Dans un monde futuriste, les enfants, créés de façon artificielle, sont sélectionnés et conditionnés. L’État mondial contrôle ainsi la population. Le Meilleur des Mondes, chef-d’œuvre de la science-fiction, est pour la première fois adapté en bande dessinée.
A Londres, dans Le Centre d’Incubation et de Conditionnement, le directeur présente aux nouveaux étudiants les différents services : la salle de fécondation, les couveuses avec les embryons… Chaque enfant sera progressivement conditionné afin d’accepter sans protester ce que la société impose : un bonheur superficiel. Devenus adultes, leur vie est partagée entre le travail, la drogue et le sexe. La fidélité n’existe pas, puisqu’une règle affirme que « tout le monde appartient à tout le monde… ». L’objectif est de consommer, les personnes et les choses. Des hauts parleurs déclament qu’il vaut mieux jeter et acheter du neuf que réparer. L’Histoire n’est pas enseignée. La religion chrétienne est bannie. Les croix chrétiennes sont coupées au sommet pour former des T majuscules. Désormais, l’être suprême est Henry Ford ! Les êtres sont conditionnés pour accepter leur condition au sein d’une société divisée en cinq castes, de Alpha à Delta. Mais l’un de ces jeunes adultes, Bernard Marx, un Alpha, est considéré comme un élément subversif : il déteste la drogue et souhaite découvrir autre chose. Il convainc l’une de ses conquêtes, Lenina Crowne, une Bêta, de l’accompagner dans une réserve de sauvages, au Nouveau-Mexique. Ils découvrent que dans cette société tribale, ces « sauvages » forment des couples pour la vie, ont des enfants naturellement, ont des maladies, vivent vieux… ce qui horrifie Lenina mais fascine Bernard. Leur rencontre avec l’un de ces sauvages, qui a découvert Shakespeare dans un vieux livre interdit, va remettre en cause ce que leur a inculqué l’État mondial…
Publié en 1932, Le Meilleur des Mondes (Brave New World) dénonce l’eugénisme, l’hédonisme, et le conditionnement des peuples. Rédigé en 1931 à Sanary-sur-Mer par Aldous Huxley, ce roman de science-fiction précède Ravage de René Barjavel (1943), 1984 de George Orwell (1949) et Fahrenheit 451 de Ray Bradbury (1953). Au lieu de bâtir une utopie montrant un avenir idéal lié au progrès, il constitue une véritable dystopie, puisqu’il critique l’évolution morale de l’humanité.
Le scénariste-dessinateur anglais Fred Fordham respecte scrupuleusement la trame du roman. Diplômé en politique et philosophie de l’Université de Sussex, on comprend qu’il se passionne pour ce sujet. Il considère que le thème « le plus important et le plus prémonitoire est l’idée que les gens peuvent être contrôlés et asservis par le confort ». Comme dans le roman, les héros évoquent le nom de personnages historiques connus pour leurs idées : Lénine, Marx, Henry Ford, Sigmund Freud… L’industriel Henry Ford est l’objet d’un culte religieux obligatoire, l’an zéro du nouveau calendrier correspondant à celui du lancement en grande série de la Ford Modèle T. A l’inverse, le sauvage, qui méprise l’idéal de consommation, croit en l’amour et en Dieu, a une capacité à ressentir bien supérieure à celle des êtres conditionnés et drogués.
Le dessin, soigné et épuré, réalisé à l’ordinateur, convient bien à ce récit d’anticipation. Le choix d’une colorisation variée apporte beaucoup de diversité aux planches.
Sans doute pour mieux respecter l’œuvre d’origine, l’éditeur a fait le choix judicieux d’une pagination importante, du format roman et d’une couverture souple.
Par sa dénonciation de l’établissement d’un régime totalitaire moderne conditionnant les individus dès leur jeunesse, cette œuvre reste criante d’actualité.
Kristol Séhec
Le Meilleur des Mondes, 234 p., 21,90 euros, Editions Philéas.
Illustrations : Breizh-info.com
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