Bretagne. Les résidences secondaires font le bonheur des familles aisées

La multiplication des résidences secondaires sur les côtes bretonnes présente des avantages pour les commerçants, pour les artisans du bâtiment, pour les professionnels de l’immobilier… et pour les paysans lorsqu’ils obtiennent que des terres agricoles deviennent constructibles par la grâce d’une modification du plan local d’urbanisme. Mais surtout des inconvénients pour les « autochtones » des communes du littoral appartenant aux classes populaires ; ils ne parviennent plus à se loger sur place, les prix ayant explosé. Les chiffres se passent de tout commentaire. En 2021, l’Insee recensait 257 800 résidences secondaires, soit 13 % du parc de logements breton (1 938 500 logements), en Bretagne (4), mais aussi 144 8000 logements vacants (Ouest-France, Bretagne, 25-26 septembre 2021). A Arzon, près de 80 % des logements sont des résidences secondaires, 75 % à La Bernerie-en-Retz, 63 % à Saint-Jacut-de-la-Mer, etc. C’est une question que Nil Caouissin (UDB), conseiller régional, suit de près. Après son Manifeste pour un statut de résident en Bretagne, l’élu imagine une taxation régionale « modulée et progressive » sur les résidences secondaires. Selon Caouissin, cette taxe « n’est pas contradictoire avec le statut. Elles peuvent fonctionner ensemble comme indépendamment (…) Il faut essayer de prendre en compte deux problèmes : les inégalités entre les propriétaires d’une part, il n’y a pas que des millionnaires qui ont des résidences secondaires. » Il pense que « pour qu’une taxe soit acceptable, il faut qu’elle soit proportionnée aux moyens des propriétaires. L’autre aspect, c’est la diversité territoriale. Beaucoup de résidences secondaires sont situées sur le littoral, dans les zones tendues et attractives. Mais on en a aussi dans des zones où la tension est moins forte, notamment dans le Centre-Bretagne » (Le Télégramme, Bretagne, samedi 22 octobre 2022).

Dans son dernier ouvrage Les dépossédés (Flammarion, octobre 2022), Christophe Guilluy aborde cette question d’une manière très politique en commençant par poser « une question de fond, celle de l’accès au logement des jeunes et des actifs dans ces zones tendues et in fine celle du droit de travailler, de vivre et donc de se loger « au pays » (…) puisque la maison de pêcheur est devenue celle du cadre parisien. » Pour Guilluy, il n’y a pas d’« accaparement des terres ». « En réalité, comme à son habitude, la nouvelle bourgeoisie cool et inclusive ne chasse personne, ne s’impose pas, elle n’a pas besoin de le faire. Elle accompagne, presque sans le vouloir, la main invisible d’un marché de l’immobilier. Mieux, comme hier lorsqu’elle a débarqué dans les quartiers populaires des grandes villes, elle explique aujourd’hui qu’elle permet aux espaces qu’elle investit de s’améliorer, de retrouver un dynamisme économique, de créer des emplois locaux. »

Demain la confrontation… ou l’affrontement

Incontestablement, ces communes « touristiques » ne sont plus faites pour accueillir les classes populaires. C’est ce que souligne Guilluy : « Compte tenu de l’accroissement de l’écart entre revenus moyens régionaux et prix de l’immobilier, on peut désormais acter la fin programmée de la présence populaire près des bords de mer. Sociologiquement, et à moyen terme, le littoral atlantique ressemblera à la sociologie des quartiers gentrifiés des villes ; classes supérieures urbaines, bourgeoisie traditionnelle ou progressiste, retraités aisés. La baisse de la mobilité étant inscrite dans ce processus de gentrification, on peut sans risque prédire la cristallisation d’un processus d’embourgeoisement et de vieillissement à l’ensemble des littoraux. Comme dans les métropoles, les élus locaux conscients que ces territoires ne peuvent vivre sans travailleurs, sans key-workers, cherchent à contrer le processus en créant des logements sociaux, mais cette politique homéopathique semble bien dérisoire pour réguler les forces du marché. La construction de ces logements sociaux est dans l’impossibilité de compenser la disparition d’un parc privé abordable, seul parc susceptible de maintenir une présence importante de catégories modestes. L’offre de logements qui leur sont destinés se réduira peu à peu aux logements sociaux, et l’immense majorité des classes populaires se dispersera dans les périphéries périurbaines ou rurales. »

Alors que la majorité du parc de résidences secondaires appartient aux catégories supérieures (et notamment aux 10 % des ménages les plus aisés du pays), de nombreux élus pensent, comme le maire de Saint-Lunaire (Michel Penhouët), qu’ « on en est à un stade où ça va virer à la confrontation » (Le Soir, 12 juin 2022) ; on constate déjà l’apparition de manifestations dans plusieurs communes afin de dénoncer la difficulté que rencontrent les classes populaires à se loger sur le littoral. Contrairement à ce qu’écrit Libération (mardi 27 décembre 2022), l’essai de Guilluy n’offre pas un «parfum complotiste », mais une charge solide contre l’élite qui a imposé un « ordre social libéral et multiculturel ».

