À Nantes, le débouché de la route de Rennes face à la préfecture de Loire-Inférieure a été balisé pendant des décennies par deux gloires de la restauration nantaise. À tribord, côté ouest, L’Armoricain. À babord, L’Océanide. Est-il nécessaire de préciser que, tout proches du marché de Talensac, l’un et l’autre étaient des restaurants de poissons ?
Il ne pêchaient pas tout à fait dans la même catégorie, cependant. L’Armoricain était célèbre pour ses fabuleuses soupes de poisson et son ambiance animée de bistro. L’Océanide était une brasserie chic à l’ambiance plus bourgeoise et aux plats plus sophistiqués.
Puis, sort classique, L’Armoricain est devenu une agence bancaire. L’Océanide est resté seul. Repris voici une vingtaine d’années par Daniel Garrec, le restaurant a conservé le meilleur de son décor, inspiré dit-on des grands paquebots transatlantiques de l’entre-deux-guerres : hautes banquettes de cuir, bar majestueux, plafond à moulures, lustres à pampilles… C’est un morceau d’histoire nantaise. Ce qui ne va pas sans inconvénients : à force de le connaître depuis toujours, beaucoup de Nantais, même parmi ses voisins du quai de Versailles, n’ont pas l’idée de pousser sa porte.
Traitement subtil
Ils ont tort. Nous l’avons fait et nous en avons été satisfaits. Le menu du marché – il peut changer tous les jours en fonction des arrivages – propose en entrée noix de Saint-Jacques rôties, tripes de Saint-Jacques au muscadet ou encornets de La Turballe sautés. Excellents produits, cuisson parfaite, assaisonnements subtils. Les tripes de Saint-Jacques ne sont pas servies assez chaudes, regrette l’un de nous. Mais le menu les annonce « juste tiédies » : que demande le peuple ?
Viennent ensuite un filet de rouget grondin rôti, un filet de saint-pierre rôti au beurre, des rognons de veau sautés minute ou une caille désossée farcie à l’ancienne : l’Océanide sait y faire avec ces abats et cette volaille justiciables d’un traitement aussi subtil que celui d’un poisson. Le rouget rôti comme il faut, c’est-à-dire juste pas tout à fait assez, est servi avec des petits légumes et une nage de coquillages aux moules parfaitement exécutée. Le traitement met en valeur la qualité du produit.
Et le saint-pierre, alors, que dire de son jus brun acidulé ? Rien, car c’est là que le tableau devient moins rose : 10 euros de supplément sur un menu déjà tarifé 35 euros, on renâcle. C’est le prix d’une qualité rare, indiscutable, on ne regrette pas son argent, mais ce n’est pas forcément à la portée de toutes les bourses. Du moins, pas tous les jours… Le cran au-dessous, c’est le menu déjeuner à 25 euros avec une seule entrée, un seul plat, un seul dessert, une proposition « déceptive » en comparaison. Et le cran au-dessus, le menu Océanide, quasiment une liturgie avec une araignée décortiquée, des noix de Saint-Jacques rôties, un pavé de saint-pierre (et son fameux jus brun acidulé) et un dessert au chocolat, mène tout de suite à 65 euros.
Vins trop chers
Encore une fois, c’est justifié. Les prix des vins, c’est moins sûr. La carte propose une belle sélection de muscadets. Les vignerons du pays nantais ont réussi ces dernières années à imposer des hausses de prix en rapport avec leur travail qualitatif. Mais après une double culbute, leurs vins se retrouvent sur la carte aux environs de 50 euros, ce qui sort des références des vieux Nantais.
Les optimistes diront que le menu du marché à 35 euros paraît incroyablement bon marché en comparaison. Les pessimistes, que payer la bouteille plus cher que toutes les merveilles du menu est dissuasif. Nous nous sommes donc rabattus sur une bouteille de Melonix sorti des chais de l’excellent Jo Landron, à 34 euros la bouteille quand même. S’il n’encourt pas de reproche particulier, ce melon de Bourgogne qui n’a pas droit à l’appellation muscadet n’est pas tout à fait à la hauteur de la cuisine de l’Océanide. Pas de miracle.
Avant de sortir, n’oublions pas les desserts : cinq propositions (poire pochée, assiette de glaces et sorbets, barre citron sorbet menthe, coings pochés, barre au chocolat). À l’enseigne de l’Océanide, on pourrait imaginer des desserts un peu parents pauvres à côté des poissons. Il n’en est rien, ils ponctuent très bien un excellent repas.
Le service, d’une aimable simplicité, est dans le registre de la brasserie chic plus que dans celui de la haute gastronomie cérémonieuse. Il aide à passer un bon moment. Les Nantais qui ont déploré la disparition de La Poissonnerie et de son successeur La Poissonnerie… et pas que ne sont pas orphelins.
Geo Le Ster
L’Océanide
2 rue Paul-Bellamy, 44000 Nantes
02 40 20 32 28 ‑ http://restaurant-oceanide.fr/
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