Le Grand-Duché de Luxembourg dispose d’un parti conservateur et patriote intitulé Déi Konservativ (Les Conservateurs). Lionel Baland a interrogé, pour Breizh-info, son dirigeant et fondateur Joe Thein, qui lui a expliqué les raisons qui ont conduit à la naissance de ce parti et à son développement.
Breizh-info : Avant de créer Déi Konservativ, vous étiez membre de l’ADR (Parti réformiste d’alternative démocratique), un parti politique qui dispose de députés et qui est conservateur. Quelle est la différence entre ces deux formations politiques ?
Joe Thein : Durant mon adhésion à l’ADR – et encore de nos jours – les gens s’y disputaient régulièrement sur le profil, la ligne politique et l’orientation de cette formation politique, et il y régnait un rejet clair d’un engagement authentique envers la philosophie politique du conservatisme. Grâce à mon influence sur le parti, j’ai travaillé, à l’intérieur et à l’extérieur de celui-ci, pour qu’existe au Luxembourg une force nationale-libérale, conservatrice et patriotique, mais ce projet vivant n’a pas été possible au sein de l’ADR, avec ses différents courants querelleurs.
D’où notre parti, Déi Konservativ, qui constitue une réalité politique depuis 2017. Avec Déi Konservativ-d’Fräiheetspartei (Les Conservateurs-Parti de la liberté), qui non seulement porte le conservatisme dans son nom, mais se définit et s’exprime également clairement comme étant de cette tendance, il existe désormais un programme politique et une offre aux citoyens et aux électeurs qui correspond à la devise « Le Luxembourg d’abord ! » Pour nous, les valeurs du pays luxembourgeois, de la liberté et du citoyen comptent. Nous sommes activement et authentiquement engagés en faveur de ces principes !
Breizh-info : Le Luxembourg est un pays qui connaît peu de problèmes. Un parti patriotique peut-il y percer ?
Joe Thein : Le conservatisme est condamné en bloc par les opposants politiques de gauche et écologistes, la presse et les médias, ainsi que par le courant idéologique dominant, qui le considèrent comme diffusant des idées réactionnaires et démodées, et le présente à travers des stéréotypes en tant que propagandiste, populiste et lié à l’extrémisme. Ainsi, une philosophie et un parti national-libéraux doivent être qualifiés de « mauvais » et exclus car présentés comme étant impopulaires et hors-système. Cette méthode relève d’une tactique politique minable de la part d’autoproclamés démocrates, car elle montre que les vraies connaissances, l’intérêt et les arguments font défaut, et que l’on est si lâche qu’on cherche à échapper à un débat équitable.
Malgré ces pratiques, nous nous battons pour nos idées, nos valeurs et nos objectifs et nous voulons faire connaître et populariser nos opinions, afin que les personnes soient informées de la véracité de nos idées. Parce que, tôt ou tard, les gens trouveront qu’une telle offre politique est exactement la bonne voie à suivre pour le Luxembourg – malheureusement peut-être pas encore maintenant, mais certainement à l’avenir. Nous pensons que le Luxembourg rencontre beaucoup de problèmes et nous offrons des propositions, des solutions et des alternatives politiques.
Breizh-info : Pourquoi vous appelez-vous conservateurs et non patriotes ou nationalistes ?
Joe Thein : Je suis d’accord avec la citation de l’ancien président fédéral allemand Richard von Weizsäcker, qui a décrit cette question comme suit : « Un nationaliste est celui qui hait les autres. Le patriote est celui qui aime son propre pays et comprend et respecte le patriotisme de ses voisins. »
Je me décris en tant que personne conservatrice, nationale-libérale et patriote, car ces trois termes reflètent parfaitement et intégralement mon opinion politique.
Breizh-info : Quels sont les principaux thèmes mis en avant par votre parti ?
Joe Thein : Les principaux thèmes de notre parti sont :
– Identité & intégration
Nous voulons donner la priorité à notre langue luxembourgeoise en la promouvant, en en prenant soin, en la transmettant et en la valorisant, tant dans la vie quotidienne que dans le monde professionnel et au sein des institutions et des administrations. Nous désirons qu’un patriotisme sain soit vécu au Luxembourg dans l’intérêt de notre langue, de notre vie sociale et de notre intégration. Cela constitue, avec notre histoire, nos traditions et notre culture, une partie importante de notre identité, car la politique identitaire est le fondement de notre nation.
