Sorti en 1960, en Pologne alors communiste, ce film, comme Alexandre Nevski, prône la défense de la patrie contre l’envahisseur germanique.
Au début du XVe siècle, le royaume de Pologne est menacé par les chevaliers teutoniques. Cet Ordre religieux, destiné à protéger les pèlerins se rendant en Terre Sainte, est devenu un État tout-puissant. Les troupes de l’Ordre teutonique mènent des incursions en Pologne. Le chevalier Jurand de Spychów (Andrzej Szalawski) délivre des marchands polonais capturés par les teutoniques et les met en déroute. Pour se venger, l’unique rescapé, le commandeur Siegfried von Löwe (Henryk Borowski), incendie le manoir de Jurand et tue sa femme. Zbyszko de Bogdaniec (Mieczyslaw Kalenik), jeune chevalier polonais, revenant de Lituanie, tombe amoureux de la belle Danusia (Grazyna Staniszewska), fille de Jurand de Spychow. Emporté par le serment qu’il a fait à Danusia de venger la mort de sa mère, il s’en prend à Kuno von Lichtenstein (Mieczyslaw Voit), qui s’avère être un ambassadeur de l’Ordre teutonique. Emprisonné, sur le point d’être exécuté, il est sauvé par l’intervention de Danusia, qui le revendique pour sien au nom d’une ancienne tradition. Zbyszko rencontre la séduisante guerrière Jagienka (Urszula Modrzynska), mais reste fidèle à Danusia. Un groupe de chevaliers teutoniques, pour atteindre Jurand de Spychow, enlève Danusia. Jurand et Zbyszko partent à sa recherche. Alors que Jurand est capturé, Siegfried lui fait arracher la langue et brûler l’œil qui lui restait. Suite aux sévices endurés, Danusia meurt après sa libération. La tension monte alors entre le royaume de Pologne et l’Ordre Teutonique. La stratégie mise en place lors de la bataille de Grunwald par Jagellon (Emil Karewicz), roi de Pologne, offre la victoire à son peuple.
Les Chevaliers teutoniques (Krzyżacy) est un film polonais réalisé par Aleksander Ford, sorti le 15 juillet 1960.
Célébrant le 550e anniversaire de la Bataille de Grunwald (ou première bataille de Tannenberg), ce film est sans doute la plus grande fresque historique du cinéma polonais. Aleksander Ford a adapté le roman Les Chevaliers teutoniques écrit en 1900 par Henryk Sienkiewicz, l’auteur de Quo Vadis ?, qui avait pour but de réveiller le sentiment patriotique des Polonais. L’adaptation du roman est fidèle, contrairement à tant de surproductions américaines qui trahissent l’esprit des œuvres originaires. Seulement, le réalisateur s’est concentré sur l’intrigue principale : l’amour entre Zbyszek et Danusia et la lutte des patriotiques polonais contre les perfides teutoniques.
Ce long film pour l’époque (172 minutes), qui a bénéficié d’importants moyens (10 000 figurants, magnifiques décors, costumes somptueux…), a enregistré 14 millions d’entrées en Pologne lors des quatre premières années d’exploitation. Certaines scènes ont été filmées dans la forteresse teutonique de Marienbourg. La bataille finale, grandiose, reconstitue le choc des troupes de Pologne et de Lituanie avec celles de l’ordre miliaire religieux. Ford nous offre de magnifiques plans, à l’exemple de celui présentant les casques et boucliers.
La bataille de Grunwald rappelle bien sûr celle du lac Peïpous dans le film Alexandre Nevski de S.M. Eisenstein. Si Nevski racontait la défaite des Teutons face aux Russes au XIIIe siècle, Ford décrit celle des mêmes chevaliers teutoniques face aux Polonais, au XIVe siècle. Dans ces deux films, les chevaliers à la grande croix deviennent des symboles du germanisme honni, celui de l’Allemagne nazie en 1938 pour le premier, et celui de l’Allemagne capitaliste en 1960 pour le second. Mis à part le Grand Maître Konrad von Jungingen qui meurt au milieu du film, les teutoniques sont cruels, menteurs, pervers et belliqueux.
Pour des raisons idéologiques liées au parti communiste alors au pouvoir en Pologne, des paysans dans le film participent aux batailles, contrairement à la réalité historique. Mais ce film prône des valeurs morales chevaleresques et patriotiques.
Dans cette superbe édition réalisée par Artus Films, le film Les Chevaliers teutoniques est livré sur un Blu-ray BD-50 et sur un DVD-9, logés dans les couvertures d’un livre cartonné. On peut ainsi découvrir ce film soit dans sa version originale, en polonais, avec des sous-titres optionnels, soit dans un doublage en français.
Le livre de 80 pages, intitulé L’Ordre teutonique, bien illustré, est rédigé par le célèbre historien médiéviste Sylvain Gougenheim, connu pour son essai Aristote au mont Saint-Michel : les racines grecques de l’Europe chrétienne (Editions du Seuil, 2008). Également auteur de Les Chevaliers teutoniques (Tallandier, 2013), il expose l’oeuvre d’Aleksander Ford, compare le film avec le roman, décrit l’Ordre teutonique et la bataille de Grunwald.
Les Chevaliers teutoniques enrichit ainsi la Collection Histoire et légendes d’Europe, lancée par Artus Films en 2019. Les titres antérieurement parus étaient Guillaume Tell (Michel Dickoff & Karl Hartl, 1961), La Vengeance de Siegfried (Harald Reinl, 1966) et Jeanne d’Arc (Gustav Ucicky, 1935).
Kristol Séhec
Les chevaliers teutoniques, DVD, Blu-ray et livret, 28 euros, Artus Films.
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