Château de Vaux : L’improbable résurrection du vin de Moselle

Si les prodromes du réchauffement climatiques commencent tout juste à rebattre les cartes des terroirs, leurs effets « bénéfiques » pour l’implantation de nouveaux vignobles n’ont pas attendu la reconquête des coteaux mosellans, entamée dès 1999 par la famille Molozay.

Situées à une dizaine de kilomètres au sud de Metz, les vignes héroïques du château de Vaux flirtent avec les confins septentrionaux de l’Est de de la France. Mais il y a 20 ans encore, ce terroir de poche   aux « portes de la mort », aurait pu être raisonnablement perçu comme un vignoble de l’extrême.

À cette époque, on assignait à la liane sauvage des frontières bioclimatiques au-delà desquelles elle risquait de s’exposer aux conséquences fatales du gel et que la maturité des raisins était fortement hypothéquée.

Aujourd’hui la donne a changé, les 16 propriétés qui se disputent l’étroitesse des 70 hectares de l’appellation protégée des côtes de Moselle (loin des 9000 hectares de la Moselle allemande bénéficient de meilleures conditions d’ensoleillement. La jeune AOP largement en dehors des radars peut toutefois s’enorgueillir de compter dans ses rangs, les magnifiques vins porte-drapeau du château de Vaux.

Sans trouver le moindre contredit, les vins blancs comme les vins rouges de cette propriété mosellane font fureur et collectionnent depuis une petite décennie les acclamations des guides spécialisés. Bien évidemment, la tentation est grande de ramener ce fleuron du vin lorrain à une comparaison bassement alsacienne, mais gardons-nous d’un tel raccourci car les vins défendent une ligne bien différente, même si les vins partagent volontiers quelques accointances stylistiques avec leurs prestigieux voisins, à prix plus doux…

D’usine à Sekt, aux nouvelles ambitions du terroir lorrain

L’histoire vinicole du château de Vaux   prend son essor sous les auspices de l’Allemagne qui annexe l’Alsace et la Lorraine après la défaite de 1871. Le marché Outre-Rhin affectionne un pétillant léger produit en gros volumes, appelé « Seck », pour lequel le château de Vaux entame une nouvelle spécialisation.

Au début du 20ème siècle, la crise du phylloxéra anéantit les vignes et les débouchés allemands s’amenuisent. Dès lors la propriété va connaître des fortunes diverses au gré de nombreuses reconversions (tantôt colonie de vacances tantôt maison de retraite) qui l’éloigneront progressivement de son origine viticole.

L’arrivée du couple Molozay en 1999 rompt la somnolence de cette belle endormie, et pose les premières fondations d’une propriété à l’origine de vins capables d’incarner la notion de grands crus sur le terroir de Moselle.

Dans cette quête de la qualité, le choix de la biodynamie va se révéler décisif, même si l’entreprise de conversion est plutôt hardie pour une région abonnée aux temps humides et frais. Manifestement des conditions météorologiques qui prédisposent la pression des maladies cryptogamiques.

En moins de deux décennies, en lien avec cette nouvelle conduite du vignoble, la ligne des vins dans les deux couleurs, va   gagner en magnificence, au point de faire aujourd’hui  jeu égal avec les monuments de la Moselle alémanique et certains des plus beaux exemplaires alsaciens érigés en modèle du genre.

Vignoble de cuesta

Les vignes du château de Vaux prospèrent en front de cuesta sur les fortes pentes de la Moselle qui prolongent la succession des cuestas du Bassin parisien (côte de l’ile de France, côte de Champagne notoirement propices à l’établissement d la vigne.

À cette latitude septentrionale extrême, les versants du front de cuesta offrent une salutaire situation d’abri face aux intempéries de l’Ouest.  Depuis 30 ans, le vignoble lorrain regagne des couleurs, à commencer par les côtes de Toul, célèbres pour leur rosé gris aux accents acidulés inimitables qui révèlent tous leurs atouts de fraîcheur en comparaison des insipides rosés de Provence.

La vigne y reste éparse et isolée, uniquement accrochées aux flancs des cuestas et le chemin vers légitimité et une vraie visibilité face à ses prestigieux voisins demeure ardu. Il n’empêche, l’ancrage résolument territorial constitue pour les vins mosellans une assise territoriale précieuse, et ces derniers peuvent dorénavant compter sur le soutien d’un marché régional attaché à l’identité lorraine de ses vins.

Deux superbes réussites :

Septentrion est une cuvée d’assemblage (pinot gris, muller-thurgau, auxerrois) vendue dans un flacon de type flûte alsacienne qui se pose en résonance parfaite avec la forme allongée de la bouteille. Le vin présente en effet une ligne élancée et manifeste une vraie sensation de verticalité qui le place d’emblée dans la cour des grands vins blancs secs.

Prix : 19€

La présence du muller-thurgau cépage hybride emblématique de la viticulture de masse de la Moselle rhénane montre toute les vertus de sa réhabilitation avec cette nouvelle capacité à délivrer des notes fruitées appuyées au-delà de l’austère acidité métallique qui l’a longtemps caractérisé.

Septentrion trace cependant une voie proprement mosellane. Quelle délicieuse ironie du terroir dans le fait de retrouver de surprenantes flaveurs de mirabelles et de reine-claude dont le fruité ravageur s’ajuste à merveille à la vigoureuse ossature minérale du vin. Incontestablement, septentrion tend à s’imposer comme un cador dans la catégorie des grands blancs mosellan et se place sur le même piédestal que ces rivaux alsaciens ou rhénans.

Les Clos, 100% pinot noir. Cette cuvée est à ranger au rayon des très belles affaires pour tous les amoureux du pinot noir. Il déploie en outre un fruité frais et croquant mais profond, serti dans un boisé soutenu qui ne dénature en rien la belle signature de baies rouges si caractéristique du cépage. Vin de moyenne garde, la cuvée les Clos offre une sérieuse alternative aux pinots bourguignons avec une touche rustique en plus, mais dans le bon sens du terme.

Prix : 19€

Les vins sont disponibles chez la maison Lemaitre à Nantes

Raphno

Crédit photos : DR
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