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Menaces sur le dollar

Si les images de la guerre en Ukraine tournent en boucle sur nos écrans de télé, réduisant l’actualité internationale  à quelques séquences d’images de combat, une autre partie se joue loin des caméras. Comme elle ne tourne pas à l’avantage des occidentaux, les zélés commentateurs ne la mentionnent pas, feignant d’en ignorer son existence.

Pourquoi le dollar est-il vital pour la finance anglo-saxonne ?

De même que la livre Sterling anglaise a permis, en complément de la marine britannique, d’imposer un « Commonwealth » qui avait vocation à s’étendre au monde entier, au moins dans l’esprit de ses promoteurs, le dollar est devenu l’instrument de l’hégémonie américaine.

Jusqu’au début de la seconde guerre mondiale, le commerce international se faisait majoritairement avec les transactions en livres anglaises.

Une loi non-écrite veut que la monnaie dite « de réserve internationale » soit celle du pays économiquement dominant. A priori, rien ne l’oblige, mais les avantages qui en découlent sont tels que qu’aucun de ces pays se trouvant dans cette situation n’y ait renoncé.

Dès 1943, l’issue de la guerre était prévisible et les Etats-Unis, de par leur puissance industrielle surpassant tous les autres, avaient bien l’intention d’exploiter ce moyen.

Sans surprise, 1944 fut l’année de la mise en place des instruments qui allaient forger le monde futur, dans lequel les instances dirigeantes des Etats-Unis comptaient bien imposer leur vision.

Trop longtemps bridée par l’isolationnisme quasi-dogmatique du peuple américain qui, conformément à la « Doctrine de Monroe », ne voulait pas s’occuper des autres continents, l’entrée en guerre sur tout les fronts avait bouleversé cette conception géopolitique. Preuve était faite de la nécessité de disposer d’une puissance « mondiale » pour faire régner l’ordre sur la planète.

Pour imposer le dollar à l’international, l’argument fut la convertibilité en or de cette monnaie, gage de confiance et de stabilité.

Cependant, cette parité-or fut abandonnée en 1971 car, de toute évidence, elle ne pouvait plus être garantie, compte tenu du nombre de billets émis. Le dollar devint alors une monnaie purement fiduciaire sans valeur intrinsèque.

Tant qu’il détenait le monopole pour le commerce international, la FED pouvait en imprimer tant qu’elle voulait car les besoins internationaux augmentaient avec, notamment, le prix du pétrole.

C’était tout bénéfice pour les Etats-Unis, dont la dette, qui augmentait en même temps que l’émission des dollars, était payée par la communauté mondiale qui utilisait le dollar pour ses échanges commerciaux. Et cette communauté n’avait pas d’autre choix. Ceux qui contrôlaient le dollar contrôlaient, de fait, le monde.

La fin du monopole du dollar

Le monde bouge et les économies des pays aussi. Longtemps l’économie américaine est restée la première mondiale, mais les meilleures choses ont une fin. La cupidité de l’élite financière mondialiste, voulant sans cesse augmenter ses marges bénéficiaires, a poussé les délocalisations vers les pays à faible coût de main d’œuvre. Ces pays ont connu une croissance exceptionnelle, notamment la Chine qui a ravi, ou en passe de ravir le titre de première économie mondiale aux États-Unis. Mais elle n’est pas la seule à avoir profité de cette politique. Ce fut également le cas de l’Inde, du Brésil, de la Russie et de l’Afrique du Sud. Ces pays, qui se désignent sous le nom de BRICS, ont depuis longtemps compris qu’ils pourraient, le jour venu, se passer du dollar et commercer avec une monnaie dont ils auraient le contrôle.