– Liberté et autodétermination
Nous nous engageons en faveur d’un code de la liberté avec des valeurs conservatrices-libérales. Nous voulons que le Luxembourg soit libre, démocratique, fondé sur l’État de droit et pacifique. Nous désirons donner au peuple une véritable voix démocratique et une vraie possibilité de participation à la décision, afin que celui-ci, en tant que souverain, choisisse sa propre politique pour son bien, selon ses souhaits et selon ses intérêts. Nous voulons moins d’État et plus de citoyens, moins de diktats et plus de liberté, moins de doctrine et d’idéologie et plus de liberté d’opinion et d’autodétermination. La liberté est le fondement d’une société démocratique et des personnes au sein de l’État.
– Souveraineté et intérêts nationaux
Nous défendons notre souveraineté et nos intérêts nationaux. Cela signifie également moins d’Union Européenne et plus de Luxembourg. Nous voulons un Luxembourg dans une Europe des patries libres et souveraines et exigeons une réforme radicale de l’Union européenne. Pour nous, la souveraineté politique doit être entre les mains du Luxembourg et non déterminée par d’autres. Cela inclut également ses propres décisions en matière de politique financière, de politique sociale, de politique migratoire, de politique climatique, etc. Contrairement à une construction lointaine, le Luxembourg, en tant que nation, est plus conscient de ses problèmes et affaires, tant au niveau local que national, et devrait donc assumer sa propre responsabilité politique pour toutes les décisions politiques des députés élus par le peuple et qui sont là pour servir les intérêts du Luxembourg et de ses citoyens.
Breizh-info : Quelle est votre position en matière d’immigration alors que le taux de chômage dans votre pays est faible ?
Joe Thein : Nous voulons une immigration réglementée basée sur le modèle nordique, où une politique migratoire plus stricte, contrôlée et purement légale, raisonnable et limitée est poursuivie, avec une opposition claire à l’immigration illégale et un rejet de la migration de masse et de la mondialisation totale. Nous ne nous fermons pas au monde et à la responsabilité humanitaire, mais nous ne voulons pas non plus être une porte ouverte à tout, ainsi que pour tout le monde et ses conflits. Nous préconisons une politique de la raison et de l’appréciation des règles et des lois, afin que la vie en commun fonctionne et ne cause pas de désavantages et de problèmes à notre pays. Ce n’est que lorsque le monde est sain au Luxembourg que nous pouvons sauver le reste de la planète.
Breizh-info : Vous êtes ouvertement homosexuel. L’islamisation rampante en Europe occidentale constitue-t-elle une menace pour les homosexuels ?
Joe Thein : L’islam politique est un problème pour l’Europe occidentale, les droits de l’homme, les droits des femmes, la démocratie, le progrès et notre mode de vie européen. Surtout en tant qu’homosexuel, je ne peux pas approuver ou passer sous silence une idéologie religieuse qui constitue un danger et une menace pour ma vie libre et qui me rejette en tant qu’être humain. J’ai choisi d’avoir une telle vie et je me suis exprimé en faveur de cela ; je ne le renierai certainement pas à cause de l’islamisme ou de l’islam politique. Les droits de l’homme et ma vie humaine sont importants. C’est une autre raison pour laquelle notre parti conservateur est un choix juste et important pour les homosexuels, car nous défendons la liberté, la santé et le respect des personnes aimant celles du même sexe, garantissant ainsi la protection, l’égalité et le soutien aux homosexuels et aux lesbiennes.
Breizh-info : Quelle est la position de votre parti en matière d’avortement ?
Joe Thein : Nous sommes un parti pro-vie qui valorise les existences humaines. L’avortement n’est donc pas une option, seulement dans des cas exceptionnels. C’est notre position officielle en tant que parti. Cependant, comme il s’agit d’une question éthique très controversée, nos membres devraient décider librement selon leur propre conscience – nous leurs garantissons ce droit.
