Les associations Juristes pour l’enfance et Famille et Liberté organisaient ce samedi 26 novembre 2022 un colloque pluridisciplinaire sur le thème des violences sexuelles entre mineurs (voir ici le programme complet)
Juristes (juge des enfants, procureur, avocat, maître de conférence, doctorant), assistante sociale, pédopsychiatre, psychologues, conseiller et formateur en vie affective, relationnelle et sexuelle ont décrypté un phénomène qui a explosé ces dernières années.
Claire de Gatellier, présidente de Famille et Liberté, expose que:
- entre 2016 et 2021, les violences sexuelles sur mineurs ont augmenté de 59,7 % avec une forte aggravation en 2020 et 2021, notamment à cause des différents confinements. En 2021, les mineurs mis en cause (ayant fait l’objet de dépôt de plaintes) pour des violences sexuelles représentent, selon un rapport du Sénat sur la délinquance des mineurs, 46% des mis en cause pour violences sexuelles sur mineurs.
- Un tiers des mineurs auteurs de ces violences ont eux-mêmes été victimes d’abus sexuels.
- Les auteurs sont de plus en plus jeunes, en majorité de 12 à 18 ans mais certains faits concernent des auteurs âgés de seulement 3 ans.
Quels signalements et procédures judiciaires ?
Pour Carole Hardouin – Le Goff, Maître de conférences à l’Université Paris Panthéon-Assas et directrice des études de l’institut de criminologie et de droit pénal de Paris, « le principe éducatif doit toujours l’emporter sur le répressif. (…) La justesse de la réaction pénale à l’égard d’un mineur auteur de violences sexuelles consiste à ne pas l’accabler mais à agir pour le préserver de la récidive. »
Benoit Le Dévédec, juriste au CRIAV IDF et doctorant, explore la notion de discernement du mineur auteur et attire l’attention sur la nécessité pour les professionnels de bien connaitre les infractions en matière sexuelle afin de pouvoir discerner les cas exigeant un signalement ou une dénonciation.
Violaine Thomas, assistante sociale au service judiciaire d’investigation éducative de la Sauvegarde des Yvelines, témoigne d’expériences encourageantes de travail éducatif mené avec des mineurs auteurs et leur famille.
Sur la question des violences sexuelles entre frères et sœurs « Il faut encourager les parents à agir pour montrer aux auteurs que leur acte est grave et aux victimes qu’elles sont protégées » conseille Maître Adeline Le Gouvello, avocate au barreau de Versailles, même si « Signaler des violences au sein de sa propre famille demande du courage ».
Frédéric Teillet, procureur de la République à Rouen, souligne la nécessité de saisir le parquet dont il rappelle le rôle essentiel pour qualifier les faits et décider des suites à donner.
De manière générale, il y a beaucoup de peur et d’inquiétude sur la manière de réagir. C’est ce qu’analyse Violette Guillois, magistrat ayant exercé les fonctions de juge des enfants : « Très souvent, l’auteur de violences sexuelles a été lui même victime d’abus, mais il n’y a pas de déterminisme quand il y a l’intervention d’un tiers. D’où l’importance de se tourner vers la justice. »
« Un enfant a-t-il le développement psycho-sexuel pour consentir ? »
Sujet récurrent dans cette journée de travaux, la question du consentement. Pour Anne-Sixtine Pérardel, conseillère en vie affective et sexuelle et co-fondatrice de l’association Déclic qui agit pour aider les enfants et adolescents à sortir de la « porno-sphère », le consentement chez les mineurs est tout simplement un mythe. « La relation au corps est primordiale pour aborder les violences sexuelles entre mineurs. Si je n’ai pas conscience que je mérite le respect, je ne peux consentir. D’où l’importance d’acquérir l’estime de soi » insiste-t-elle.
Mineurs concernés par les violences sexuelles : une prise en charge est possible
Le Docteur Maurice Berger, pédopsychiatre et psychanalyste, alerte sur cette autre réalité : le risque de suicide chez les mineurs auteurs de violences sexuelles, qui peuvent être rejetés et vus comme des monstres. Si la priorité reste d’empêcher la récidive, il faut aussi prendre soin de l’auteur et l’amener à prendre conscience des actes posés, des dégâts causés et lui permettre d’accéder à l’empathie vis-à-vis de la victime.
Du côté des victimes, l’enjeu se situe dans la possibilité de parler de ce qu’il s’est passé. « Il n’est pas rare qu’un enfant choisisse à qui il veut parler. Il va par exemple se tourner vers une personne qui a pris soin de lui » explique Richard Ziadé, directeur de l’association Jean Cotxet qui œuvre dans la protection de l’enfance. « L’agression sexuelle chez un enfant est comme un incendie, une effraction dans son corps. Il faut prendre en compte la propagation du mal généré, d’où la nécessité d’une prise en charge globale, hollistique. »
L’influence de la pornographie
« Avec l’apparition du porno en ligne et les smartphones dans les poches des enfants, les agressions sexuelles ont flambé » prévient María Hernández-Mora, psychologue clinicienne en addictologie, responsable de l’Unité d’addictions sexuelles et cybersexuelles du CSAPA (Ermont, 95).
Avec « l’apprentissage » de la sexualité par la pornographie, le consentement n’existe pas. La pornographie submerge l’esprit de l’enfant et peut créer une dépendance semblable à de la cocaïne ou autre drogue dure.
Les chiffres sont significatifs : « Le premier contact avec le porno se fait en moyenne à 9 ans, dans la majorité des cas de manière accidentelle. L’enfant est sidéré, vit un véritable choc psychique. Il ne sait pas se situer entre l’excitation et le dégoût de son corps. Il revient à ces mêmes contenus pour comprendre ce qui lui arrive » explique María Hernández-Mora.
« 80% des jeunes qui regardent des contenus pornographiques reproduisent par mimétisme les pratiques visionnées dans leur vie sexuelle. » précise la psychologue.
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