Sommes-nous des « Occidentaux » ? Par Laurent Ozon [L’Agora]

Pour répondre à cette question il faut préalablement définir le sens de ce concept. Il y a plusieurs définitions de ce qu’est l’Occident. La première : l’occident c’est ce qui est à l’Ouest. A l’ouest de quoi ? Chez les platistes ou dans un monde qui n’a pas compris la rotondité de la terre et découvert l’Amérique ça peut se défendre. Genre au 14e siècle. Parce que depuis, nous savons que nous sommes à l’Est des États-Unis qui sont eux-mêmes à l’Est de la Chine et personne n’imagine nommer la Chine « Occident » pour autant. Définition foireuse, on oublie ! . Deuxième justification possible : Si on nous appelle « occidentaux » et nos pays l’Occident alors nous sommes l’Occident. Que cela soit imprécis et daté peu importe, c’est une convention de language qu’il faut accepter. Curieux pour des personnes qui se disent identitaires, de se laisser nommer et définir par d’autres non ?. Mais il y a des précédents dans l’histoire et peu flatteurs (Deutsch, etc.).

C’est évidemment un argument très faible d’autant qu’il faut avoir peu voyagé pour croire que ce vocable est si souvent utilisé pour nous définir à l’étranger. On pourrait par ailleurs s’étendre sur le processus mimétique identitaire et ses renforcements sous contraintes conflictuelles mais ce n’est pas le sujet . Pour les « occidentistes » donc, l’Occident est un mot ancien que nous devrions utiliser autrement aujourd’hui pour nous désigner, pour désigner la civilisation commune qui s’étend de l’Amérique du Nord à l’Europe de l’Ouest. Peu importe le sens initial de ce mot, l’important c’est ce que nous voudrions qu’il dise. Nous partagerions une civilisation avec les États-Unis et le Canada et par acte affirmatif, nous décidons d’appeler ça « Occident ! 

On a là un truc intéressant. 

D’où quelques questions : sommes-nous réellement le même bloc ethnno-civilisationnel que les États-Unis ? Que nous soyons « etatsuniés » culturellement depuis quelques décennies comme d’autres pays et peuples dans le monde c’est indéniable. Mais est-ce notre identité ? Est-ce notre culture ? Est-ce notre histoire ? Est-ce notre géographie ? Sont-ce nos intérêts ? N’avons-nous pas de proximité civilisationnelle, géographique, culturelle, religieuse, ethno-culturelle ou d’intérêts communs avec la Russie qui n’est pas l’Occident ? Avec les autres pays méditerranéens qui ne sont pas l’Occident ? La Finlande, l’Australie ou l’Ukraine sont-elles « occidentales » ? La Géorgie est-elle « occidentale » ? Nous sommes un pays de longue culture catholique et l’Amérique du sud est principalement de culture catholique est-elle »occidentale » ? Israël qui est à l’Est du Maroc, est-il un pays occidental ? 

On aurait certainement beaucoup étonné Goethe, Copernic, Hypathie d’Alexandrie, Vernadsky, Rabelais ou Cervantès, Nietzsche ou Selma Lagerlöf, Léonard de Vinci ou Archimède en les qualifiant d’occidentaux. Claude Monnet « occidental »? Martin Heidegger « occidental » ? Napoléon ou Bismarck « occidentaux » ?

Mais bon, revenons à nos moutons. 

Après avoir répondu à ces questions on arrive évidemment à un constat :  « ok ce n’est pas un concept géographique, culturel, religieux, ou d’intérêts, c’est un ensemble techno-economique et ethnique partageant des valeurs communes ».

On avance. 

Il n’est donc pas question de religion, de géographie, d’histoire ni même réellement de culture. On désignerait alors par « Occident » le « monde blanc-caucasien » moderne et ceux qui portent la volonté de s’y agréger et qui sont de souches caucasiennes. 

Précision : on dit « blanc » chez les WASP, ce qui met hors-jeu les méditerranéens qui parlent français (« Speake White ! »), Qu’ils portent ou non des chemises hawaïennes. 

Il faut évidemment que ces « blancs » (on en reparlera aussi de ça) soient non musulmans. pourquoi non-musulmans et non non-juifs ou non-boudhistes ? Parce que nous serions en guerre « à mort » avec le « monde musulman » (l’Indonésie aussi ?) ou le « tiers-monde » (concept remis au goût du jour récemment : en clair tout ce qui n’est pas « occidental »).