Breizh-info : Le fait que le secret bancaire a été supprimé touche-t-il l’économie du Grand-Duché ? Que pensez-vous de cette suppression ?
Joe Thein : L’abolition du secret bancaire est une attaque frontale contre notre souveraineté financière en tant que pays. Avec sa disparition, notre place financière et notre système financier souffrent au même titre que notre économie. L’Union Européenne, qui reçoit le pouvoir de contrôler les politiques budgétaires nationales, obtient un droit souverain qui n’est pas le sien. Il s’agit d’une compétence des États-nations et donc d’une question exclusivement politique pour le Luxembourg. Nous serons toujours en opposition lorsqu’une politique réalisée au détriment de notre pays sera à l’ordre du jour.
Breizh-info : Quelle est la position de votre parti sur la guerre en Ukraine ?
Joe Thein : En tant que parti de la paix et de la liberté, nous rejetons systématiquement la guerre comme moyen de politique. Nous exigeons une politique étrangère, des solutions diplomatiques et des négociations, une politique pacifiste sans guerre. Nous ne voulons pas non plus d’une implication directe ou indirecte dans la guerre et les conflits étrangers – pas même contre la Russie. La guerre russo-ukrainienne nuit profondément au Luxembourg, tout d’abord par la destruction de notre économie et de notre prospérité, sans parler d’autres problèmes et conséquences futurs massifs causés par une politique de guerre et de sanctions aussi fanatique à l’encontre la Russie, ainsi que par une alliance unilatérale avec l’Ukraine.
Breizh-info : Que pense votre parti de la monarchie, du Grand-Duc et sa famille ?
Joe Thein : Nous sommes un parti monarchiste qui est clairement attaché à la forme de gouvernement du Luxembourg en tant que monarchie, en tant que dernier Grand-Duché, et qui est fidèle au Grand-Duc et à la famille grand-ducale. C’est une partie importante de l’histoire et de la culture luxembourgeoises, ainsi que de notre liberté. Nous rejetons l’idée d’une république politique avec un président, car cela représente une politisation supplémentaire du système et constitue une nouvelle tentative – au lieu d’un monarque neutre, représentatif et situé au-dessus des partis – de mettre un politicien à la tête du pays, et, en même temps, une attaque fondamentale contre l’identité historique du Luxembourg et notre constitution.
Breizh-info : Les problèmes des pays voisins, par exemple la délinquance issue de banlieues de villes françaises, atteignent-ils le Grand-Duché de Luxembourg ?
Joe Thein : Le Luxembourg a des frontières avec trois pays – la France, la Belgique et l’Allemagne – et est donc également considéré comme un pays de transit et une zone frontalière. Dans le même temps, cependant, le problème de l’ouverture des frontières et de la criminalité est mis en lumière. En plus de la délinquance domestique existante, c’est surtout la criminalité étrangère qui atteint un niveau record au Luxembourg. Le haut taux de délit est en partie auto-infligé et favorisé, car nous menons une mauvaise politique à l’égard des étrangers et de la criminalité. En tant que parti, nous avons donc raison de déclarer la guerre au crime au Luxembourg et de prôner une politique de tolérance zéro. Notre objectif est un Luxembourg paisible et sûr, au sein duquel nous mettons un terme à ce développement et le protégeons de la violence et de la criminalité par tous les moyens politiques et constitutionnels.
Breizh-info : Pensez-vous que des parties du territoire des pays voisins qui étaient autrefois luxembourgeoises devraient être récupérées votre pays ?
Joe Thein : Non, nous reconnaissons le territoire actuel du Luxembourg dans ses frontières fermes et respectons la paix des Pyrénées de 1659, le congrès de Vienne de 1815 et le traité de Londres de 1839. Un retour à l’ancien territoire du Luxembourg, ou des revendications visant celui-ci, ne font pas partie de notre politique. Pour l’anecdote, dans nos livres d’histoire et pour des raisons de connaissance, voici néanmoins un détail historiquement intéressant : avec l’acquisition du comté de Chiny en 1364, la plus grande extension territoriale du Luxembourg était d’environ 10.000 km2 – contre 2 586 km² de nos jours.
