Et bien oui, trois jours à Rome, la ville à la plus forte concentration de sites historiques au monde où chaque petit recoin recèle une parcelle de glorieux passé, c’est forcément intense !
Un des monuments le plus suggestif et le plus représentatif de l’évolution de la cité éternelle en est le Mausolée d’Hadrien, ou château Saint ‘Ange, que j’affectionne particulièrement car il est un témoignage unique du patrimoine archéologique de l’Urbe. Chacune de ses modifications reflète une période historique, de l’antiquité aux temps modernes. Le mausolée est resté ce qu’il était : un sépulcre impérial, pendant que le reste de l’édifice passa de résidence, à tribunal, prison, lieu d’exécution et forteresse, pour être aujourd’hui un symbole architectural de l’histoire romaine des deux derniers millénaires.
Comme Auguste l’avait fait avant lui en construisant son grand mausolée au Champs de Mars, l’empereur Hadrien fit ériger son tombeau monumental sur la rive droite du Tibre, alors qu’il était encore en vie. Il décèdera en 138 de notre ère, peu avant la fin des travaux et ses cendres trônent encore aujourd’hui au centre de l’édifice. Après lui y furent déposés, outre d’autres membres des familles impériales des Antonins et des Auréliens, presque tous les empereurs jusqu’à Caracalla.
À partir du Ve siècle et jusqu’à la fin de Renaissance, il devait être peu à peu transformé en forteresse pour protéger le flanc occidental de la ville et faire office de bastion avancé du Vatican. Mission accomplie puisque la forteresse sauvera ce dernier du sac de Rome en 410 par les Wisigoths, et des Vandales 45 ans plus tard. En 846, après que les Sarrasins pillèrent la basilique Saint-Pierre et dévastèrent les environs, le pape Léon IV le fera entourer d’une muraille.
Plusieurs familles nobles qui se disputent sa possession en feront leur palais, mais avec le temps il devient un refuge pour les papes et une prison, où plusieurs illustres personnages seront enfermés. Tels Benvenuto Cellini, le célèbre artiste de la Renaissance qui, évadé d’une cellule confortable du premier étage, fut repris et enfermé dans les souterrains, où il dessina un « Christ ressuscité » encore visible aujourd’hui, ou Catherine Sforza, la tigresse de Romagne, le futur pape Alexandre Farnese, ou encore Béatrice Cenci et Giordano Bruno. Avec toujours une place de choix pour les prisonniers politiques des Borgia. Quand on connait la justice expéditive de l’époque et la cruauté de cette dynastie de débauchés, ça en fait du beau monde ! Jusqu’à la période de l’unification italienne, la forteresse confirme son utilisation pénitentiaire puis devient une caserne et un musée.
Pour faciliter l’accès au sépulcre depuis le Champs de Mars et la via Cornelia, Hadrien avait fait bâtir le pont Aelius (le nom complet d’Hadrien étant Publius Aelius Hadrianus). Richement orné de Victoires et de trophées, il offre un accès majestueux au mausolée, et enchantera votre visite : comment ne pas vouloir admirer le Tibre, le fleuve de la civilisation ? Notons d’ailleurs, que l’ancien nom du Tibre était Rumon, un nom étrusque qui serait à l’origine du nom de Roma, comme le soutenait Servius, un grammairien païen de la fin du IVᵉ siècle, réputé parmi ses contemporains comme l’homme le plus instruit de sa génération. Selon cette tradition, Romulus aurait pris le nom de la ville et non le contraire.
Au Moyen Âge, le pont Aelius change de nom et devient le Pont Saint ‘ Ange : en 590, alors que Rome était frappée par une peste dévastatrice, le pape Grégoire le Grand traversant le pont aurait eu la vision de l’archange Michel qui, sur le sommet du mausolée, reposait son épée dans son fourreau, signifiant par là la fin du fléau qui affligeait la ville. Depuis lors, l’appellation « Sant ‘ Angelo » s’est étendue au pont et au château, sur le sommet duquel fut élevé un bronze de l’archange en souvenir de l’événement.
Pendant de nombreuses années, Ponte Sant’Angelo fut le lieu d’exécution et d’exposition des corps des condamnés à mort. La première exposition remonte à l’année 1500 où 18 pendus furent suspendus sur le pont. Dans les années qui suivirent, les pendaisons furent si nombreuses que le peuple avait l’habitude de dire qu' »il y a plus de têtes coupées sur le pont que de melons au marché ! ».
À chaque étape de cette vie tumultueuse, aussi bien le pont que le château devaient subir mille métamorphoses architecturales, ce qui leur donne un aspect si particulier aujourd’hui.
Audrey D’Aguanno
Crédit photo : DR
[cc] Breizh-info.com, 2022, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine