Le 15 décembre prochain, l’Ifremer aura les yeux rivés sur le ciel guettant le lancement du satellite SWOT qui devrait fournir à la communauté scientifique une myriade de nouvelles données sur l’océan, les lacs et les rivières avec une résolution sans précédent, 10 fois supérieure aux moyens actuels. Plusieurs scientifiques de l’institut contribuent à la mission internationale SWOT co-pilotée par le CNES et la NASA, qu’il s’agisse d’améliorer la qualité des données ou leur exploitation pour une meilleure compréhension de l’océan, de sa dynamique et de son rôle dans la machine climatique.
« SWOT est une mission exceptionnelle pour la communauté des sciences marines. Grâce à son nouveau radar baptisé KaRIn, elle ouvre un nouveau champ des possibles en matière d’altimétrie spatiale, c’est-à-dire de mesure du niveau de la mer, s’enthousiasme Aurélien Ponte, chercheur en océanographie spatiale à l’Ifremer. A lui tout seul, il fournira autant de données que 6 altimètres classiques volant en formation. Nous pourrons obtenir pour la toute première fois des images instantanées du niveau de la mer et observer des structures océaniques 10 fois plus petites qu’avant ».
Un regard nouveau sur les mouvements océaniques
Jusqu’ici les altimètres classiques permettaient d’observer uniquement les grandes structures océaniques de plus de 150 km de longueur d’onde (tourbillons, fronts océaniques). Grâce à la haute résolution de SWOT, les scientifiques pourront détecter des structures plus petites, des dénivellations et des « marches » de quelques centimètres de haut et dizaines de kilomètres de diamètre, formées à la surface de la mer par des tourbillons ou encore par des veines de courant océaniques. Ces nouvelles informations leur permettront de mieux comprendre comment ces structures évoluent et contribuent à l’équilibre climatique de l’océan en transportant les masses d’eau et en participant aux échanges de chaleur, de carbone et de nutriments entre les couches de surface et celles plus profondes. In fine, ils pourront mieux modéliser et prévoir leur impact sur le fonctionnement physique et biologique de l’océan.
La mission est construite en deux phases. La première phase permettra de cartographier deux fois par jour le niveau de la mer de zones choisies sur une bande d’environ 120 km de large, contre une bande de 10 km de large tous les 20 jours avec les altimètres actuels. La seconde phase de la mission fournira les mêmes cartes mais sur l’ensemble du globe terrestre avec une fréquence maximale de 20 jours.
« Avec SWOT, nous observerons non seulement la variabilité lente de l’océan associée par exemple aux tourbillons générés par le Gulf Stream qui transportent des nutriments, mélangent les couches d’eau au fil des semaines et des mois, mais aussi la variabilité rapide quotidienne du niveau de la mer liée par exemple aux effets de la marée sur les différentes couches de la colonne d’eau », explique-t-il. C’est la première fois que nous aurons accès à ces deux échelles de variabilités qui se superposent dans la nature. Nous devrons savoir distinguer les signatures de chacune pour mieux mesurer leurs impacts respectifs d’une part, et combinés d’autre part, sur le fonctionnement de l’océan. »
De la même manière, SWOT observera les eaux littorales avec une précision beaucoup plus fine que les satellites actuels, comme pour les lacs et les rivières.
« Nous aurons pour la première fois des données haute résolution sur le niveau de la mer sur les premiers kilomètres depuis les côtes jusqu’à 50 mètres de profondeur, précise Guillaume Charria, chercheur en océanographie physique à l’Ifremer. Nous pourrons ainsi étudier en détails ces mêmes structures (tourbillons, courants, panaches de fleuves), leurs mécanismes et leurs impacts sur ces écosystèmes particulièrement riches en biodiversité.
Définir les algorithmes de traitement des données
Membres de l’équipe scientifique de la mission, des scientifiques de l’Ifremer participent depuis plus d’une dizaine d’années aux choix à opérer en termes de nature de l’orbite, de fréquence d’échantillonnage et de traitement du signal qui sera réalisé par le nouvel instrument KaRIn. Ils cherchent ainsi à mieux caractériser la manière dont le signal émis par le radar se réfléchit à la surface de l’eau en fonction des champs de vagues, des courants, des tourbillons… Comprendre l’impact de ces facteurs sur le signal reçu par SWOT est essentiel pour adapter les algorithmes d’analyse des données altimétriques à cette nouvelle configuration.
Une campagne au printemps pour calibrer les données en mer
Au printemps 2023, l’Ifremer et le Shom mèneront conjointement la campagne océanographique C-SWOT qui permettra de calibrer et valider les mesures du satellite. A bord de deux navires, l’Atalante et le Téthys, les scientifiques valideront in situ les mesures du niveau de la mer prises par le satellite à l’aide d’une panoplie d’instruments : des sondes remorquées pour cartographier les variations de température et de salinité et en déduire les variations du niveau de la mer, des drones de surface et des bouées dérivantes pour mesurer les courants et les vagues. Autant de données qui seront ensuite confrontées à celles de SWOT.
Les premières données devraient être accessibles à l’été 2023. Au fil de ses 3 années de service, SWOT alimentera les projets de recherche de la communauté scientifique du monde entier pour plusieurs décennies.
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