La prostitution banalisée d’OnlyFans est-elle si soft que ça ?

OnlyFans est un réseau social où un fan acquiert photos, vidéos et exhibitions en direct via webcams créées par d’autres personnes. Un abonnement mensuel (entre 5 et 50 euros) permet de suivre le creator, et des « pourboires » ponctuels d’obtenir un contenu particulier ou de montrer son appréciation. La plateforme prélève une commission de 20% sur les abonnements. Le business érotique et pornographique est vite venu représenter l’essentiel du trafic sur le réseau.

Créé en 2006 en Angleterre, il avait comme premier objectif la rémunération directe d’artistes, modèles, professeurs de fitness, etc. par leurs fans. L’entrée en jeu, deux ans plus tard, du programmateur et homme d’affaire ukraino-américain, Leonid Radvinsky, concepteur de MyFreeCams, un service de webcams où les filles se dénudent ou se masturbent sur demande, changea la donne, et OnlyFans est désormais considéré « l’Instagram du porno ».

À l’heure de la consultation facile et gratuite de la pornographie, certains se demandent pourquoi diable, des internautes choisissent-ils de payer. La grande différence par rapport aux sites pornographiques « classiques » tient dans le fait qu’OnlyFans permet un contact direct avec la personne suivie, d’entretenir un rapport virtuel continu avec elle à travers le chat. OnlyFans, c’est l’actrice porno abordable, mais aussi le jeune débauchable : ce qui a fait le succès d’un jeune Italien, Samuele Cunto, devenu une étoile du réseau. Bel aspect, 20 ans et hétérosexuel, il publie des contenus gays, car « ça rapporte beaucoup plus ». « J’ai commencé avec des vidéos tout seul, puis, vu le succès, j’ai pris courage et j’ai décidé d’aller toujours plus loin. En respectant une limite: je m’arrête à quelques « caresses ». Même si l’on m’a offert de l’argent pour tourner des vidéos de toutes sortes».

Pour les plus ingénus des fans convaincus du caractère spontané du processus, qu’ils se détrompent, toute une industrie se dissimule derrière : des managers – certains les nommeraient proxénètes – arpentent le net pour trouver les futurs stars d’OnlyFans. Pour cela rien de tel qu’Instagram, le fameux réseau social d’exhibition – zéro contenu, que de l’image – véritable vitrine à culs de toute une génération. Les profils les plus suivis sont approchés et peuvent alors intégrer une agence qui s’occupera de promouvoir le compte OnlyFans, de louer les appartements pour les reprises, de mettre les créateurs en contact pour des spectacles de groupes etc. Samuele Cunto, produit aussi des vidéos gays sur demande avec des collègues de l’agence, hétérosexuels comme lui. La volonté de pervertir est clairement décelable et a fait le secret de cette petite entreprise.

Le réseau, malgré l’annonce en octobre 2021 de censurer les contenus à caractère trop explicite, est revenu sur ses pas. La raison invoquée n’est autre que la fameuse l’inclusion ! Aucune limitation donc, et via un chat on peut aussi demander des relations sexuelles tarifées : libre au créateur d’accepter ou de refuser. Mais les sommes proposées peuvent être colossales.

Culte de l’image et du narcissisme, hypersexualisation des jeunes, apologie de l’argent facile, appauvrissement et précarité à l’horizon, tout facilite l’engouement d’OnlyFans : plus de 2,1 millions de créateurs de contenus pour environ 188 millions d’utilisateurs en quelques années.

La complicité des médias subventionnés est à ce sujet sidérante : taper OnlyFans sur un moteur de recherche italien et vous tomberez sur une véritable entreprise de promotion du porno soft. « Je gagne 5 000 euros par mois sur OnlyFans. Aucun embarras, j’aime mon corps », « Contenus sexys ? Mes parents me soutiennent », « La prof devenue riche grâce à OnlyFans démissione », « Je ne suis pas gay, mais je fais des vidéos pour hommes sur OnlyFans. J’ai empoché 21 000 $ en un mois ». En choisissant de publier les sommes indécentes gagnées sur la plateforme, le consentement – quand ce n’est carrément l’encouragement – de nombreux parents, ou les récits d’anonymes racontant être devenus millionnaires, on n’est plus dans le journalisme décrivant un phénomène de société. Sous couvert de rhétorique anti-moraliste, d’entrepreneuriat gagnant, ou encore de women’s empowerment, on promeut la vente des corps.

