Thierry Decruzy (Démondialiser la musique) : « Outil de lien collectif, la musique rend compte de l’état de la société » [Interview]

L’Institut Iliade vient de sortir « Démondialiser la musique » aux éditions de La Nouvelle Librairie, un livre signé Thierry Decruzy. Un livre présenté ainsi :

« Si tu veux contrôler le peuple, commence par contrôler sa musique », aurait dit Platon. Rarement évoqué, le pouvoir politique et culturel de la musique est pourtant essentiel et son impact sur le psychisme en fait un outil privilégié de contrôle des masses. Il convient donc de se poser la question de ce que l’on écoute et des motifs qui conduisent à ces choix. De même qu’il a fallu prendre conscience que les produits alimentaires industriels pouvaient contenir des éléments toxiques, il est nécessaire de s’interroger sur le rôle des enregistrements que diffuse l’industrie musicale. Ainsi, il est toujours étonnant de rencontrer des individus conscients de leur identité, de l’importance de leur histoire, défenseurs de leur culture, et qui écoutent pourtant les musiques des « troupes d’occupation culturelle ». En réalité, les choix musicaux de la jeunesse sont moins faits sur des critères esthétiques que communautaires, et qui l’imprègnent ensuite inconsciemment. Le présent ouvrage s’attache à présenter le rôle de la musique et la manière dont elle est exploitée par l’industrie musicale afin de proposer des solutions pour démondialiser son écoute.

Pour l’évoquer, nous avons interviewé Thierry Decruzy.

Breizh-info.com : Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

Thierry Decruzy : Je travaille sur le rôle du son dans la société, et donc de la musique. En 2003, j’avais publié les Chants des traditions aux éditions de l’Æncre. J’alimente depuis plusieurs années le site Polémia sur ces sujets. En 2021, j’ai dirigé le hors-série du quotidien Présent qui avait pour titre : Musique, combat identitaire.

J’ai chanté dans des chœurs, réalisé ou participé à des enregistrements de musiques traditionnelles et dissidentes. Même s’il existe quelques artistes talentueux, la musique est un domaine quasiment abandonné de la dissidence et il faut que cela change.

Breizh-info.com : Pouvez-vous nous faire tout d’abord un petit résumé de l’histoire de la musique en Europe ? Quelle musique les Européens ont-ils inventé, quelle musique ont-ils importée ?

Thierry Decruzy: C’est impossible en quelques lignes, mais pour faire court, les Européens ont inventé la seule écriture musicale de toute l’histoire de l’Humanité. Cet incroyable effort de conception permet de disposer d’incomparables bibliothèques de compositions musicales, sans équivalent dans les autres civilisations, même plus anciennes. Le solfège a donné naissance à l’orchestre où chaque musicien joue une musique différente et pourtant en harmonie avec les autres. La qualité d’expression de l’orchestre européen exerce un pouvoir de séduction sur les populations de toute la planète. Il suffit de s’intéresser aux musiques de films pour en avoir un aperçu.

La musique n’a pas de frontière, seule compte l’émotion créée par les compositeurs de talents et la séduction qu’elle opère sur les auditeurs.

Breizh-info.com : Qu’appelez-vous le naufrage musical européen ? Comment le situez-vous en matière d’accélération ces dernières années ?

Thierry Decruzy: Outil de lien collectif, la musique rend compte de l’état de la société. Au lieu d’harmoniser les sociétés comme c’est son rôle, l’écoute de musique enregistrée corrode les liens sociétaux car elle est individuelle. Il est essentiel de distinguer la pratique ou l’écoute musicale naturelle qui met en harmonie les participants de l’écoute de musique enregistrée ou amplifiée qui atomise nos sociétés. La rupture est technologique et a entraîné ce naufrage. Ces dernières années, les attaques se sont amplifiées avec les concerts virtuels encouragés par la pandémie et les offensives wokistes contre la musique classique. Ils en arriveront à interdire le solfège car une blanche vaut deux noires !

Pour ce qui intéresse plus spécialement les musiques dissidentes, la pression est maintenue par les antifas qui dénoncent toute tentative de concert identitaire, même si le groupe de RIF FTP les récemment a tenu en échec à Versailles. En 2019 l’Assemblée nationale avait convoqué les Brigandes, une première dans l’histoire de la chanson française.

