« Reconquête ou sécession » Pourquoi ce débat ? Il nous a semblé qu’il s’agissait là d’une question primordiale pour toute personne souhaitant s’engager. A quoi sert de parler politique si l’on n’agit pas ? Les commentaires portant sur le déclin civilisationnel sont devenus un exercice de style presque banal. Il faut être aveugle, ou partisan du néant, pour ne pas voir ce que les faits nous révèlent : nous arrivons à la fin d’une période.
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Sécession ou reconquête ?
Pour bien comprendre le sens de la question que posent aujourd’hui nos camarades d’Academia Christiana, il faut revenir a minima sur la signification de ces deux mots.
« Reconquérir » signifie récupérer par la lutte ce que l’on nous a pris.
« Faire sécession » signifie au contraire s’exclure volontairement de quelque chose qui nous appartenait, mais dans lequel nous ne nous reconnaissons plus, quelque chose qui nous est devenu insupportable, peut-être justement parce qu’il nous a été pris d’une manière ou d’une autre, par la force ou par la ruse, d’un coup d’un seul, ou au grès des années qui passent.
Faire sécession, c’est donc affirmer vouloir se séparer d’une partie de nous-même pour masquer discrètement le fait que nous ne sommes plus capables de la maintenir en l’état ici et maintenant. Par comparaison, choisir la sécession plutôt que la reconquête, c’est donc préférer une forme de fuite discrète à une « extension du domaine de la lutte » pour reprendre l’excellent titre de Michel Houellebecq.
Cette façon d’envisager l’action est incompatible avec les positions de l’Institut Iliade, qui affirme au contraire son objectif de reconquête intégrale. Nous nous efforçons depuis notre fondation au sommet du Mont Olympe lors du solstice d’été de l’année 2014 de proposer une conception du monde cohérente, globale, radicale et alternative au monde techno marchand dans lequel s’ébroue mollement la MHI, la matière Humaine Indifférenciée, cette humanité industrielle devenue une pâte humaine liquéfiée et interchangeable selon l’expression de Renaud Camus, qui lui-même propose, la reconquête depuis sa citadelle gasconne.
Faire sécession est également contre-productif, pour ne pas dire incohérent, car cela implique une séparation vers quelque chose d’autre qui, par définition, sera nécessairement différent. Or, l’objectif n’est pas de devenir différent, mais de le rester : être ce que nous sommes où nous sommes, en revendiquant un « droit à la continuité historique » sur le territoire de nos ancêtres, ceux sans qui nous ne serions rien, et à qui nous devons de faire perdurer la lignée.
Nous refusons d’êtres des migrants ou des déracinés sur notre propre terre !
Historiquement, il existe en fait deux façons d’envisager concrètement la sécession.
Celle des communautés confessionnelles qui, à l’époque moderne, ont pris le chemin d’une expatriation lointaine et durable. Je parle des quakers anglais et des anabaptistes de l’espace germanique. Leur départ outre-Atlantique a été l’occasion pour eux de créer ailleurs un Nouveau monde, susceptible de transcrire leurs idéaux dans une réalité vierge. C’est ce mythe sécessionniste qui irrigue d’ailleurs aujourd’hui l’univers mental des Etats-Unis d’Amérique, gendarme d’un monde universel qu’ils veulent à leur botte.
Simplement, deux questions émergent de ce constat concernant ces communautés :
1. Avaient-elles le choix ? ;
2. Qu’ont-elles fait là-bas ?
Pour faire court, c’est la lie sécrétée par l’Europe, civilisation complexe, qui a été chassée de la terre-mère et qui a fondé une nouvelle société, produit de ce messianisme vétéro-testamentaire. Une société qui s’est largement éloigné de la tradition européenne pour devenir autre chose.
Par ailleurs, leur utopie de société nouvelle n’a su partiellement se conserver que dans le cadre de communautés fermées, condamnées à la mise à distance d’un monde sur lequel ils n’ont pas prise. Il suffit pour cela de penser aux communautés Amish aux États-Unis, ou aux Huttites du Canada. Et nous ne voulons pas devenir des Amish, ni des gardiens de musée d’ailleurs !
