Reprise avec l’aide de la CCI en juin dernier, la papèterie Les p’tits papiers a déménagé du sud à l’est de la place Félix Fournier, dans les murs de la papèterie Radigois, créée en 1852 et fermée en avril 2019, 167 ans plus tard, faute de repreneur. L’histoire reprend son cours, avec le déménagement et l’agrandissement d’une autre institution, créée en 1965. Elle prend la suite d’un restaurant, créé pourtant par un professionnel du secteur, de surcroît maire et responsable au sein de la métropole de Rennes, qui a coulé… faute de connaissance de la réglementation nantaise du secteur. Une très curieuse histoire.
La fin du feuilleton du restaurant qui n’aurait jamais du ouvrir
Entre les deux, il y a eu l’installation d’un restaurant, qui a tourné au feuilleton : mercure découvert dans les murs en septembre 2019, retards de travaux, puis confinements à répétition en 2020-2021, le restaurant Kraft ouvre enfin en juillet 2021 après trois reports, tenu par Sylvia Grollier et Matthieu Pollet, qui hissaient à l’ouverture les couleurs d’un « concept-store engagé », avec des produits locaux et issus de circuits courts.
Sauf que l’aventure tourne court. Comme le confie le patron dans la presse locale en mai 2022, il découvre un mois avant l’ouverture qu’il ne peut obtenir de licence III et que la vente d’alcool lui est interdite. Il affirme aussi qu’il « ignorait la règlementation dans le secteur protégé » qui empêche toute création de licence III à moins de 50 mètres d’un autre bistrot et à moins de 100 m d’un lieu de culte. Or il y a un café-restaurant en face, le Passage, et plusieurs dans la rue juste derrière. Et qu’il n’a pas eu « du tout d’information sur ces règles. D’ailleurs en déposant notre permis de construire, il n’en a jamais été question ». Il ne pouvait donc vendre de l’alcool qu’à l’heure des repas.
Imposer le fait accompli n’a pas été possible – d’autant qu’à chaque fois que le restaurant tentait de passer outre, ses concurrents lésés lui envoyaient la police municipale, qui a multiplié les verbalisations – et il y a eu cinq jours de fermeture administrative en mai, qui ont achevé de mettre l’affaire dans le rouge. Le restaurant a fermé en juillet 2022 après liquidation judiciaire, le patron a confié en août à Ouest-France qu’il « allait perdre 130.000 euros. On a consulté les experts, le service urbanisme de la métropole, nous avions un avocat, pour être sûrs d’être dans les clous. Personne ne nous avait alertés de quoi que ce soit. Nous avons investi 500.000 euros ».
En fin de compte, le local a été vendu aux enchères – personne n’a repris le fonds, quasi inexploitable sans licence III ou IV, d’autant que les locaux sont très grands, formés de petites pièces et pas sur le même niveau.
Un ex-tenancier maire, vice-président à Rennes Métropole et professionnel de la restauration
Rétrospectivement, cette affaire étonne toujours les restaurateurs du centre-ville. « Ce restaurant n’aurait jamais du ouvrir, en fait », constate le patron d’une affaire toute proche. « Il y aurait du y avoir une papèterie tout de suite, c’est le cas maintenant, c’est très bien ». Un autre tenancier s’étonne : « le patron est maire d’une commune de presque 4000 habitants, il devait bien être au courant, il y a des droits de terrasse et des règles pour les débits de boisson même dans les villages de nos jours ». Il est aussi vice-président au tourisme à Rennes Métropole.
Outre sa société pour le restaurant Kraft, 250 Valorisation, liquidée, Matthieu Pollet a en effet une activité de courtier en restauration, MP Courtier en restauration, immatriculée en février 2018. Sur son LinkedIn, outre ses responsabilités politiques, il y a une présentation de ses activités professionnelles :
« Évoluant dans le monde de la restauration depuis plus de 20 ans, mes expériences me confèrent la légitimité pour intervenir dans tous les sous-segments de ce vaste marché.
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– Développement et Marketing.
– Veille et conseils en innovations ».
Reste à savoir comment un courtier « pilotant quotidiennement les opérations au sein de grands groupes spécialistes de la restauration » et ayant une « connaissance profonde du secteur », de surcroît ex-responsable régional de Sodexo (2009-2017) et auparavant chef de rang au George V (2001-2004), toujours d’après son LinkedIn, pouvait ignorer l’existence d’une règlementation locale pour l’attribution des licences III et IV à Nantes et ne pas être allé chercher les arrêtés auprès de la Préfecture ou de la mairie…
Louis Moulin
Crédit photo : DR
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Une réponse à “Nantes. Une papeterie à la suite de Radigois après le curieux flop d’un restaurant”
Une papeterie à nouveau dans les locaux de cette institution ronronnante que fut Radigois, ça fait chaud au coeur !