Les conditions d’une véritable « guerre des monnaies » se trouvent aujourd’hui réunies. La finance mondialiste, essentiellement américaine et anglaise, ne peut se résoudre à perdre cette guerre et fera tout ce qui est en son pouvoir pour maintenir hégémonie sur la planète, et appellera à la rescousse tous ses alliés dont la plupart sont déjà « vassalisés », rassemblés dans une entité appelée Occident. Laisser se développer un tant soit peu d’autres monnaies que le dollar signifiera, outre la perte du monopole, une possibilité de s’extraire de l’orbite de ce dernier. Si, de plus, une nouvelle monnaie apparaît, basée sur des valeurs intrinsèques comme le prix du pétrole ou le cours de l’or, son attractivité sera telle que le dollar n’aura aucune chance de survie contre cette dernière.

La perte du monopole du dollar à l’international condamnera l’Occident

Il faut bien constater que le développement économique autour de la planète ne s’est pas fait d’une façon homogène. C’est surtout en Occident que les progrès économiques se sont révélés être les plus importants et en particulier aux États-Unis durant le vingtième siècle que cet essor a été déterminant. Certains diront que ces progrès sont dus au capitalisme, d’autres mettront en avant la doctrine libérale, voire néo-libérale qui, abolissant les frontières et les barrières, a permis aux produits, aux hommes et aux capitaux, ce circuler librement. Peut-être. Cependant, pouvoir créer de la monnaie à partir de rien a certainement été également un facteur essentiel. Cependant, créer de la monnaie en créant en même temps une dette équivalente ne peut se perpétuer que si la dette créée reste sans effet notable sur la monnaie qui sert à la créer. Cela a été le cas pour le dollar avant 1944, car la dette surtout les intérêts de la dette, étaient payés par le contribuable américain, comme prévu dans le Reserve Federal Act, adopté par le Congrès en décembre 1913. Entre 1944 et 1971, le dollar, en raison de sa double nature et de la puissance américaine, a progressivement permis aux Etats-Unis de s’endetter à bon marché en raison du rôle international du dollar, mais ce n’est qu’après 1971 que cela joua à plein. Dans ce système financier mondialisé, tout ce qui est gagné par l’un est perdu par les autres, sous une forme ou sous une autre. Ceux qui gagnent deviennent de plus en plus riches et ceux qui perdent de plus en plus pauvres. Il y avait bien un mécanisme d’aide pour ces derniers, prévu dans les accords de Bretton Woods, avec une Banque mondiale et et un FMI (Fonds Monétaire International) mais leur intervention ne faisait en général que déposséder les États qui y faisaient appel et, à terme, augmenter encore leur endettement, tout en enrichissant ces entités. Cette domination du dollar fut de moins en moins bien tolérée mais la production industrielle occidentale était vitale pour ces pays.

La montée en puissance des BRICS a progressivement permis de modifier les flux d’approvisionnement et a diminué d’autant la production occidentale. Il s’en suivit une véritable « désindustrialisation » des pays occidentaux qui pensaient que, en gardant le contrôle de la monnaie internationale, il pourraient continuer à dominer le monde en contrôlant les flux d’échange commerciaux. C’est pour cette raison que le dollar est absolument vital pour l’Occident. C’est aussi la raison pour laquelle, conscients de la menace d’une apparition d’une nouvelle monnaie qu’ils ne pourraient plus contrôler, il fut décidé lors de la réunion des banquiers centraux d’août 2019 à Jackson Hole, de « tuer le dollar » par anticipation afin de créer une monnaie de banque centrale dont ils garderaient le contrôle.

C’était probablement l’acte fondateur du « Great Reset ».

L’arme monétaire est arrivée probablement trop tard.

Dans un monde où l’information circule à une vitesse voisine de celle de la lumière, il est illusoire de pouvoir garder longtemps secret ce qui s’apparente à un plan de bataille. Il est est quasi-certain que les BRICS ont vu le danger. Ils n’étaient pas encore prêts pour la mise en service de leur futur monnaie et ils devaient dans l’urgence mettre en place une solution intermédiaire, c’est à dire un système de paiement qui leur permette de court-circuiter le dollar. Ils dépendaient tous du système inter-bancaire SWIFT et c’était leur point faible.

