La banalisation de la consommation low cost est-elle l’un des signes les plus manifestes de la paupérisation de la société française ? Si certains ont recours aux enseignes « discount » par choix, d’autres le font sous la contrainte financière…
Où en sont les Français avec la consommation low cost ?
Dans une actualité où les problèmes liés à l’inflation et à la crise du pouvoir d’achat reviennent de façon récurrente, l’observatoire Cetelem vient de publier les résultats d’une étude intitulée « Du choix contraint à l’achat malin – À chacun son low-cost » qui révèle plusieurs enseignements, parfois contradictoires.
L’enquête en question a été réalisée auprès de 14 200 personnes résidant dans 15 pays européens. De cette publication, deux chiffres éloquents sont à retenir avant d’aller plus loin : près des 2/3 des ménages européens (64 %) déclarent avoir renoncé à des dépenses au cours des 12 derniers mois, et pour 4 ménages sur 10 (39 %) ces dépenses concernent des achats liés à la vie courante ou au carburant.
Une situation qui a donc nécessité des arbitrages financiers entre renoncement et adaptation des comportements et a, assez logiquement, renforcé la consommation low cost et ses offres à bas prix.
Quant à l’image renvoyée par le low cost aux consommateurs européens, elle est satisfaisante dans l’ensemble mais n’est pas exceptionnelle. En effet, la note moyenne attribuée par les Européens interrogés s’établit à 6,5, les Roumains étant les plus enthousiastes (7,3), et les Autrichiens et les Français les plus dubitatifs (5,8 et 5,9). Aucune note attribuée n’est donc inférieure à la moyenne. Il est aussi à souligner que l’essentiel des jugements se situe dans une partie médiane comprise entre 5 et 7 : le low cost n’est donc pas plus rejeté qu’il n’est plébiscité…
Habillement, alimentaire et aérien : incontournables de la consommation low cost
Par ailleurs, il s’avère que le marché du low cost est, dans l’ensemble, bien identifié par les Européens : ils sont 9 sur 10 à avoir entendu parler du low cost et 55 % à voir précisément ce dont il s’agit. Très nettement, l’Espagne (82 %), le Portugal (81 %) et l’Italie (80 %) sont les plus familiers du concept contrairement à la Pologne, l’Autriche et la Slovaquie dont les consommateurs sont moins de 3 sur 10 à en avoir une vision claire.
En outre, si en moyenne, 6 Européens sur 10 estiment le marché du low cost bien développé, 11 % seulement le jugent très développé. Marqué particulièrement en Suède (73 %), au Royaume-Uni (71 %) et en France (70 %), ce développement est beaucoup moins perçu en Europe centrale (4 personnes sur 10).
En ce qui concerne les principaux secteurs synonymes de low cost aux yeux des sondés, l’habillement (66 %), l’alimentaire (62 %) et le transport aérien (58 %) composent le trio gagnant. La quatrième place occupée par la téléphonie (53 %) pointe le succès des opérateurs dans le développement d’offres à prix cassés qui ont su séduire dans un domaine parfois très concurrentiel.
À l’inverse, l’automobile, dont le succès de Dacia a changé en son temps le paradigme du marché, est peu associée au low cost (39 %). Au top 3 des marques et enseignes citées spontanément, Lidl en est le chef de fil, suivi par Ryanair qui a révolutionné le secteur aérien et Aldi, première enseigne à avoir endossé les atours du low cost.
Des consommateurs aux profils très variés
Le low cost s’est imposé dans le quotidien des Européens devenant presque un réflexe de consommation naturel. Ce sont 54 % des personnes interrogées qui consomment régulièrement des produits low cost avec des adeptes particulièrement convaincus en Hongrie (74 %), au Portugal (65 %), en Espagne (63 %) et au Royaume-Uni (62 %).
Au contraire de la France où la consommation déclarée de produits low cost (41 %) est l’une des plus faibles avec la Slovaquie (39 %) et la République tchèque (33 %).
Quant à l’analyse en termes de revenus, elle montre que tout le monde consomme low cost, que ce soit en disposant de revenus modestes (56 %) ou élevés (53 %). Il existe, en revanche, une nette distinction géographique : à l’Ouest de l’Europe, les revenus faibles affirment consommer davantage low cost que les catégories aisées (59 % contre 53 %) tandis qu’à l’Est, les personnes aux revenus élevés indiquent davantage que les autres avoir adopté le low cost (54 % contre 46 %).
Ainsi, consommer low cost ne serait plus un signe de déclassement si l’on en croit les réponses des personnes interrogées. En effet, près des 3/4 des Européens (74 %) estiment que ce n’est pas dévalorisant d’acheter des produits low cost, un sentiment qui est plus largement exprimé par les personnes aux revenus faibles (30 %) que celles aux revenus élevés (22 %). À une petite majorité (55 %), consommer low cost est aussi un choix plus qu’une contrainte, une évidence qui est nettement plus marquée chez les ménages aisés (64 %) que chez les plus modestes (47 %). C’est en Suède (64 %), en France (59 %), en Espagne (59 %) et au Portugal (59 %) que la consommation low cost choisie est la plus répandue.
