la police français et la pègre française elle-même !
Propos recueillis par YV
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4 réponses à “Driss Ghali (Une contre histoire de la colonisation française) : « La France est elle-même colonisée en ce moment » [Interview]”
Les Algériens ont, en 1962,chassé 1 million de non-musulmans de leur pays natal et leur ont volé leurs biens puis plus d’un million d’Algériens ont suivi les »mécréants », en France, au lieu de RESTER dans »leur » pays »indépendant »!…En France, les musulmans répandent la terreur et l’insécurité, ils font augmenter les impôts versés par les »Français moyens » car ils profitent de toutes »les aides » et ne sont pas imposables!Les gauchistes attirent les terroristes musulmans, dans notre pays, parce que les musulmans ont »le droit de vote » en France et ils votent »à gauche ».. ces mêmes gauchistes voulaient »jeter à la mer » les »Français » non-musulmans, chassés de leur pays natal par les musulmans, en 1962!…Les non-musulmans »nés en Algérie » n’ont pas, eux, la »nationalité algérienne »!..
Exact Yvette, et il est egalement faux, du moins en Algerie, que les autochtones n’avaient pas accés à l’education, il suffit de voir les photos de lycee de nos parents, dans certaines classes c’etait 50-50! ou bien aux soins medicaux!
c’est tellement évident, et le gamin qui va en afrique commence par battre sa coulpe « fini la françafrique » comme si ensuite les responsables africains allaient le préférer aux russes ou chinois
1)Les Harkis et assimilés étaient des musulmans, donc, ne mélangez pas tout ( je vous ai déjà répondu à ce sujet en donnant l’exemple de Mr Kheliff qui sauva de nombreux européens à Oran en 1962 et qui fut responsable de la mosquée de Lyon quelques décennies plus tard, Français et républicain il était « mususlman ».
2)Les statistiques publiée par le gouvernement général de l’Algérie en janvier 1956 faisaient état, pour la population musulmane, de 94 % d’analphabètes parmi les hommes et de 96 % parmi les femmes. A peine 20 % d’enfants d’Algériens étaient scolarisés pour 80% chez les Européens et les Juifs. A l’université d’Alger, la seule d’Algérie, il n’y avait en 1938-1939 qu’une centaine d’étudiants musulmans, et, en France, guère plus de 1506. En 1954, malgré un net progrès, il n’y avait que 1 200 étudiants musulmans algériens dont un peu plus de la moitié à Alger, qui suivaient surtout des études formant à des professions libérales comme médecins ou avocats qui les mettraient dans une situation de relative indépendance par rapport à I’administration. En 1954 donc, on comptait seulement quelque 600 Algériens musulmans pour 5 000 étudiants en Algérie, les universités françaises n’ayant formé à cette date qu’un seul architecte et un seul ingénieur algérien des travaux publics
Fils d’un Harki de Nantes