Un autre exemple éclairant nous vient des « communautés » artificielles, des années 60 et 70 par une approche dite hippie. En partant « élever des chèvres dans le Larzac », pour ne prendre que ce cas particulièrement caricatural, elles ont en réalité construit un monde « hors-sol » idéalisé, en opposition au monde « réel » qui a continué à avancer sans elles. Un alter-monde, en somme, soumis à l’adoption de règles logiques perçues comme « supérieures », mais qui se situent en réalité à l’antipode de la complexité qui nous a été transmise depuis l’antiquité grecque, à une époque où la culture européenne n’envisageait pas l’opposition autrement que comme une forme constructive de « complémentarité des contraires ».
C’est cette ligne de crête, mainte fois rappelée par Jean-François Gautier, que nous vous proposons de suivre. C’est la voie européenne, une troisième voie en quelque sorte.
La sécession traduit donc politiquement un des « instincts » de conservation les plus élémentaires : la mise à l’abri, la retraite, la rétraction sur une base vitale. Il s’agit de quitter physiquement une situation devenue intolérable pour un mode de vie plus sécurisant, plus familier, plus apte à s’inscrire avec cohérence dans une certaine vision du monde.
Dans le règne animal, cet instinct de préservation, qui consiste à fuir le danger, relève de la capacité de survie.
Chez l’être humain en revanche, il ne constitue pas véritablement un instinct de survie, mais plutôt un confort lié à un besoin de stabilité intérieure. Or comme nous le verrons lors de notre prochain colloque annuel consacré à l’effondrement anthropologique de l’homme en général et des Européens en particulier, il nous faudra passer par un certain refus de ce confort pour échapper aux desseins de la grande machine universelle et rester ce que nous sommes, aussi dans notre être physique et spirituel.
D’un point de vue psycho-social, le sécessionnisme apparaît donc comme un escape game collectif visant à recréer ailleurs et à une autre échelle une réalité collective identifiée comme « plus digne ». L’ensemble tient à un seul et même facteur : le sentiment d’impuissance, l’impossibilité de l’action et l’espoir de les recouvrer dans une réalité alternative.
Pensons au film Interstellar de Christopher Nolan dans lequel le héros, un ancien astronaute de la Nasa, devenu agriculteur est appelé à reprendre du service pour sauver l’humanité de l’extinction. Coopper, le héros entreprend un long voyage interstellaire en abandonnant ses champs et ses enfants, affrontant mille périls lors des traversées de trous noirs et de trous de vers, pour finalement découvrir grâce à une boucle temporelle nichée dans le Tesseract le moyen de sauver l’humanité en colonisant une nouvelle planète. La morale, toute sécessionniste et très hollywoodienne, est celle de la fuite et du renoncement. Cette humanité prétendant se sauver en colonisant une nouvelle planète ne fera certainement qu’y créer les conditions de sa perte qui sont celles qui, précisément l’ont poussée à se déraciner et à fuir le cocon originel.
Nous ne voulons pas fuir comme les Quakers ou les astronautes hollywoodiens, mais bâtir des caravelles et des fusées au service de notre terre, de notre sang, et de notre civilisation. Mais revenons sur terre et entendons aujourd’hui le gouvernement se poser à lui-même la question de la localisation des migrants, « fraîchement arrivés » dans les campagnes de France. Nos ennemis organisent le grand remplacement de nos peuples par d’autres peuples, les choses sont désormais claires et officielles.
Que vont faire ceux qui sont entrés dans l’engrenage sécessionniste face à ce péril ? Où s’arrêtera la fuite en avant ?
Ils ont, nous avons, en effet à notre disposition toute la France, puis l’Europe, puis les cinq continents, puis la Terre entière, puis le cosmos et l’espace intersidéral pour leur échapper. Autant dire qu’il existe autant de possibilités grâce au terrain perdu pour organiser de nouveaux flux migratoires à l’ombre du drapeau « No Border ». Face à cette absence théorique de limite, il est donc fondamental de raisonner à la bonne échelle. Le monde à reconquérir n’est pas ailleurs, il est ici !
Enfin, ce que l’on doit regretter in fine, c’est que l’Europe des élites ait déjà elle-même fait sécession face aux valeurs qui sont historiquement les siennes. Un attachement intrinsèque aux libertés, un sens de la mesure et des équilibres nécessaires à une vie naturelle et saine, un esprit complexe à la fois sensible, explorateur et bâtisseur, une décence commune orientant leurs actions au service du peuple, un enracinement dynamique…
Comment l’aider dans cet exercice de reconquête tous azimuts ? Pour commencer, on peut évoquer la figure du Rebelle d’Ernst Jünger.
S’il lutte contre Léviathan, c’est avant tout dans sa « sécession intérieure » que le Rebelle, par le « recours aux forêts », retrouve sa souveraineté en tant qu’« individu ». Dans toute la profondeur et la subtilité du développement jüngerien, il reste partagé entre une forme de liberté (assimilable ici à la sécession) et une forme de nécessité (ici à la reconquête). La sécession y apparaît avant tout comme une lutte intérieure, une lutte de l’être, une réflexion sur soi-même qui constitue le travail de toute une vie.
Nous ne sommes pas en sécession parce que, au terme d’une réflexion ou d’une expérience, nous décidons de rompre avec le monde tel qu’il est. Nous sommes en sécession précisément parce que nous n’adhérons pas à la réalité actuelle du monde. En ce sens, notre sécession est un état, et non un acte.
On ne fait pas sécession, on est en sécession. Tout l’enjeu consiste donc, et c’est ce qu’il convient de souligner aujourd’hui, à ne pas céder à une mise à l’écart superficielle pour fuir ce sentiment de rupture. Il faut au contraire en sonder toute la profondeur, ressentir le vertige de l’abîme tout en continuant à se confronter à la réalité telle qu’elle est. Une Europe confrontée à la chute des capacités cognitives de ses enfants ; à la submersion migratoire, sub-saharienne notamment ; à des troubles identitaires multiples ; à un déclin démographique manifeste ; à une extension continue du domaine de la marchandise et de la technique ; à une fatigue généralisée ; à une rupture avec les réalités naturelles, avec le monde sauvage, avec la mort et la vie tout simplement…
Pour cela, il est nécessaire de donner une orientation à notre sécession, c’est-à-dire un horizon poétique et spirituel capable d’ouvrir la voie à un cheminement intérieur qui réponde aux exigences du combat. Et cette conception du monde doit s’incarner dans un type d’homme. C’est à nous de l’incarner face à cet effondrement anthropologique et c’est la condition sine qua non de la reconquête.
Pour autant, comme nous ne sommes pas des idéologues de la gauche morale hors-sol qui cherchent par tous les moyens à tordre la réalité pour la faire rentrer dans leur carcan, nous envisageons l’engagement politique comme la confrontation active au monde réel tel qu’il est, dans toute son hostilité.
Le recours à un monde préservé par ses grandes permanences s’impose alors comme une nécessité.
C’est bien là le sens qu’il faut donner à la métaphore du Recours aux forêts. Car une reconquête qui constituerait une lutte factice, sans réel fondement, est vaine. Elle doit au contraire s’inscrire dans la continuité d’un combat intérieur, nourri et orienté par notre longue mémoire. Reconquérir en abandonnant ce que l’on est, à l’image de ces professionnels de la politique politicienne qui renient tout, est aussi stupide et stérile que certaines formes de sécessions.
En lieu et place d’une sécession trop facile, l’Institut Iliade privilégie donc le ressourcement comme une base arrière privilégiée et mobilisable pour un combat authentique. Le renouement avec les grands espaces, la soustraction aux mécanismes des technostructures, l’immersion dans une convivialité élégante et pacifiée, doivent nous donner le courage et la force de mener le combat et de l’emporter.
Les grands monastères de l’Occident chrétien, évoqués plusieurs fois aujourd’hui, n’ont pas été construits pour offrir à quelques-uns la possibilité de cultiver une vie intérieure loin du tumulte du monde. Les moines, depuis leurs monastères, ont donné forme au monde, et toute leur vie spirituelle a été mise au service de ce qu’ils concevaient comme une lutte eschatologique. Aujourd’hui, c’est dans nos villes ou derrière les murs de nos maisons de campagne, dans nos cercles d’amis, à l’ombre des grandes œuvres de la tradition européenne, que se tiennent partout, en secret, les conseils de guerre de la grande reconquête politique et spirituelle.
Une journée comme celle-ci, chers amis, porte en elle assurément les prémices d’un tel conseil de guerre.
Je vous remercie de votre attention et vous propose de vous quitter avec cette citation de Jean Mabire issue de son recueil de 1991 sur les Solstices : « Notre monde est en train de naître. Invisible comme les fleurs et les blés de demain, il fait son chemin sous la terre. Nous avons déjà nos racines, solidement enfoncées dans la nuit des âges, ancrées dans le sol de nos peuples, nourries du sang de nos anciens, riches de tant de siècles de certitude et de courage que nous sommes les seuls à ne pas renier. »
Romain Petitjean
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