Breizh-info.com : Dans un chapitre, vous semblez mettre sur le même plan rap, chanson islamiste et… Hellfest. N’y allez-vous pas un peu fort ? Le Hellfest n’est-il pas, notamment parce qu’il rassemble quasi exclusivement la jeunesse autochtone européenne, l’incarnation même d’une musique démondialisée et enracinée ?

Thierry Decruzy : La question est moins le style de musique ou son public que son mode d’expression. L’offre est vaste et chacun croit y trouver son compte. En réalité, personne ne se pose la question de savoir pourquoi il préfère le répertoire qu’il écoute. Les critères peuvent être d’ordre communautaire, ils sont d’abord d’ordre technique. L’enregistrement permet la répétition à l’identique d’autant plus efficace qu’il est truffé de petits signaux (vers d’oreille) attirant l’attention et fonctionnant comme un envoûtement. C’est l’application de la technique ancestrale du chaman avec son tambourin. Elle est tout simplement déclinée pour s’adapter à des communautés virtuelles. Rap, nasheed, metal, sont des offres pour des publics déracinés. Les jeunes Africains ayant migré en Europe n’écoutent jamais leurs répertoires traditionnels, des même les Islamistes sont alimentés avec des compositions issues des studios du mondialisme, les musiques proposées au Hellfest ne peuvent pas s’écarter du programme imposé, sinon elles sont immédiatement éliminées.

Breizh-info.com : Vous évoquez par ailleurs la scène musicale identitaire au sens large, comme vecteur potentiel d’une musique démondialisée. Celle-ci ne s’inspire-t-elle pas elle-même de la musique que vous estimez responsable du naufrage musical européen ?

Thierry Decruzy : Incontestablement, mais il faut procéder par étapes. Si je peux me permettre, le médecin ne sèvre pas le drogué du jour au lendemain. Avant de revenir intégralement aux musiques naturelles, les courants musicaux dissidents ont fait la preuve de leur efficacité. Le critère serait donc plutôt de soutenir toutes les musiques censurées par l’appareil d’état. Pourquoi est-il impossible d’organiser un festival de musiques dissidentes ? Ce ne sont pas les musiciens ni les moyens qui manquent, mais la volonté politique. On se souvient du tollé quand le Front national avait offert une scène aux groupes de RIF pendant les BBR de 1996 et 1988. Cette situation est révélatrice de l’importance de la musique dans nos sociétés. Il me semble qu’elle traduit son rôle comme outil du contrôle des foules. Un outil aussi efficace qu’il est anodin.

Breizh-info.com : Vous parlez des musiques traditionnelles régionales comme outils de cohésion, mais aussi de démondialisation de la musique. En quoi ces musiques sont-elles particulièrement importantes pour assurer l’harmonie de nos sociétés ? Certains acteurs de ces musiques ne prennent-ils pas une impasse en voulant en faire justement des « musiques du monde » (Alan Stivell s’est d’ailleurs totalement planté sur un de ses albums flop, à ce sujet…) ?

Thierry Decruzy : Le terme de “musique du monde” pour les répertoires traditionnels est significatif d’une volonté politique de dissolution sans respecter les identités. À cet égard, la disparition du courant folk lancé en France dans les Chantiers de jeunesse, repris par les chansonniers après la guerre, puis éliminé par la sophistication des groupes de folk, généralement gauchistes, en est une illustration. Les musiciens régionalistes n’existent que s’ils font allégeance, signant l’arrêt de mort de leur répertoire, mais obtenant un répit individuel. Avant l’enregistrement et l’amplification, tout le monde chantait. Les répertoires étaient extrêmement diversifiés. Les grandes collectes du XIXe n’en donnent qu’un aperçu limité à ce qui a été sauvegardé, fournissant néanmoins le moyen de faire revivre ces chansons. 