Ils concentrèrent leurs efforts et ce fut payant. A l’évidence, la Russie savait que qu’une des premières mesures de rétorsion serait un train de sanctions économiques et financières qui lui interdirait tout commerce au niveau international et qu’elle ne pourrait plus utiliser le dollar comme monnaie de paiement. Apparemment, les financiers occidentaux n’avaient pas anticipé la réaction des BRICS et les sanctions n’eurent pratiquement aucun effet sur l’économie russe. A l’inverse, elles semblent se révéler très pénalisantes pour les pays de l’Union Européenne qui se trouvent privés d’une énergie à bas coût et abondante. Ce système de transactions se renforce de jour en jour et diminue progressivement la part du dollar dans le commerce international. Fin janvier , l’Iran et la Russie ont conclu un accord de ce type et cela montre la dynamique de ce projet qui se développe rapidement.

Les accords de Samarkand

Il apparaît que le principe d’étendre ce système de paiement à reçu un avis favorable lors de la réunion des pays de l’Organisation de la Coopération de Shangaï qui s’est tenue a Samarkand (Ouzbékistan) en septembre 2022. Comme les BRICS+ (BRICS et les nouveaux postulants tels que l’Iran, l’Argentine, l’Arabie Saoudite, voire Israël) manifestent également beaucoup d’intérêt pour ce nouveau système, cela finit par faire beaucoup de pays. Ces pays représentent maintenant 75 % de la population mondiale alors que l’Occident n’en représente plus que 12 %.

Et cette tendance déjà lourde risque de s’amplifier davantage encore par la venue d’autres pays de l’Amérique du Sud comme le Venezuela (que les États-Unis essayent désespérément de retenir) mais surtout de l’Afrique. L’exemple de l’Afrique du Sud joue certainement pour beaucoup et nombre de pays africains se rapprochent déjà de la Russie.

Vers la fin du dollar ?

Le système dollar pourra-t-il encore trouver les moyens d’exister ? C’est assez peu probable si l’évolution actuelle du monde se confirme.

Architecturé par la finance mondialiste, le dollar a été conçu pour un monde monopolaire. Le monde s’achemine de plus en plus vers une organisation « multipolaire » qui va faire des continents autant de pôles distincts les uns des autres. Le dollar doit, pour exister, jouir d’un monopole car il ne possède plus de valeur intrinsèque. Pourrait-il s’introduire , via le réseau des banques centrales actuellement en place, dans certains continents ? C’est visiblement un objectif étudié par elles, mais certains continents sont déjà hors d’atteinte, notamment l’Asie, et ils représentent une majorité importantes des échanges commerciaux. D’un autre coté, le problème de la dette énorme des Etats-Unis va se poser. Tant que les bons du Trésor Américain se vendaient, cette dette quittait le territoire américain. Or, ces ventes semblent se raréfier, voire chuter considérablement.

De même l’Euro, dont les promoteurs avaient dû caresser l’idée d’en faire une monnaie « de réserve internationale » n’est plus en mesure de jouer ce rôle, n’offrant pas plus de garantie que le dollar.

De tout ceci il résulte que le temps joue contre l’Occident et le dollar, et il est vraisemblable que, dans ce combat que mène l’Occident contre le reste du Monde, ce dernier finisse par l’emporter.

En tant que Français et de surcroît patriote, je ne puis que regretter ce suivisme dogmatique des États-Unis et de la finance Anglo-Saxonne dont font preuve nos dirigeants depuis plusieurs décennies.

Jean Goychman 

Crédit photo : DR
[cc] Breizh-info.com, 2023, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

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10 réponses à “Menaces sur le dollar”

  1. gautier dit :

    Merci de votre rapport M.Jean Goychman, cela fait maintenant deux ans que des ( journalistes complotistes) bien renseignés, parlaient de la Brics et de la misére que va subir l’occident, car nous allons payer ce soutient inconditionnel à l’OTAN contre la Russie, juste une question, pourquoi l’Europe n’a pas fait de restriction à l’amerique quand ils ont envahi, l’Afghanistan, la Syrie, etc.. nous serons toujours des cons de suiveurs…….