Bernard Morvan

Crédit photo : wikipedia (cc)

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15 réponses à “Bretagne. Les résidences secondaires font le bonheur des familles aisées”

  1. van hoecke dit :

    C’est exactement le même phénomène qui se passe à Paris et dans la petite couronne et même dans les banlieues résidentielles: les jeunes des classes populaires ne peuvent absolument pas acheter ni même louer. C’était déja le cas il y a 43 ans quand j’ai commencé à travailler à Nanterre: maintenant c’est encore pire. Donc condamnés à habiter en grande banlieue…La Canada a trouvé la solution: préférence nationale pour acheter, car en France du moins à Paris les prix sont tirés par le haut par les étrangers.

  2. domper dit :

    La Bretagne connait avec du retard le même problème que la côte d’ Azur, La Baule ou Biarritz…les prix sont dissuasifs pour les revenus moyens ou faibles ce n’est pas un scoop ! Même chose en montagne « chic » regardez les prix en Haute Savoie ou Savoie ,en gros, tous les beaux endroits épargnés par l’immigration massive et illégale, le communautarisme et la délinquance.

    • Hervé dit :

      Nous, les riches retraités, on achète tous qui est à vendre sur le littoral et on n’en à rien à faire des jeunes qui ont moins d’argent que nous pour acheter. C’est la loi du marché. :(

  3. Aghir dit :

    Ne pas oublier que la majorité de terrains vendus à prix d’or le sont par …….des autochtones!!!!

  4. Forets Josette dit :

    Ce devrait être interdit que ces personnes aisées s’octroient les habitations qui devraient être affectées prioritairement aux autochtones. C’est tout simplement honteux mais malheureusement, c’est la France d’aujourd’hui !! Pourvu que la situation s’inverse au profit des locaux !!!

  5. Dominique dit :

    Que devient Callac ?

    Au Japon, le gvt vient de décider que les ménages qui déménageront de leur résidence en ville pour aller habiter en campagne seront subventionnés.

  6. Travis dit :

    <>

    Pas sûr que de parler de  » main invisible du Marché immobilier  » soit très politique, mais plutôt le signe d’une adhésion à la doxa libéro-marxiste qui fait de l’économie le moteur du système.

    Raisonner en politique c’est commencer par reconnaître derrière la  » main invisible  » du père Adam, l’existence d’un individu dont l’imaginaire est nourri depuis l’enfance par des images de bonheurs balnéaires. Et qui, dès qu’il en a les moyens, fuit les quartchiers chauds du mortel vivre-ensemble pour rejoindre le littoral.

    Le Marché de l’immobilier ne fait que marcher dans son ombre. Faudrait chatouiller un peu le Guilluy-Guilluy pour le faire causer sur la lutte des classes et autres badernes modernes. Un rouge, le Guilluy.

  7. Caubert Annie dit :

    Je possède une maison à Plougonvelin et je ne pense pas que cette taxe concernera cette commune .

  8. Regis Cavelan dit :

    Je peu pas me loger alors que je travaille en CDI . A peine je trouve une maison elle et acheter sans credi . Merci au personne de nous volé notre toit principale..

  9. GASNIER dit :

    Vous n’êtes pas censé savoir que l’argent permet quasiment tout ( à part la météo , la santé et les accidents…. ) et qu’on n’y pourra rien changer . Seuls les élus ont la possibilité
    d’enrichir les locaux par le biais du PLU et vous permettront ainsi d’acquérir sur place !
    Bertrand du déclin

  10. Gwen dit :

    Dans certaines communes du littoral breton énormément de bien immobilier sont des résidences secondaires de propriétaires résident déjà à l’année sur ces mêmes communes… Des élus Breton bien renseigné des mises en vente s’empressent de faire des propositions d’achats Et ces biens arrachés aux locaux… Ces biens se retrouvent sur les sites de location saisonnière ( gites de France, rbnb., Le bon coin…)Alors il n’y a pas que les Parisiens qui achètent leur maison secondaire. D’après une récente étude publiée dans (le Monde) la plus grande proportion de propriétaires de maison secondaire en Bretagne sont acheté par des Bretons , ensuite des gens habitants en France, puis arrivent les Parisiens en 3 ème position. Alors on fait quoi ?

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