L’Irlande a un problème d’immigration. Près d’un an après que les réfugiés ont commencé à arriver d’Ukraine, laissant les capacités de l’État réduites et les communautés locales inquiètes, deux expressions très différentes du désordre civique ont émergé. Dans l’une, les migrants sont logés dans des dortoirs de cubes dans des immeubles de bureaux ou, pire encore, dans des tentes. Dans l’autre, des manifestations populaires contre les migrants ont lieu dans tout le pays, autour du slogan « L’Irlande est pleine ». Il y a eu 307 manifestations anti-migrants en 2022, tandis que 2023 en a déjà vu 64. Lors de la dernière grande manifestation à Dublin, plus de 2 000 manifestants sont descendus dans la rue.
Les femmes et la classe ouvrière contre la bourgeoisie irlandaise ?
Le point central des protestations est le East Wall de Dublin, où, en novembre, après que le gouvernement a transformé un bâtiment d’État en résidence pour migrants sans consulter les habitants, des centaines de personnes ont commencé à se rassembler semaine après semaine. En décembre, les manifestations se sont étendues à d’autres quartiers – Drimnagh, Finglas, Ballymun et Fermoy. Au lieu de s’essouffler au fil des mois, les protestations ont continué à s’intensifier, se répandant dans tout le pays.
Le mois dernier, un groupe de 300 manifestants contre l’immigration s’est retrouvé face à une contre-manifestation plus restreinte devant l’hôtel Shelbourne, dans le centre de Dublin. Le profil démographique de chaque groupe était clair : les manifestants anti-migrants venaient des quartiers ouvriers où sont logés les migrants, tandis que les contre-manifestants étaient essentiellement des libéraux de la classe moyenne. Mais ce qui est plus surprenant, c’est la proportion importante de femmes dans le contingent des anti-migrants.
L’un des principaux facteurs de motivation des manifestations anti-migrants en Irlande concerne un certain nombre de faits et de témoignages faisant état de migrants extra européens maltraitant des femmes et même de jeunes enfants. La semaine dernière, par exemple, un migrant serait entré dans l’hôpital pour enfants de Temple Street et aurait annoncé qu’il voulait violer des enfants. Cette semaine, un migrant a été inculpé par la police irlandaise pour l’agression sexuelle d’une adolescente.
Le journal The Irish Independent note d’ailleurs : « L’opinion selon laquelle l’Irlande a accueilli trop de réfugiés est nettement plus forte chez les femmes des communautés de la classe ouvrière. ». Les sondages, au global, montrent un rejet de l’immigration, croissant au sein de la population.
Et les sondages montrent bien que les Irlandais font parfaitement la différence entre les Ukrainiens et les extra européens, comme partout en Europe.
Le Business Post a récemment rapporté que « le nombre de demandes de protection internationale au cours du premier semestre de l’année dernière avait augmenté de 200 %, alors que l’augmentation moyenne de ces demandes dans l’UE était de 25 % ». La raison ? Les réseaux d’immigration extra-européens ont joué sur les largesses de l’accueil concernant les réfugiés Ukrainiens. Mais désormais, c’est le couac.
Par ailleurs, le ministère de l’Enfance, de l’Égalité, du Handicap, de l’Intégration et de la Jeunesse a indiqué que, sur les quelque 20 000 demandeurs d’asile non ukrainiens, 50 % sont des hommes célibataires. En d’autres termes, il existe une dissonance flagrante entre la description officielle du gouvernement, qui présente des femmes et des enfants fuyant la guerre en Ukraine, et la réalité observée, à savoir l’augmentation rapide du nombre de jeunes hommes célibataires suspects originaires de pays non ukrainiens.
Vers l’avènement d’un parti de droite identitaire pour remplacer le très gauchiste Sinn Féin ?
Dans n’importe quel autre pays européen, un tel scénario permettrait à un parti dit de droite populiste d’éclore et/ou de progresser sur le plan électoral. Mais le paysage politique moderne de l’Irlande n’a pour le moment pas d’équivalent en terme de leaders (et de partis politiques) à Le Pen, Orbán ou Trump.
Fianna Fáil et Fine Gael dirigent l’Irlande depuis un siècle. Le premier se positionne comme plus traditionnel et ouvrier, et le second comme plus laïc et libéral – mais, dans l’ensemble, ils gouvernent de manière identique. Au cours de la dernière décennie, alors que tout héritage de droite se dissipait dans l’Irlande de l’après-Tigre celtique, le ressentiment contre l’etablishment s’est reporté dans le soutien au Sinn Féin – avec un grand succès. Sous le slogan « L’heure du changement », les sondages laissaient jusqu’ici à penser qu’il pourrait prendre le contrôle du gouvernement lors des prochaines élections. À moins que les manifestations anti-migrants ne changent la donne.