  2. Jean-Michel Gindt dit :

    Merci d’informer sur cette question qui devient essentielle. Nous avons la guerre réelle, militaire, et nous avons la guerre économique.
    Les USA pouvaient, à la rigueur, se permettre de laisser la Russie gagner a minima la guerre militaire.
    Aujourd’hui que leur hégémonie économique est contestée par la remise en cause du rôle du dollar, les USA ne peuvent désormais plus se permettre de perdre la guerre: ce n’est que si les USA (= OTAN, bien entendu) gagnent que les pays désireux de commercer dans une autre monnaie que le dollar rentreront dans le rang…
    C’est pourquoi la guerre en Ukraine sera longue, qu’elle ne se terminera pas par des négociations et qu’il faudra que la Russie soit mise à genoux par l’OTAN. Pour l’instant l’escalade va commencer.

  3. Jean Goychman dit :

    Cher Gautier
    Merci pour votre commentaire.
    L’Europe ne peut pas émettre de critique envers l’Amérique car ses dirigeants sont pour la plupart mis en place par une sorte de « casting ». Le parcours est sensiblement le même dans les pays qui comptent:
    Programme des « international visitors » sous l’égide de la Fondation Franco-Américaine (créée par Giscard et Ford) puis sélection des « Young Leaders » devenus aujourd’hui « Young Global Leaders » et ensuite, pour les « meilleurs », invitation au « Bilderberg »ou à la Commission Trilatérale »
    De Gaulle avait parlé, dans une conférence de presse de 1962 sur « l’intégration européenne » d’un « fédérateur qui ne serait pas européen mais qui, lui, aurait une politique… »

    • Dominique Barrault dit :

      Bravo pour publier ceci .Cela explique beaucoup d assujettissements des pays occidentaux . On peut mentionner également les sociétés spécialisées faire gagner les élections a coup de dollars et de manipulations médiatiques Objet actuellement d une enquête ,elle est surnommée « Team Jorge » par les journalistes , est israélienne et aurait fait gagner des dizaines d élections a ses clients.

  4. Maury dit :

    Bien intéressant.
    Je n’étais pas née en 1944 donc je ne peux que rapporter : un vieux copain normand dit avoir vu les américains sortir des pontons du débarquement portant des valises de dollars européens destinés à remplacer les devises locales.

  5. Poulbot dit :

    Pour compléter la lecture de cette article , je conseillerais la lecture du livre « La guerre des monnaies » écrit par le chercheur en économie chinois HongBing song qui vie maintenant aux États-Unis.
    On y apprend certaines vérité pas très reluisante sur certaines banques centrale.
    ISBN 978-2-35512-054-1

  6. Corlou dit :

    Les etats Unis se servent opportunément des européens comme de strapontins à leurs ambitions hegemoniques mondiales , et les allemands dont leurs valets au sein des 27 . Quand à l’empire du milieu il nous met à genoux en terme industriel et économique en nous rendant dependant de ses produits de te tous types . Marteau et enclume, nous serons donc les victimes , collatérale de ce choc de titan que les chinois peuvent remporter à moyen terme . Tiens, tiens ne sont ils pas également qqle peu au soutien des russes ? Et la dette américaine qui est abysalle n’est elle pas en partie détenue par ces mêmes chinois ? Le vent souffle à l’est , et de llus en plus fort .

  7. patphil dit :

    je ricane, les usa ont voulu la guerre en ukraine, la russie répond avec la guerre au dollar, la finance américaine a des soucis à se faire, tant mieux

  8. Hadrien Lemur dit :

    J’ai travaillé presque toute ma vie avec des entreprises américaines. Leur « amitié » se termine là ou commence leurs intérêts. C’est vrai pour d’autres, bien sur, mais eux c’est vraiment radical. Ils n’hésitent pas à virer sans préavis un client de 20 ans pour le shunter et vendre en direct. J’en ai fait les frais.

  9. julie dit :

    Le dollar est encore très très fort, il a égalisé l’Euro

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