Avec le grégorien, les musiques traditionnelles sont notre longue mémoire musicale, nos racines identitaires. Une mélodie entendue dans la petite enfance est ancrée dans l’identité de l’individu. Elle va ainsi entretenir un patrimoine culturel que chaque génération doit transmettre et faire vivre. Il suffit de revoir les chansons et les musiques que nous avons entendues dans notre enfance, de comparer avec celles de nos parents et grands-parents pour mesurer le chemin parcouru vers l’oubli, l’engloutissement et la quasi disparition de la pratique. Il ne reste plus que la ritournelle d’importation qui est fièrement interprétée dans les anniversaires, ultime occasion subsistant du chant collectif…

Breizh-info.com : Finalement, plus que le contenu musical, qui varie au gré des siècles mais aussi des influences, n’est-ce pas aux promoteurs et aux diffuseurs, de faire basculer le rôle d’influenceurs musicaux néfastes qu’ils ont actuellement, à un retour vers la promotion de l’enracinement musical ? Quelques pistes pour se faire ?

Thierry Decruzy : Pourquoi la musique est devenue gratuite ? Qui finance la production de musique ? Comme toute activité, apprendre à jouer d’un instrument, composer, enregistrer, diffuser a un coût. La gratuité tue la concurrence encore plus sûrement que la censure. Elle a été permise par la technologie, donc le clivage fondamental n’est pas entre les genres musicaux, mais entre la musique vivante et la musique morte.

La solution est simple et à la portée de chacun : revenir à une pratique naturelle. Ceux qui ont chanté en groupe l’ont expérimenté, on ne répond à un chant que par un autre chant. Il ne faut pas s’en remettre aux institutions ni à la technologie, il faut s’y mettre en famille, entre amis, et en toutes occasions promouvoir nos répertoires, nos musiques, celles de notre histoire car l’Europe a le plus grand, le plus apprécié, le plus séduisant patrimoine musical de l’Humanité. Il y a urgence à démondialiser la musique.

Propos recueillis par YV

Crédit photo : DR

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3 réponses à “Thierry Decruzy (Démondialiser la musique) : « Outil de lien collectif, la musique rend compte de l’état de la société » [Interview]”

  1. CREOFF dit :

    Rafraichissant! Notre musique bretonne héritée de la musique baroque essentiellement modale tne n spécificité en tentant de s’approprier le style « musique du monde » pour plaire à un public supposé « de gauche » sans frontières etc…en refusant la complexité de cette musique bretonne, de son jeu, de ses rythmes pour la rendre accessible aux musiciens incultes. C’est ainsi que nos musiques sont jouées uniformément par des accordéonistes façon ouin-ouin, accompagnées d’autres musiques venues d’ailleurs qu’on qualifie de bretonnes, puisque jouées en Bretagne! Les danses qui les accompagnent en fest Noz sont des danses « folk » venues d’ailleurs dont les participants ne connaissent pas l’origine; Ils dansent – mal- du quadrille français, des Mazurka, des scottish, des sarabandes..en pensant danser breton. C’est particulièrement vrai dans l’ouest du Morbihan ou les musiques de Loire Atlantique sont désormais reines. Ce faisant, ils diluent peu à peu les spécificités et la richesse de la culture musicale bretonne de ses danses et de ses chants.

  2. fifi dit :

    LA MUSIQUE mais regardez l’HISTOIRE DE LA MUSIQUE mais elle est pour le CREATEUR y compris le baton de plue en Afrique oui mon cher ARISTOTE QUE l’on t’entende
    n’ayez aucun scupule a apprendre LA MUSIQUE DE l’ANCIEN TEMPS et de vouloir la TRANSMETTRE
    phase terminale que nenni gardez vos souvenirs !!! y compris vos comtines d’enfant

  3. Brun dit :

    Très intéressant et à bien des égards tristement révélateur d’un domaine de décadence occidentale de plus. Il me semble toutefois que dénoncer une influence annoncée de néfaste de la musique enregistrée que l’on écoute seul ou en famille (sur Radio Classique, France Musique ou un CD) est excessif. Vaut mieux cela que rien. Je suis grand amateur de musique classique et n’ai ni les moyens ni l’opportunité d’assister à des concerts « in vivo » si ce n’est rarement. En outre, on trouve aussi des concerts enregistrés en vidéo qui apportent un élément supplémentaire.

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