Dans cette chronique hebdomadaire, je vous proposerai des recettes originales et historiques, réconciliant ainsi deux aspects de ma personne, celle d’historien et celle patron de bistrot. Elles seront faciles à réaliser mais surtout liées à l’histoire d’un territoire ou de grands hommes. La gastronomie traditionnelle raconte une terre, des traditions, elle s’inscrit donc dans l’idée d’un combat identitaire, soulignant les diversités qui nous sont chères d’une région à une autre, écologique, travaillant des produits locaux et de saison, et éthique, réduisant au maximum le gaspillage et s’opposant au modèle uniformisé du fast food.
Avec en moyenne 175 café espresso servis par jour dans les 150000 bars de la péninsule sans compter les multiples variantes comme le cappuccino, le latte macchiato, le caffè latte, le marocchino, l’espressino, les lungo, les ristretto, les froids, les chauds, les tièdes, les bouillants, le schiumato, le macchiato freddo, le macchiato caldo, avec la crème, avec du cacao, avec de la cannelle, le café en Italie rythme les journées et les saisons. Si les Italiens ne sont pas les plus gros consommateurs mondiaux, ni les inventeurs du café, ils sont en revanche les rois de l’espresso, l’extraction sous pression. Avec 5 kg par an et par habitant en moyenne, les italiens sont au 10ème rang mondial, loin derrière les Pays Bas, 1er avec 10,6 kg, la Finlande (9), la Suède (7,8), pays où le café filtre est roi. Les Français en consomment environ 3.7 kg par an et les Chinois seulement 0,08kg, en espérant que ces derniers ne se prennent pas de passion pour le café ce qui en provoquerait probablement la pénurie.
La plante de café est originaire de la corne de l’Afrique, l’une des légendes sur la découverte des effets excitants du café parle d’ailleurs d’un berger Ethiopien qui aurait noté que ces bêtes avaient plus d’énergie après avoir mangé les baies rouges qui poussaient sur certains arbustes. Dans un premier temps, le café se diffusa en Orient et était considéré comme une boisson magique, consommée par des sorciers lors de cérémonies religieuses. Sa consommation était donc cachée ce qui explique que sa diffusion en Occident ne date pas de l’Antiquité mais bien du Moyen-Age. De l’Orient le café passera par la Turquie, les Balkans, l’Autriche et se diffusera dans toutes les cours européennes. Pour ce qui est de l’Italie, c’est par Venise que le café arrivera. Les marchands de la Sérénissime République en commenceront l’importation vers 1600. La légende narre que le médecin et botaniste Vénitien Prospero Alfino rapporta le café d’Egypte, le décrivant comme similaire à la chicorée que nos grands parents buvaient pendant la guerre. Alfino catalogua le café comme médicament en débuta la vente dans sa pharmacie. Son succès fut tel que bientôt des bars servant le café s’ouvrirent à Venise, on en comptait plus de 200 en 1763 ! Le café prit alors son sens actuel, symbole de rencontres, d’échange d’idées pour refaire le monde ou préparer des Révolutions. Pourtant sa diffusion ne sera ni immédiate, ni facile dans le reste de la Péninsule. En effet, le café sera bientôt classé comme boisson démoniaque. On demanda au Pape Clément VIII de se prononcer sur le fait que le café soit ou non acceptable. Par chance pour nous, le Pape aima tellement cette boisson qu’il en fit une boisson chrétienne. Sauvée des griffes du démon, le café entra dans la culture populaire et commença à rythmer les journée des Italiens.
C’est à Naples en revanche que nait le café à l’italienne, c’est-à-dire l’espresso. Jusque là, c’est la méthode turque qui était employée, c’est-à-dire l’infusion du café dans l’eau bouillante. Pour l’espresso, l’eau doit passer au travers du café en étant forcée à la faire par la pression. Ainsi furent mis au points les différents percolateurs utilisés dans les bars. Les machines traditionnelles napolitaines disposent d’une réserve d’eau bouillante, une pompe à bras vient ensuite injecter l’eau dans le café, la pression poussant l’eau au travers du café. Les machines modernes disposent de pompes électriques. Pour avoir un bon café, il faut disposer bien sur d’une bonne matière première. En général en Italie, un mélange d’Arabica pour la consistance (la crème qui se forme) et de Robusta pour le gout. La qualité du café dépend ensuite de la machine qui doit être bien entretenue (les résidus de café apportent un gout de brulé), de la mouture plus ou moins fine en fonction du temps et de la pression pour tasser le café. Un bon café doit couler lentement et faire « la coda du cavalo », c’est-à-dire couler en ayant la forme d’une queue de cheval. Pour le café à la maison, les Italiens inventèrent donc des machines à espresso domestiques bien avant les horribles capsules du géant suisse. What else ? La Moka !!