Breizh-info : Votre parti politique ou ses membres sont-ils attaqués ou discriminés par l’État luxembourgeois ?
Joe Thein : Notre parti, nos opinions politiques et nos membres sont, en partie, politiquement et médiatiquement désavantagés, stigmatisés, discriminés et exclus. L’œuf est pourri. Le traitement des partis extraparlementaires n’existe quasi pas. Au Luxembourg, c’est la « carte du bon parti » qui compte. En tant que formation politique, cependant, nous ne laisserons jamais ce déficit démocratique nous empêcher de jouir de notre liberté d’expression et de notre engagement politique. Au contraire, nous voulons réformer démocratiquement le Luxembourg sur les questions démocratiques. Nous exigeons plus de démocratie et de liberté – y compris la liberté d’expression ! Ainsi, quiconque nous rejoint doit savoir qu’il est et doit être courageux politiquement.
Breizh-info : De nombreuses personnes habitant au Luxembourg ne disposent pas de la nationalité luxembourgeoise. Certaines d’entre elles sont cependant autorisées à se rendre aux urnes lors des municipales. D’autre part, des Luxembourgeois vivant à l’étranger peuvent voter pour votre formation politique lors des législatives. Pourquoi réalisez-vous seulement vos campagnes en luxembourgeois, alors que votre pays a trois langues officielles (français, allemand et luxembourgeois) ?
Joe Thein : La langue maternelle officielle et la langue nationale du Luxembourg sont le luxembourgeois et le resteront à l’avenir. C’est pourquoi nous exigeons également l’intégration des citoyens étrangers à travers notre langue et l’institutionnalisation de la langue luxembourgeoise dans l’État et la société. Nous restons fidèles à notre principe d’être un parti pour le Luxembourg et les intérêts luxembourgeois. C’est une condition préalable absolue pour qu’un politicien soit un patriote, qu’il apprécie, promeuve, préserve et, surtout, place son pays, sa culture et sa langue au premier plan. Nous n’avons aucun problème avec toute notre richesse en langues étrangères, mais le luxembourgeois doit être et rester obligatoire.
Breizh-info : Craignez-vous la disparition du peuple luxembourgeois, à la suite du fait que les personnes vivant au Grand-Duché et étant originaire du pays deviennent minoritaires ?
Joe Thein : Dans une interview donnée en 2018 à RTL (Radio Télévision Luxembourg), nous avions déjà prévenu : le Luxembourg n’est pas encore plongé dans une crise d’identité nationale, mais, afin d’éviter un tel aboutissement, l’accent doit être davantage mis sur la langue luxembourgeoise. Et nous avions malheureusement raison sur ce point : le problème de la langue s’est aggravé et l’évolution négative se poursuit, confrontant aujourd’hui plus que jamais le Luxembourg à ses problèmes identitaires et d’intégration faits maison. Le luxembourgeois est considéré comme une langue menacée et en voie de disparition et s’évanouit de plus en plus de la vie quotidienne au Luxembourg. Les citoyens étrangers constituent la société majoritaire depuis un certain temps. Ce développement erroné, qui dure depuis des décennies, est la faute de la politique.
Propos recueillis par Lionel Baland
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2 réponses à “Interview de Joe Thein, président du parti conservateur et patriote luxembourgeois Déi Konservativ.”
Voilà un exposé passionnant et une interview fort bien menée !
Il faudra revenir ici avec le chef de ce parti, pour, par exemple, développer ce que Joe Thein entend par monarchie et démocratie.
En effet, ce parti conservateur et patriote, se dit monarchiste, et veut, en même temps, plus de démocratie, alors que les deux formes de régime politique sont oppposés par nature …
…il s’agit donc, pour que ce soit envisageable, d’une toute autre forme de démocratie que celle, moribonde ( et anti-démocratique ), que nous connaissons en France.
Un article à épingler, n’est ce pas ?
Quand on voit la poubelle qu’est devenu le Luxembourg… Pour trouver un luxembourgeois, c’est comme chercher un français dans le 93