La social-démocratie est confrontée, au sein de différents pays d’Europe, à la question migratoire. Alors que les partis représentant ces idées ont été longtemps favorables à l’ouverture des frontières – une conception ultralibérale qui a entraîné des délocalisations massives d’industries vers les pays à bas salaires et à protection sociale réduite, ainsi que l’afflux de migrants précarisés et donc prêts à accepter des conditions de travail moindres –, le vent tourne chez certains d’entre eux.
Le modèle danois
Le pays qui représente, avant tout, ce changement est le Danemark, au sein duquel, après avoir perdu de nombreux électeurs au profit des nationalistes, les sociaux-démocrates ont pris un tournant à 180 degrés et prônent désormais une politique restrictive en matière migratoire afin de coller aux idées de leur base électorale, qui ne veut plus être mise en concurrence avec des travailleurs importés, ni devoir subir les conséquences de ces flux migratoires dans le domaine de la sécurité et des coûts pour la collectivité, ni la présence des migrants dans les lieux d’habitation ou dans les écoles.
Le tournant en Autriche
Les sociaux-démocrates autrichiens du SPÖ semblent désormais leur emboîter le pas. En effet, réunis, en ce début d’année 2023, en conclave à Klagenfurt, la capitale de la Carinthie, les dirigeants du parti ont présenté un « programme d’action » portant sur l’inflation, le tournant énergétique, la formation, les soins de santé, mais aussi sur la migration et l’asile, un thème qui engendre des débats au sein de cette formation politique. Lors de la conférence de presse organisée à cette occasion, la présidente du SPÖ, Pamela Rendi-Wagner, a déclaré : « Nous devons réduire la migration irrégulière, nous devons l’éviter. » en ajoutant que le SPÖ désire une politique en matière d’asile et de migration basée sur des faits plutôt que relevant du domaine du spectacle. En conséquence, selon elle, l’Autriche a besoin d’alliances en Europe, dans un premier temps avec l’Allemagne et la Suisse – puis ensuite avec les Pays-Bas, l’Espagne, le Danemark, … –, pour mettre en place un système commun d’asile, et du fait que les demandes d’asile soient réalisées en dehors des pays de l’Union Européenne, en conformité avec la Convention de Genève sur les réfugiés et en coopération avec le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, par exemple dans des centres d’accueil situés au Maroc, en Tunisie et en Turquie. Le parti propose aussi la conclusion d’accords, pour des rapatriements rapides, avec les pays d’origine des migrants.
L’expert en migration Gerald Knaus a été invité au conclave et un débat « intensif, mais basé sur les faits » a eu lieu entre les dirigeants du parti qui ont conclu que le système d’asile européen ne fonctionne pas et que l’Autriche est particulièrement concernée par l’augmentation de l’immigration illégale : « Nous devons reprendre le contrôle. […] Cela ne signifie pas attendre une solution globale, mais plutôt conclure des « alliances stratégiques » avec des pays ayant des intérêts similaires. » et via une « diplomatie migratoire européenne raisonnable » avec les pays d’origine et de transit.
Sondages
Dans les sondages, le parti nationaliste FPÖ, autrefois dirigé par Jörg Haider, puis Heinz-Christian Strache, est donné premier parti du pays, un peu en-dessous de 30 %. Il est talonné par les sociaux-démocrates du SPÖ. Les deux partis de gouvernement, les sociaux-chrétiens/conservateurs de l’ÖVP et les écologistes, sont, quant à eux, sur une pente descendante et doivent assumer les conséquences de l’inflation ainsi que la forte vague migratoire actuelle, qui, en nombre, rappelle celle survenue en 2015 lors de l’ouverture des frontières réalisée par la chancelière démocrate-chrétienne (CDU) allemande de l’époque Angela Merkel.
Vers une coalition FPÖ-SPÖ ?
Les élections législatives devant avoir lieu, au plus tard, à l’automne 2024, pourraient peut-être voir l’émergence d’un gouvernement réunissant les nationalistes du FPÖ et les sociaux-démocrates du SPÖ.
Une telle coalition a existé au Burgenland – entre 2015 et 2020 –, ainsi qu’au sein de diverses municipalités d’Autriche. Une « convention de travail » avait vu le jour entre ces deux partis au sein du Parlement de Carinthie après les élections de 2004, alors que Jörg Haider était le gouverneur de cet État autrichien. Après les élections législatives de 1970, le SPÖ avait formé un gouvernement minoritaire soutenu de l’extérieur par le FPÖ. À partir de 1983, l’Autriche avait été dirigée par une coalition SPÖ-FPÖ, alors que le FPÖ était dominé par son aile libérale. L’accession de Jörg Haider, lors du congrès d’Innsbruck, en 1986, en s’appuyant sur l’aile nationaliste du parti, à la présidence du FPÖ, avait conduit à la rupture de celle-ci – et à des élections qui avaient mené à l’avènement d’un gouvernement sans le FPÖ au début de l’année 1987. En 1999, le SPÖ avait proposé au FPÖ de soutenir de l’extérieur un futur gouvernement minoritaire SPÖ. Jörg Haider avait préféré, au début de l’année 2000, plutôt que de s’aventurer dans une telle configuration – le SPÖ refusant de signer un accord écrit avec le FPÖ –, former une coalition avec les conservateurs de l’ÖVP. Il avait cependant été contraint, la pression internationale à son encontre étant énorme, de laisser le poste de chancelier qui lui revenait – car son parti était deuxième et l’ÖVP troisième – à l’ÖVP et de se retirer en Carinthie, dont il était gouverneur.
Désormais, si le FPÖ formait un gouvernement avec l’ÖVP ou le SPÖ, il exigerait, s’il arrivait premier à l’issue des élections législatives, le poste de chancelier d’Autriche.
Lionel Baland
Sources :
BALAND Lionel, Jörg Haider, le phénix. Histoire de la famille politique libérale et nationale en Autriche, Éditions des Cimes, Paris, 2012.
Voir aussi :
BALAND Lionel, « Quand la gauche pensait la nation. Chronique du livre de Jean-Numa Ducange », in Breizh-info du 25 février 2022.
Reportage télévisé :
Crédit photo : DR
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2 réponses à “Autriche. Les sociaux-démocrates désirent une politique migratoire restrictive.”
Cela commence à bouger, n’est il pas trop tard ! comme l’Angleterre ! et bientot la France ….
PAS LU MAIS EUROPE tu te réveilles et comprend c’est la logique m^me qu’un seul continent ne peut pas accueillir le MONDE ENTIER qui de plus ne nous appartiens PAS !!!
de plus LA LANGUE ET LES RIVIERES NATURELLES EXISTENT SI ON N »est pas farfecus
AMITIES