Donc poursuivons! Peu importe la culture, la géographie, l’histoire, la continuité territoriale,. Un Occidental serait un habitant blanc de l’Occident, non-musulman, non-russe. Ainsi, selon cette définition,  BHL est bien-sûr plus « occidental » que Éric Zemmour (oui, et on n’est pas assimilationniste normalement si on est essentialiste). Patrick Bruel ou Kim Kardashian sont plus « occidentaux » que le pianiste russe Alexandre Malofeev. Sympa.

Bref, n’en jetons plus. Le concept d’ « Occident » peut à la rigueur désigner la continuité transnationale du monde anglo-saxon judéo-chrétien (mieux vaudrait donc le désigner directement ainsi) et toutes ses colonies mentales et économiques (mais un identitaire ne peut se définir comme un colonisé n’est-ce pas ?). Mais pour un Français, un Polonais, un Serbe ou un Allemand, bref, pour nous, ce concept ne dit rien de ce que nous sommes, de qui sont nos amis, nos frères en culture ou en spiritualité, de qui sont nos partenaires, de ce qu’est notre culture et notre histoire, des dynamiques économiques, technologiques, politiques que nous devons suivre. 

Le concept d’Occident désigne un périmètre de soumission. Se dire « occidental » dans le contexte actuel c’est ni plus ni moins plier le genou comme un vulgaire joueur de foot de l’équipe d’Angleterre, devant une puissance impériale et messianique dirigée par une élite corrompue et toxique. Se dire « occidental » c’est aussi se mutiler de notre histoire méditerranéenne, eurasienne et nier notre culture profonde. 

Les valeurs de cet occident parlons-en ! Le seul occident réel actuel (puisque tous les autres critères doivent êtres oubliés pour une définition immédiate qui se croit pragmatique), c’est la Cancel Culture. l’Occident réel est un empire moribond qui ne tient debout que grâce à une dette abyssale tirée sur le travail et les ressources du monde par un budget militaire phénoménal et une industrie médiatique du mensonge.  L’Occident réel, ce sont les milliardaires de la Silicon Valley qui se font construire des bunker en Nouvelle-Zélande. L’Occident réel c’est un complexe de transnationales contrôlées par des mafias financières qui détruisent nos peuples, notre économie, nos libertés, notre santé, nos cultures. 

Alors qui sommes nous ? Des enfants, des pères, des habitants d’un lieu, issus de familles qui vivent  ici depuis des centaines voire des milliers d’années. Elles ont des noms, nos pays et nos langues en ont déjà aussi. 

Occidental ? Pour faire la guerre à qui et pour le compte de qui ? 

Se dire « occidental », aujourd’hui, c’est se dire colonisé, soumis et heureux de l’être. Se dire occidental quand on est un Français ou un Européen, au moment où l’élite financière qui dirige le monde anglo-saxon nous ruine tout en nous poussant à nous entretuer, c’est passer à l’ennemi. 

Laurent Ozon (à retrouver sur Télégram ici)

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6 réponses à “Sommes-nous des « Occidentaux » ? Par Laurent Ozon [L’Agora]”

  1. domper dit :

    Presque tout est ,hélas ,vrai dans cette analyse effrayante….la manipulation des citoyens par la propagande médiatique jouant sur la peur est très efficace et les seuls  » résistants  » sont accusés de complotisme ! Monter les gens les uns contre les autres on connait bien le  » diviser pour régner « !

  2. Lecus dit :

    A l’époque le mouvement « Occident » voulait les « Rangers à Hanoï », le Parti des Forces Nouvelles se voulait « la quatrième composante de la majorité présidentielle » d’alors, puis récemment on s’est remis à souhaiter « l’union des droites »…

  3. Simonpierre Delorme dit :

    C’est un détail mais je ne comprends pas la phrase suivante de Laurent Ozon : « Curieux pour des personnes qui se disent identitaires, de se laisser nommer et définir par d’autres non ?. Mais il y a des précédents dans l’histoire et peu flatteurs (Deutsch, etc.). » Si j’ai bien compris ce que je lis, Laurent Ozon est mal renseigné. Il me semble, en effet, que Deutsch n’est pas un nom que les Allemands se seraient laissés donner (et qui serait peu flatteur ???) Au contraire, j’ai toujours appris que « teutsch » ou « deutsch » et ses variantes anciennes et modernes, de « teotisc » à teuton, tudesque, thiois etc, venaient d’une vieille racine I.E., « les gens, le peuple, » qui avait donné en pays celtique les « tuata » irlandais et chez nous le « tud » bas breton. On y opposait « l’étranger » : Welsch ou Welsh chez les Germains, mais aussi Gall chez nous et Bloch ou Wallach plus à l’est. Relire les bons auteurs.

