Irlande. « La réunification serait plus facile si le Sinn Féin n’existait pas »

La réunification de l’Irlande serait bien plus facile à réaliser si le Sinn Féin n’existait pas, affirme l’auteur d’un livre qui plaide en faveur de la réunification. Le journaliste retraité Paul Gosling est convaincu qu’une Irlande unie améliorerait la vie des gens dans le pays. L’ancien conseiller municipal travailliste, né en Angleterre et baptisé protestant, est désormais athée.

Il a été conseiller municipal travailliste à Leicester de 1987 à 1991, s’opposant souvent au député local controversé Keith Vaz, avant de faire une carrière de haut niveau dans le journalisme dans des journaux britanniques de grande diffusion.

Ayant vécu à Derry/Londonderry pendant plus de deux décennies, il est consterné par ce qu’il a vu de la façon dont cet lieu est géré – et aussi par le comportement de certains de ceux qui poussent à la réunification. Dans une interview audio pour le Belfast Telegraph M. Gosling a déclaré qu’un haut responsable du Sinn Féin lui avait dit qu’il n’essaierait jamais de faire fonctionner correctement l’Irlande du Nord.

L’auteur de A New Ireland : A Ten Year Plan, a déclaré qu’il s’agissait d’un manque de perspicacité, car persuader la République d’Irlande de voter en faveur de l’unité, puis s’assurer que le nouvel État fonctionne après un référendum, signifierait rendre l’Irlande du Nord moins dysfonctionnelle.

En 2022, il a quitté un poste d’assistant de la députée SDLP Sinead McLaughlin après deux ans, horrifié par ce qu’il a observé au sein du système Stormont, c’est à dire du parlement nord irlandais. « Ma vision [de Stormont] n’était pas aussi peu flatteuse avant qu’elle ne l’était après. Tout le monde sait que Stormont a des difficultés, mais c’est un système complètement dysfonctionnel. J’ai été complètement consterné. La difficulté à faire avancer les choses était tout simplement stupéfiante. L’exemple qui m’a le plus frappé est celui de la tentative de faire nettoyer des caniveaux dans une partie de Derry, car ils provoquaient des inondations, et plus de deux ans après, ils sont toujours bloqués. Je n’ai pas pu le faire »

Selon lui, le système (double gouvernance) fait que tout bloque. Pas de rapport, pas de transmission, des fonctionnaires laissés dans la nature.

Outre cette incapacité générale à assurer une bonne gouvernance, il évoque une négligence particulière et même un mépris de l’Assemblée vis à vis de l’Ouest de l’Irlande du Nord –  dont une partie est due à des attitudes jugées sectaires, l’ouest étant majoritairement catholique. Mais aussi parce qu’il y a comme une croyance que si Belfast et l’est de la province se portent bien, alors cela profitera progressivement à l’ouest de la province.

M. Gosling a déclaré qu’il était plus facile de faire avancer les choses en tant que conseiller municipal en Angleterre. À Stormont, il a affirmé que la fonction publique semblait interpréter son rôle comme un soutien au DUP et au Sinn Féin, les deux principaux partis qui se partagent le pouvoir depuis les accords du Vendredi Saint en 1998. Ce dernier pense que si le Sinn Féin entrait au gouvernement à Dublin et ne faisait pas aussi bien que prévu, cela pourrait nuire au parti républicain des deux côtés de la frontière.

M. Gosling a décrit la qualité des députés et des députés provinciaux du Sinn Féin comme « pas très bonne », et même certaines des figures les plus importantes du parti avec lesquelles il a débattu n’étaient « pas très performantes », ce qui n’est pas trop exposé parce que : « Je pense que tous les partis, mais aussi les journalistes, ont un peu laissé le Sinn Féin s’en tirer à bon compte. »

Lorsqu’il lui est demandé si l’unité irlandaise serait plus proche si le Sinn Féin n’existait pas, il a répondu : « Oui, parce qu’ils ne font pas ce que je viens de dire que nous devons faire. Je ne pense pas qu’ils parlent correctement aux personnes d’autres origines. Déjà, rien que le nom, (traduit nous mêmes seuls), est un problème. Certaines des choses qu’ils font, et certaines des organisations qu’ils soutiennent, font réellement avancer les choses. Je pense que ce que fait Ireland’s Future, par exemple, est très positif. Il y a quelques années, j’ai participé à un événement au cours duquel j’ai dit : « Nous devons arriver à une position où le DUP et le Sinn Féin reconnaissent qu’il est dans leur intérêt de faire fonctionner l’Irlande du Nord ». Et la personne qui était à mes côtés – qui était à l’époque une personne très haut placée au sein du Sinn Féin – a dit : ‘Il n’y a aucune chance que je fasse quoi que ce soit pour essayer de faire fonctionner l’Irlande du Nord’. Il y a des parties du Sinn Féin qui pensent que les meilleures chances pour eux de remporter un vote sont de faire de l’Irlande du Nord un État en faillite, un échec. Nous devons persuader le Sinn Féin que ce n’est pas dans leur intérêt »

Il a reconnu que ce n’était pas la position de tous les membres du Sinn Féin, ni de ses dirigeants actuels et que le soutien passé à l’IRA du parti était un obstacle à la persuasion de certaines personnes qui, autrement, pourraient être ouvertes à l’unité irlandaise.

L’auteur a ajouté qu’il ne croyait pas – comme le prétendent de nombreux républicains – que l’unité était inévitable.

Il a déclaré : « Elle n’est pas inévitable. Je pense qu’elle est probable, et je pense que nous devons déterminer ce que nous en retirons (…) Parce ce que je pense que le terrain intermédiaire est maintenant si grand que l’Irlande du Nord ne peut plus jamais être un État unioniste ».

M. Gosling déclare par ailleurs que la République d’Irlande ne peut probablement pas se permettre de s’occuper de l’Irlande du Nord à l’heure actuelle, étant donné l’ampleur des subventions accordées par Londres à la région et donc la dépendance qui en est la conséquence.

Selon l’auteur du livre (paru en 2018 avant les crises), A New Ireland : A Ten Year Plan, l‘économie de la République d’Irlande est en plein essor, tandis que celle de l’Irlande du Nord est l’une des plus faibles d’Europe – elle dépend d’une importante subvention annuelle des contribuables britanniques, dont la tolérance pourrait toucher à sa fin. Mais si la réunification irlandaise doit avoir lieu, l’Irlande du Nord doit devenir une société plus forte et plus intégrée, tandis que la République doit développer un service de santé de type NHS anglais et superviser un marché du logement qui fonctionne correctement. Il faut du temps pour relever ces défis, c’est pourquoi il propose ce plan décennal pour « Une nouvelle Union : Une nouvelle société est nécessaire.

Crédit photo : DR (photo d’illustration)
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