Ce qui est, somme toute, assez cohérent, le capitalisme ayant déjà établi que tout a une valeur monétaire, que tout peut donc se vendre et s’acheter. S’il y a du profit et que le choix de celui qui se déshabille est libre, alors tout va bien. Mais est-ce vraiment le cas ?  Est-ce si clean que ça ?

Car pour bien comprendre les gains générés, il faut revenir un moment sur son fonctionnement, qui n’est autre qu’une nouvelle forme de prostitution. Pour gagner de l’argent grâce à son profil OnlyFans, un peu comme avec les “clients habituels”, il est nécessaire de fidéliser les abonnés : les intriguer, les titiller et surtout se soumettre à leurs volontés.

Du fait de la concurrence – immense puisqu’elle est mondiale -, et surtout du fait de la nature des abonnés – des hommes payant pour avoir un service personnalisé – le “service” se limitera difficilement à un simple marchandage de photos et de films. À une époque où la pornographie est à la portée de tous, les perversions constamment entretenues et banalisées, leur satisfaction facilitée, les requêtes sont de plus en plus extrêmes. Le dirty talk est bien entendu le minimum requis, mais les sollicitations vont bien au-delà. Si masturbation, introduction de toutes sortes d’objets dans les parties intimes sont les plus fréquentes, elles ont le plus souvent un rapport à la domination : le fan paye, il exige d’être assouvi et se croit donc légitimé à demander à peu près tout, même des actions humiliantes. Les catégories les plus “clean” comme la vente de photos de pieds, ne sont pas en reste. Avaler un poisson cru, se flageller ou gifler un collègue, vendre ses tampons usagés, s’asseoir sur une chaise en plastique jusqu’à la rompre : le débile lié à l’humiliation. “Je paye, j’exige, tu te soumets à mes requêtes les plus extravagantes”, tel semble être le secret pour percer sur la plateforme et s’enrichir.

Des contenus en ligne qui resteront, ce dont les plus jeunes ne se rendent pas bien compte.

Mais le plus beau arrive encore ! Enfin, le plus ridicule, quand on en vient à savoir que derrière les profils les plus populaires peuvent se cacher des ghostwriters : le fan ne chat pas avec l’objet de ses désirs mais avec une personne rémunérée pour répondre à sa place. L’abonné pense échanger avec Samantha la chaudasse, mais c’est Léo, un nerd qui se chargera de l’exciter à partir de sa chambre d’étudiant. Rien d’illégal là-dedans, et nombre d’utilisateurs le savent pertinemment.

Le sexe se vit désormais en ligne, les rapports humains sont limités au minimum, les contacts évités. Caché derrière son écran, on peut laisser libre cours à toutes ses envies. Et comme une fois qu’on a tout obtenu on s’ennuie, les envies se transforment vite en perversions. Aldoux Huxley n’aurait pas rêver mieux.

OnlyFans, l’énième symptôme d’une société malade, où rien ne va plus.

Audrey D’Aguanno

https://www.larena.it/territori/citta/only-fans-ilaria-veronese-quanto-si-guadagna-1.9779322

https://www.corriere.it/cronache/22_dicembre_05/pose-ammiccanti-miei-genitori-capiscono-cos-tiktok-f0e8bcec-74dc-11ed-96ff-6cd26eb698d3.shtml

Crédit photo : Wikipedia (cc)

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Une réponse à “La prostitution banalisée d’OnlyFans est-elle si soft que ça ?”

  1. domper dit :

    En somme, on peut vivre et mourir sans sortir de sa chambre !! Les cours en visio, les repas avec un clic sur Uber, les films en Netflix, consultations médicales en visi, et le sexe virtuel dans ses folies sur écran…..il vous reste à choisir la compagnie funéraire pour votre enterrement et vous aurez eu une vie formidable !!

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