Ces manifestants de la classe ouvrière représentent le même groupe démographique que la base électorale fiable du Sinn Féin. Comme l’a découvert Eoin O’Malley, professeur à l’université de Dublin, après avoir effectué un sondage sur des questions individuelles, « le soutien du Sinn Féin est corrélé au sentiment anti-immigrés ». Entre-temps, le sondage du Business Post mentionné ci-dessus indique que si 75 % des partisans du Fine Gael et 71 % de ceux du Fianna Fáil pensent que seule l’extrême droite s’oppose à l’accueil des réfugiés, ce chiffre est tombé à 45 % chez les partisans du Sinn Féin.
Ce sentiment anti migrants contraste fortement avec les positions gauchistes de la direction du parti Sinn Féin, ce qui explique peut-être la chute de popularité de trois points par rapport à son record historique de juin dernier. On peut remarquer, par exemple, que les manifestations de East Wall à Dublin étaient en fait situées dans la circonscription de la dirigeante du Sinn Féin, Mary Lou McDonald. Un certain nombre de pancartes montraient une photo de McDonald avec les mots « Traître » écrits dessus. De même, les manifestations à Finglas ont condamné la députée Sinn Féin locale Dessie Ellis.
Dans un tel climat politiquement hostile, la distanciation du Sinn Féin de sa base ouvrière anti-migrants – qui fait penser à l’abandon des classes ouvrières blanches par l’extrême gauche en France – commence à ouvrir la porte à quelque chose que l’Irlande moderne n’a jamais connu : Les partis populistes de droite, dont le plus important est le Irish Freedom Party (IFP). Dirigé par Hermann Kelly, un allié de Nigel Farage, l’IFP a principalement fait campagne pour une sortie irlandaise de l’UE depuis sa création en 2018. Il faut souligner qu’il reste en marge de la politique irlandaise et n’enregistre pas encore de remontée sérieuse dans les sondages. Mais Kelly et le FIP commencent à se positionner comme le parti des manifestants, et il semble peu probable qu’ils ne soient pas écoutés. Lors de la récente manifestation de l’hôtel Shelbourne, par exemple, le président de l’IFP, Michael Leahy, a prononcé un discours important, espérant sans doute encourager les anciens électeurs du Sinn Féin à passer à son parti.
Pour sa part, Malachy Steenson, un des leaders officieux des manifestations contre l’accueil de migrants, n’exclut pas de rejoindre ce parti. Et il se trouve que Steenson est un avocat ayant un passé de défenseur du vaste mouvement républicain. Ce dernier prend fréquemment la parole aux côtés des membres de l’IFP lors des manifestations. Le défi de l’Irish Freedom Party sera désormais de transformer cette étincelle de popularité en une machine politique. L’IFP peut-il recruter le populaire Steenson pour le présenter en son nom ? Le parti peut-il présenter suffisamment de candidats dans de nombreuses localités ? A-t-il l’organisation nécessaire pour mener une campagne et, éventuellement, pour gérer l’Irlande ? Peut-il faire appel à des électeurs moins convaincus par son objectif principal de quitter l’UE pour augmenter ses effectifs ?
Ces questions n’ont pas encore trouvé de réponse, mais il n’est pas inconcevable que l’énergie des manifestations contre l’accueil de migrants converge autour de l’Irish Freedom Party ou du National Party, peut être moins populaire. Peut-être que les prochaines élections – qui se tiendront ou bien fin 2024 ou bien début 2025 – ne confirmeront pas encore cette ascension – mais si les conditions restent les mêmes ou se détériorent, le Sinn Féin pourrait se retrouver face à un exode d’électeurs pour qui le populisme la droite identitaire deviendra soudainement acceptable.
Crédit photo : DR
[cc] BREIZH-INFO.com, 2023, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine
5 réponses à “Immigration. La montée de la colère en Irlande. Le Fianna Fáil, le Fine Gael et Sinn Féin bientôt dépassés ?”
Les Irlandais seront moins cons que les Brita niques, ils saurons faire le boulot !!
Je dirais même qu’ils seront moins cons que les Français pour faire le ménage chez eux.
Au pluriel comme au singulier, n’est-on pas toujours le(s) con(s) de quelqu’un ou de d’autres ?
Irlande , France même combat en fait !! Jusqu’à quand les élites europeistes , de plus mondialistes , vont continuer à piétiner le droit des peuples à décider qui ils accueillent et à qui ils montrent la route du retour. En France ces vagues migratoires nous appauvrissement bien plus qu’elles contribuent à nous enrichir . Non le monde entier ne peut être accueillit dixit michel rocard socialiste reconnu et loin d’avoir été 1 extrémiste de droite !! Et si on imposait 1 référendum à nos gouvernants sur ce sujet ?
C’est ce que je disais dans le commentaire que j’ai laissé sur l’autre article concernant l’Irlande. Les partisans du Sinn Fein se sont rendus compte qu’ils étaient trahis. Beaucoup de militants frontistes en France ont fait ce même constat. Souhaitons qu’une majorité de Français patriotes réalisent rapidement que les Mondialistes mettent en scène des personnages affublés d’idéologies postiches, je ne citerai pas de noms, afin de les entraîner sur des voies de garage et par là-même les rendre inoffensifs.