Jacline Mouraud ne milite pas gratuitement

Tout démarre avec les Gilets jaunes : grande figure du mouvement, Jacline Mouraud ambitionnait de donner une voix politique aux « personnes de la France des oubliés ». Mais le désaccord était total avec ses « copains » manifestants. D’abord politique, si Mme Mouraud se prétend « gaulliste sociale », elle est en réalité une femme de droite, libérale en économie – tout le contraire de la masse des Gilets jaunes. Ensuite la question de l’organisation la séparait de ses voisins de cortège : « Ils auraient dû saisir l’occasion, le potentiel était énorme, ça aurait pu aboutir à un véritable parti politique qui aurait pesé parce que ça représentait véritablement la France populaire, cette France qui est majoritaire dans l’électorat. Mais ils ont refusé et refusent toujours de se structurer.» (Le Figaro, lundi 21 février 2022). On peut supposer que ses « copains » n’avaient nulle envie de la voir devenir porte-parole du mouvement… A l’entendre, « ils l’ont détruit puisqu’ils ont empêché toute solution, tout porte-parolat. Chaque personne qui a un peu dépassé la tête, ils l’ont coupée, et aujourd’hui, je pense que certains s’attachent à leurs drames personnels et ne veulent pas les régler. C’est juste pour être dans la contestation. » (Le Figaro, lundi 21 février 2022)

Elle persiste en créant un micro-parti dénommé Les Émergents ; sans succès. Comme l’espoir fait vivre, elle se déclare candidate à l’élection présidentielle : elle souhaite que la démocratie représentative « travaille vraiment pour les Français ». « Le peuple est saigné, la France est écorchée vive », fait-elle valoir. Tout en se disant « lucide » : « Réunir les 500 parrainages serait un miracle, tout est fait pour que nous les «petits candidats », nous n’y arrivions pas. » (Le Figaro, mardi 2 novembre 2021). « La misère, c’est aussi celle de personnes qui travaillent et qui, avec deux salaires, ne s’en sortent pas. Avec ce mouvement, les classes populaires et moyennes ont retrouvé un visage, une parole. C’est pourquoi j’ai décidé de me présenter à l’élection présidentielle. Mon programme, c’est celui des Gilets jaunes » (Marianne, 19 novembre 2022).

Rapidement, elle comprend qu’il ne faut pas insister dans cette voie périlleuse ; elle s’engage donc aux côtés d’Eric Zemmour en tant que « représentante de la France populaire » (Le Figaro, lundi 21 février 2020). Son jour de gloire fut le meeting de Villepinte (5 décembre 2021), où devant 12 000 supporters enthousiastes, « elle annonce retirer sa candidature à la présidentielle et apporte son soutien à Eric Zemmour. Pour défendre « une certaine idée de la France telle que défendue par le général de Gaulle », souligne-t-elle » (Le Télégramme, lundi 6 décembre 2022). On croyait donc avoir affaire à une militante dévouée et désintéressée, prompte à défendre la France, la droite conservatrice,  Zemmour… Erreur.

13 000 euros pour solde de tout compte

« Pour sa première candidature, Eric Zemmour a dépensé 11 millions d’euros et en récupèrera 7,8 millions. Il écope de réformations conséquentes  (345 000 euros) et de la plus forte pénalité jamais infligée par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), hors rejet de compte : 200 000 euros, conséquence d’une série d’irrégularités. » (Libération, vendredi 27 janvier 2023). En effet dans sa décision concernant les comptes de campagne d’Eric Zemmour, la Commission nationale note une série de « dépenses insuffisamment justifiées » dont une étrange « somme de 13 000 euros correspondant au montant de la rémunération totale accordée pendant la durée de la campagne pour des conseils en communication non démontrés, à un prestataire par ailleurs personnalité politique. » Ce contrat de 13 000 euros a bénéficié à … Jacline Mouraud (Le Parisien, samedi 28 janvier 2023).

Le contrat aurait été signé après le meeting de Villepinte (5 décembre 2021) et couvrait le reste de la campagne. « Dans le camp Zemmour, on ne se presse pas de défendre l’effectivité du travail de Jacline Mouraud qui a claqué la porte de Reconquête (…) en septembre 2022, invoquant « des désaccords significatifs sur des thèmes, des propos et des attitudes de communication politique, de nombreuses polémiques, des erreurs fatales ». L’équipe d’Eric Zemmour dit ne pas être en mesure de produire un quelconque document attestant d’un travail de conseil en communication » (Le Parisien, samedi 28 janvier 2023). Considérons que ces 13 000 euros ont servi à rembourser Mme Mouraud des frais engendrés par sa participation au meeting de Villepinte  (coiffeuse, esthéticienne, TGV, hôtel, restaurant…). En ce qui concerne la « communication politique », l’accordéoniste de Bohal (près de Ploërmel) ne pouvait apporter qu’une image de « France populaire », tandis que l’équipe Zemmour avait tout ce qu’il fallait en magasin (professionnels de la politique, communicants, journalistes, sondeurs…). On n’avait pas besoin de ses services.

Jacline Mouraud avait bien tenté d’entrer dans le conseil municipal de Bohal. Devenir maire ne lui aurait pas déplu puisque le maire sortant ne se représentait pas. Mais là aussi échec. Malheureusement pour Mme Mouraud, les membres de la liste se sont réunis et ont dit niet à l’unanimité. « Nous craignions de perdre toute crédibilité auprès des Bohalais. Notre liste est apolitique. Certains ont même menacé de partir si Jacline Mouraud nous rejoignait », explique David Busson, l’un des adjoints (Aujourd’hui en France, mardi 18 février 2020).

Conclusion : la politique locale et la politique nationale ne réussissent pas à Jacline Mouraud.

Bernard Morvan