Low cost : quand le prix prime sur la qualité…
Le prix est, pour les Européens, le principal critère de choix dans l’achat d’un produit, davantage que la qualité (61 % contre 39 %). Pour les Portugais, les Polonais, les Slovaques et les Hongrois, il est particulièrement essentiel (76 %, 74 %, 69 % et 69 %), alors que les Suédois et les Français accordent au prix presque une égale attention qu’à la qualité (52 % et 55 %).
Si la priorité accordée au prix est partagée avec la même intensité par toutes les générations, la segmentation en termes de revenus fait naturellement apparaître une différenciation beaucoup plus nette : 70 % des Européens aux revenus faibles placent le prix en premier critère de choix contre 51 % pour les revenus élevés. Avec le choc de l’inflation, et compte tenu du rôle essentiel du prix, acheter low cost est souvent une variable d’ajustement face à un budget contraint.
C’est en tout cas la solution privilégiée par 77 % des Européens pour leur permettre de consommer plus, juste derrière l’achat de produits hard discount (82 %) et le fait de diminuer les dépenses les moins prioritaires (86 %).
Mais si le low cost séduit par le prix, ce n’est pas là son seul atout pour convaincre les consommateurs de son bien-fondé. C’est un ensemble de facteurs qui le rendent attractif. Tout autant que dépenser moins et avoir plus de moyens pour acheter davantage de produits, le low cost répond aussi aux attentes, notamment en termes de rapport qualité/prix (26 % vs 25 %). Les Italiens votent majoritairement pour le premier critère, les Portugais pour le second (34 % et 35 %).
Autre élément pris en considération, qui échappe cette fois au libre-arbitre, le low cost s’impose aux Européens qui n’ont pas le choix financier de faire autrement (16 %). À ce sujet, les pays de l’Est européen s’accordent pour être les plus nombreux à le souligner. Le low cost est aussi perçu comme une solution appropriée pour diminuer sa consommation ou pour ne pas payer plus cher pour des produits qui se ressemblent, peu importe où on les achète (13 % et 12 %). Il est enfin choisi pour sa facilité d’accès (8 %).
L’image contrastée du low cost en France
En France, le low cost pâtit d’une image contrastée. En effet, le pays est plutôt familier du low cost, où il y bénéficie d’une notoriété certaine : 63 % des Français voient précisément ce dont il s’agit, et ils sont 7 sur 10 à estimer que c’est un marché bien développé (+10 points d’écart par rapport à la moyenne 15 pays). L’alimentaire et l’aérien sont les 2 secteurs que près des trois quarts des Français (74 %) associent spontanément, et à part égale, au low cost, c’est une proportion élevée comparativement à la moyenne d’ensemble attribuée respectivement à ces 2 secteurs (62 % et 58 %).
Logiquement, ce sont les marques Lidl, Easyjet et Ryanair qui symbolisent aux yeux des Français le plus le low cost. Autre différence, le secteur de l’habillement/textile est positionné à la 3e place en France contrairement à la plus grande majorité des pays étudiés qui le place en première position.
Toutefois, si les Français identifient bien le marché du low cost, ils sont divisés encore plus que les autres pays européens sur la qualité des produits et services low cost : 52 % affirment qu’ils sont d’un bon rapport qualité/prix quand 48 % pointent une offre à bas prix et de mauvaise qualité. Conséquence directe, l’image qu’ont les Français du low cost est la plus mitigée de tous les pays européens : la note attribuée de 5,9/10 est l’une des plus basses, contre 6,5/10 au niveau européen. Le niveau de satisfaction exprimé par les consommateurs low cost, lui, se situe légèrement en deçà de la moyenne d’ensemble avec une note de 6,6/10.
Les Français sont moins nombreux qu’ailleurs à privilégier les produits low cost (41 % vs 54 % en moyenne), avec une intensité qui varie très peu selon les revenus (42 % pour les revenus faibles et 40 % pour les revenus élevés). Une majorité de ces consommateurs le fait par choix plutôt que par contrainte (59 % vs 41 %) et 70 % considèrent que ce ne sont pas des achats dévalorisants. Si les Français anticipent moins que la moyenne d’accroitre leur consommation de produits low cost (37 % vs 43 %), plus de la moitié (54 % vs 51 %) juge néanmoins que ce marché a du potentiel dans un contexte de tensions budgétaires touchant de plus en plus de consommateurs.
Crédit photo : Flickr (CC BY 2.0/Vincent Desjardins) (photo d’illustration)
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