Il y a cinq ans aujourd’hui, le 15 janvier 2018, une des plus belles voix au monde nous quittait, celle de Dolores O’Riordan.
La chanteuse des Cranberries s’éteignait à l’âge de 46 ans, noyée dans la baignoire d’une chambre d’hôtel londonien après une consommation excessive d’alcool. Un accident tragique selon le médecin légiste qui en établit la mort, et pour lequel Dolores O’Riordan n’aurait pas eu l’intention de se suicider.
Mort voulue ou regrettable accident, une chose est certaine : l’existence de la chanteuse irlandaise fut marquée par la tragédie. Et les douleurs physiques qu’elle accusait semblent avoir été peu de chose au regard de ses peines morales.
Plus jeune d’une fratrie de neuf enfants dont deux morts en bas-âge, Dolores provient d’une famille pauvre, marquée par l’attaque cérébrale du père qui le rendit incapable de travailler, l’incendie qui détruit complétement leur maison, et les agressions sexuelles répétées d’un proche de la famille alors qu’elle était encore enfant. Elle portera en elle cette blessure incurable toute sa vie durant, rendant l’anorexie, la dépression et la dépendance à l’alcool des compagnons de vie. (Elle dénoncera la pédophilie dans la chanson Fee Fi Fo.)
Son départ prématuré a laissé un vide incommensurable. Mais une hérédité aussi, à laquelle nous voulons rendre hommage.
Le chagrin comme source de talent ?
50 millions de disques vendus avec les Cranberries, une pluie de récompenses et de nominations en tant qu’auteur-compositrice-interprète, « meilleure artiste féminine de tous les temps » selon le Billboard américain… Le succès accompagna la rockeuse dès le début de sa carrière. Or, les performances vocales hors du commun – un savant mélange de mezzo-soprano, de Yodel et d’accent irlandais – n’expliquent pas tout. La charge d’émotions derrière ses chants était pour beaucoup dans l’expression si particulière de son art. Noel Hogan, guitariste du quatuor de Limerick le rappelle avec justesse : « Dolores était toute entière dans ses chansons, avec toutes ses douleurs. Comme beaucoup de grands artistes, sa vie turbulente, sa fragilité ont été la source de son originalité. »
Car si les voix enchanteresses sont légion, seules celles qui ont quelque chose à dire font la différence. Et force est de constater que les plus expressives et les plus profondes sont rarement les plus heureuses… Quelque soit le talent exprimé d’ailleurs.
Oui, certains ont cette étincelle, cette inexplicable et insaisissable étincelle, certains savent créer quelque chose à partir de rien, un quelque chose d’unique et d’inoubliable. Souvent affectés par une vie ingrate, ils savent transformer la sensibilité à fleur de peau qu’ils portent en eux et le besoin de l’exprimer, en force créatrice.
Quelque chose à dire
Avec ses cheveux courts, ses doc Marten’s – symboles d’une génération plus intéressée aux messages qu’à l’image -, Dolores, femme intelligente avec un message à délivrer, avait une forte personnalité.
À contre courant, cette fervente catholique n’a jamais caché ses convictions religieuses, chose assez rare dans le milieu show business où défendre des positions contre l’avortement, en faveur de la famille traditionnelle, ou de la peine de mort, ou encore appeler à la fidélité conjugale n’est pas vraiment la clef du succès. Mais qu’importe, Dolores Mary Eileen O’Riordan, elle, en fit une source d’inspiration pour sa musique, chantait Ave Maria avec Pavarotti et se tatouait une croix celtique.
Patriote, fière de ses racines celtes et de son accent si particulier du comté de Limerick, fine connaisseuse de musique traditionnelle (l’irish whistle, le bodrhàn, l’accordéon n’avaient pas de secret pour elle), elle était très attachée à sa terre pluvieuse et verdoyante d’Irlande, sujet de prédilection dans ses compositions.
Ce n’est pas un hasard si les chansons les plus inoubliables, celles qui ont marqué leur temps et au-delà, sont aussi les plus engagées. Zombie, God be with you Ireland, Ode to my family : chanter la guerre, sa terre, dieu, ses racines ou la famille, vociférer des mots qui viennent du cœur, extérioriser rage ou espoir, crier ses convictions, ne pas se contenter d’être un spectateur muet de la marche du monde mais user de son talent pour y laisser une empreinte ou tenter de l’améliorer, oui, tout cela est certainement plus significatif que réciter les paroles d’un tube à la con, aussi entraînant soit-il.
Alors, merci Dolores de nous l’avoir rappelé, et de la plus belle des façons !
Merci Dolores, et que ta voix, éternelle, enchante encore les générations après nous !
Audrey D’Aguanno
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14 réponses à “Talentueuse et à contre-courant, il y a cinq ans, la chanteuse des Cranberries Dolores O’Riordan nous quittait”
Merci Audrey pour ce sublime hommage qui fait couler des larmes sur mon clavier.
Une voix totalement irréelle tellement elle est belle…
Grazie per questo bellissimo omaggio di Dolores, la voce più rappresentativa della mia generazione. Hai descritto con profondità la sua vita e la sua personalità, hai toccato il mio cuore di adolescente di allora.
Que son âme repose en paix 🕯️
Merci pour votre talent
Quel hommage…à la hauteur de l’artiste qui vous a inspiré.
5 ans qu’elle a quitté ce monde mais ne quittera jamais mon monde…le génie n’a pas de durée de vie et elle accompagnera certainement encore des générations…Merci Audrey pour ces mots…pour vos mots…tout est dit merveilleusement bien….
Excellent article.
R.I.P Dolorès
Sublime
Elle est morte en même temps que l’Irlande.
Merci Dolores, et merci Audrey.
Bel hommage qui fait honneur à B.I. ! Merci !
Je pleure encore en écoutant ses chansons. Dolores était le diamant du patrimoine musical irlandais. Une voix comme nulle autre, un magnifique visage, un coeur d’or… Elle a trop souffert sur cette terre. J’espère qu’elle repose dans les bras d’un ange.
Cet article est tellement bien écrit.. C’est un très bel hommage..
Dolores avait une voix si incroyable.. Je pourrais encore écouter ses chansons durant des décennies, j’aurais toujours autant de frissons je crois..
Un grand merci Audrey pour cet article sur Dolores.
Une voix et une artiste que j’ai pu approcher lors d un concert mémorable à Toulon.
R.I.P Dolores
Une artiste intemporelle dont les chansons restent gravées. Les jeunes générations la découvrent et l’apprécient. Je l’avais vue en concert avec Cranberries à Nantes, cette soirée fut mémorable, je me rappelle des ailes dessinées au dos de son blouson. Et c’était bien un petit oiseau frèle mais énergique qui virevoltait sur scène et parmi le public avec cette voix puisssante. Je n’oublierai jamais ce moment de grâce et de partage qu’elle nous avait offert ce soir-là. Je me souviens aussi de ses efforts pour parler français, ou du moins dans un anglais que nous pouvions comprendre, le désir d’être comprise était primordiale pour elle. Merci pour ce bel article qui lui rend hommage tout en ne faisant pas l’impasse sur les aspects plus dérangeants de ses convictions. J’ignorais qu’elle avait été abusée enfant,