    • Jacques Bordaiz dit :

      Deutsch du germanique theuda (peuple) via le vieil haut allemand theodisk, diutisk. Le terme indo-européen d’origine serait teutā (tribu). que l’on peut aussi traduire par « populaire » au sens de « vulgaire » (par opposition au latin, lange des élites intellectuelles, religieuses et politiques). Un qualificatif englobant (toutes les tribus) et dégradant (langue populaire, vulgaire, peu éduquée). Cela semble justifier l’exemple de Ozon.

      Pour comprendre *teutā, Jakob Wackernagel (Kleine Schriften) l’a rapproché du latin tōtus « tout », au sens de totalité, en entier. La langue de « toutes les tribus ».

      Un thème *uis-uo- « tout » (lit. visas, slovène ves) s’est croisé avec le thème *uik- « communauté, village » (skr. viś-, gr. οἶκος, lat. uīcus) pour donner le sanskrit viśva- « tout » au lieu du *viṣva- attendu. Cela laisse supposer que les notions de communauté et de totalité seraient ici issues d’une racine *uei- avec des extensions -s- ou -k- qui, anciennement, n’en obscurcissaient pas le sens primitif. La même concordance sémantique pourrait alors être relevée dans *teutā / *teutus.

      C’est intéressant mais ça n’éclaire guère plus l’origine de ces mots car tōtus n’a pas de correspondants hors du latin et est tout aussi inexpliqué que *teutā …

  4. Henri dit :

    L’Occident ? Je ne peux m’empêcher de penser à Friedrich Nietzsche. « Nous avons inventé le bonheur », diront les Derniers Hommes, en clignant de l’oeil. Nous aurons abandonné les contrées où la vie est dure, car nous avons besoin de chaleur. On aimera encore son prochain et l’on se frottera contre lui, car il faut de la chaleur. La maladie, la méfiance leur paraîtront autant de péchés ; on n’a qu’à prendre garde où l’on marche ! Insensé qui trébuche encore sur les pierres ou sur les hommes ! Un peu de poison de temps à autre, cela donne des rêves agréables. Et beaucoup de poison pour finir, afin d’avoir une mort agréable.
    On travaillera encore, car le travail distrait. Mais on aura soin que cette distraction ne devienne jamais fatigante. On ne deviendra plus ni riche ni pauvre, c’est trop pénible. Qui donc voudra encore gouverner ? Qui donc voudra obéir ? L’un et l’autre sont trop pénibles. Pas de berger et un seul troupeau ! Tous voudront la même chose, tous seront égaux ; quiconque sera d’un sentiment différent entrera volontairement à l’asile des fous. « Jadis, tout le monde était fou », diront les plus malins, en clignant ,de l’oeil. On sera malin, on saura tout ce qui s’est passé jadis ; ainsi l’on aura de quoi se gausser sans fin. On se chamaillera encore, mais on se réconciliera bien vite, de peur de se gâter la digestion.
    On aura son petit plaisir pour le jour et son petit plaisir pour la nuit, mais on révérera la santé.
    « Nous avons inventé le bonheur », diront les Derniers Hommes, en clignant de l’oeil. Ici prit fin le premier discours de Zarathoustra qu’on appelle aussi le Prologue ; car à ce moment les cris et l’hilarité de la foule l’interrompirent. « Donne-nous ce Dernier Homme, ô Zarathoustra, criaient-ils ; fais de nous ces Derniers Hommes ! Et garde pour toi ton Surhumain ! » Et tout le peuple exultait et faisait entendre des claquements de langue. […] L’Occident, l’Occident, l’Occident, décrit il y a presque 150 ans !

  5. Christophe Cros dit :

    Les Européens conscients seront de moins en moins occidentaux et de plus en plus eurasiens.

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