Huit heures à Berlin, Blake et Mortimer contre les communistes

Un nouveau Blake et Mortimer, c’est toujours l’espoir de retrouver le style d’Edgar P. Jacobs. Ce tome 29, se déroulant en pleine guerre froide, constitue l’un des meilleurs épisodes de la série.

Printemps 1963. En Oural. Une équipe d’archéologues dirigée par Olga Mandesltam, que Philip Mortimer a bien connue par le passé, recherche la cité antique d’Arkhaïm. La découverte d’une civilisation slave si ancienne serait un triomphe pour le régime communiste. Mais les ouvriers déterrent les cadavres de six hommes récemment assassinés, aux visages écorchés. Olga Mandesltam décide de faire appel à son vieil ami Philip, lequel va obtenir son visa en tant que scientifique.

Pendant ce temps, à Berlin, un espion infiltré se fait tirer dessus après avoir franchi le Mur. Il réussit à se rapprocher de l’ambassade des USA et prononce un étrange mot : Doppelgänger (sosie)…  Francis Blake mène l’enquête : existe-t-il un lien entre ces deux mystères et l’arrivée prochaine du président Kennedy à Berlin ?

La série Blake et Mortimer, créée par Edgar P. Jacobs, (1904-1987) est l’une des plus connues de l’histoire de la bande dessinée. Dans le nouvel album, Huit heures à Berlin, Blake et Mortimer tentent, en 1963, de déjouer un complot communiste.

Comme souvent dans le monde de la bande dessinée, le succès est dû au charisme des héros. Le capitaine Francis Blake, un ancien pilote de la Royal Air Force, est devenu directeur du MI5, le service britannique de contre-espionnage. Patriote, incarnation du flegme britannique, il est toujours maître de ses réactions. Son ami, le professeur Philip Mortimer, écossais roux, spécialiste en physique nucléaire, est le plus éminent scientifique du Royaume-Uni. Jovial et plein d’humour, fumant la pipe, son impulsivité peut l’amener à ne pas voir le danger. Ces deux héros se retrouvent très souvent confrontés à leur ennemi juré, le colonel Olrik, homme d’action fourbe et raffiné. En raison de ses compétences, il est souvent employé par des puissances étrangères. L’intérêt de cette série provient du mélange de réalisme et de science-fiction ou d’ésotérisme, notamment dans Le Mystère de la Grande Pyramide, La Marque jaune, L’Énigme de l’Atlantide et Le Piège diabolique. Dans cette série, Edgar P. Jacobs prône la civilisation, c’est-à-dire, à ses yeux, le conservatisme britannique. Si cette série semble parfois teintée de pessimisme, c’est en raison de la crainte de la disparition de cette civilisation.

Cette prestigieuse série ne s’est pas arrêtée avec la mort d’Edgar P. Jacobs. Mais malgré la volonté de reproduire le style de Jacobs, tant d’un point de vue graphique que scénaristique, les nouveaux albums sont souvent décevants. Seuls sont dignes d’Edgar P. Jacobs La Machination Voronov et L’Affaire Francis Blake.

 

Ce nouveau tome fait-il parti des réussites ou des déceptions ? Pour la troisième fois, après S.O.S. météores en 1959 et La Machination Voronov en 2000, Blake et Mortimer sont confrontés à la Guerre froide.

Les scénaristes José-Louis Bocquet et Jean-Luc Fromental imaginent que l’inévitable colonel Olrik, au service de l’Union soviétique, cherche à remplacer John Fitzgerald Kennedy par un double qui, manipulé par ses soins, lui permettra de devenir le maître du monde. L’action, se déroule principalement à Berlin, plaque tournante de l’espionnage entre l’Est et l’Ouest.

Bocquet et Fromental, grands lecteurs des romans d’espionnage de John Le Carré et Ian Fleming, ont déjà réalisé ensemble le scenario des Aventures d’Hergé, biographie en bande dessinée du créateur de Tintin. A la fin de Huit heures à Berlin, ils imaginent un autre récit que celui survenu le 26 juin 1963. Ce jour, le président américain passe huit heures à Berlin-Ouest et prononce un discours resté dans les mémoires pour la phrase «Ich bin ein Berliner» (Je suis un Berlinois). Bocquet et Fromental s’inspirent des grands classiques de la littérature fantastique et de la littérature d’espionnage. Ils réalisent, en cette période trouble, un récit d’aventures et d’espionnage avec de multiples rebondissements et clins d’œil. Alfred Hitchcock y fait même une apparition lors d’un enterrement !

Après le second tome de La Malédiction des trente deniers et L’Onde Septimus, le dessinateur Antoine Aubin crée pour la troisième fois un Blake et Mortimer. Adepte de la fameuse ligne claire de Jacobs, il a été assisté à la fin de l’album par son fils Colin, étudiant aux Arts déco. Les décors, vêtements, automobiles, coiffures… créent une ambiance rétro contribuant au plaisir de la lecture. La colorisation de Laurence Croix est une réussite.

Kristol Séhec

Blake et Mortimer, tome 29, Huit heures à Berlin. 64 pages, 16,50 euros. Editions Blake et Mortimer.

Illustrations : DR
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