Les premières machines à espresso pour usage domestiques apparaissent à la fin du 19ème siècle. Le Turinois Angelo Moriondo dépose un brevet en 1884 mais qu’il ne réussira pas à commercialiser. Les premières cafetières domestiques ne réalisaient pas un vérittable espresso, dans le sens où l’eau passait bien au travers du café mais en utilisant la gravité et non pas la pression. Il faut attendre 1933 pour que Alfonso Bialetti mette au point ce qui allait devenir un symbole de l’Italie au même titre que la Vespa, les gondoles ou la tour de Pise, la Moka. Les premiers modèles étaient fait d’Aluminium. Dans ce cas, l’eau est placée sous le café puis chauffée. La pression pousse alors l’eau au travers du café avant d’être recueillie dans le réservoir supérieur. Aujourd’hui ce sont plus de 300 millions de Moka qui furent produites. Notez au passage que le design de cette dernière très futuriste. Quant au petit personnage à moustache lui aussi presque aussi célèbre que le Cheval cabré de Maranello, c’est une représentation du fils d’Alfonso, Renato Bialetti dessiné par Paul Campani.
Et vous direz, et le Cappuccino, on n’en parle pas ? Si ce dernier est la star incontestée des petits déjeuners italiens, il n’est pourtant pas à proprement parlé Italien mais bien viennois. Pourtant une des théories sur sa naissance fait remonter tout de même à un Italien. En 1683, le légat du Pape à Vienne, Marc d’Aviano, frère de l’ordre des Capucins se vit servir une tasse de café. Trouvant la boisson horriblement amère il aurait alors demandé qu’on y ajoute du lait pour l’adoucir quelque peu. La couleur changea alors rappelant celle de la robe de bure de notre moine capucin, le serveur se serait alors exclamé « Kapuziner ».
Comment faire un bon café avec la moka ?
Remplir le réservoir d’eau jusqu’à la valve. Attention l’eau est très importante pour le gout. Si l’eau de ville est trop traitée, utilisez de l’eau en bouteille. A ce propos j’ai la chance d’être ami avec un steward de la feu Alitalia qui apportait avec lui une bouteille d’eau pour faire son café avec sa moka électrique même dans les hôtels les plus renommés des quatre coins du monde.
Insérez le filtre et le remplir sans le tasser en faisant un petit dôme. Puis vissez les deux parties.
Mettre la cafetière à feu doux car l’ébullition lente produira un meilleur café. Quand le café commence à sortir, levez le couvercle avant d’éviter que le café ne bout dans le réservoir supérieur. Otez la cafetière du feu avant que tout le café ne soit sorti. Si le café chauffe trop, il deviendra plus amer. Mélangez le café dans le réservoir afin que le gout soit uniforme et servez. Après usage rincez votre cafetière mais ne la lavez pas avec du savon.
Pierre d’Her
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4 réponses à “Gastronomie italienne. Et le café avec la moka alors ?”
..et à Venise , un càffè liscio !
« .. bien avant les horribles capsules du géant suisse. .. Nestlé !
Késako ?
Nestlé a inondé le marché avec sa machine KOENIG et ses merveilleuses capsules (recyclables) , qui ont permis au monde entier de déguster de l’Arabica ou du Robusta provenant de tous les pays producteurs du monde.
La machine et le système ont été détournés par un Savoyard, ancien employé de Nespresso, justement, qui a fait breveter des capsules en papier, semblables à celles de Nestlé; le papier doit sûrement laisser un goût au café … beurk! Tout de même la machine Koenig est nécessaire….
Cette copie frauduleuse est la preuve que le système Koenig-Nestlé est le meilleur.
Mouais…
Loin encore de tenir la distance avec les machines avec café fraîchement moulu…
Le meilleur de tous, le « caffè coretto » con la grappa del nonno! Hummm! Delizioso!