En cas d’infraction, ne pas communiquer aux forces de l’ordre son code de déverrouillage de téléphone portable constitue un délit de « refus de remettre une convention secrète de déchiffrement » selon un arrêt rendu par la Cour de cassation, plus haute juridiction de l’ordre judiciaire français, réunie en assemblée plénière.
Refuser de donner son code de déverrouillage, un délit ?
La généralisation du téléphone portable dans notre société a occasionné depuis plusieurs années une certaine zone d’ombre juridique autour de l’obligation de donner son code de déverrouillage aux autorités lorsque celles-ci le réclament.
En 2018 déjà, nous rapportions une décision du Conseil constitutionnel du 30 mars qui précisait alors qu’était passible de trois ans de prison et de 270 000 euros d’amende quiconque refusait de remettre « une convention secrète de déchiffrement d’un moyen de cryptologie susceptible d’avoir été utilisé pour préparer, faciliter ou commettre un crime ou un délit ». Par ailleurs, la loi sur la sécurité quotidienne avait introduit une peine en cas de non-divulgation de moyen de déchiffrement dans une procédure judiciaire : 5 ans de prison et 450 000 € d’amendes.
Toutefois, cette obligation de divulguer son code de déverrouillage ne pouvait être punie par la loi qu’à certaines conditions très précises, dont l’une était de passer par le juge. Devant lequel les forces de l’ordre devaient prouver que les données déchiffrées étaient de nature à aider l’enquête en cours. D’autre part, un suspect ne pouvait être sanctionné pour cette non-divulgation qu’après qu’il ait été prouvé que celui-ci était en possession du code de déchiffrement.
Relaxé par le tribunal correctionnel puis par la cour d’appel
Mais ce flou législatif a connu un nouveau tournant lundi 7 novembre 2022. Réunie en assemblée plénière (sa formation la plus solennelle), la Cour de cassation a tranché en indiquant qu’un refus de donner un code de déverrouillage d’un écran d’accueil de téléphone portable aux autorités pouvait constituer un délit car ce code est une « convention secrète de déchiffrement d’un moyen de cryptologie », au sens de la loi pénale. Une décision venue confirmer la jurisprudence sur ce sujet.
À l’origine de cette décision, se trouve une affaire de trafic de drogue. Le prévenu, arrêté pour possession de stupéfiants, a alors refusé, au cours de sa garde à vue, de donner aux enquêteurs les codes permettant de déverrouiller deux téléphones susceptibles d’avoir été utilisés dans le cadre du trafic en question.
Présenté par la suite devant le tribunal correctionnel de Lille pour cette détention de cannabis mais aussi pour n’avoir pas communiqué ses codes de déverrouillage aux autorités, le prévenu ne sera finalement pas condamné par le tribunal pour ce refus de remettre aux enquêteurs la «convention secrète de déchiffrement d’un moyen de cryptologie » susceptible d’avoir été utilisée pour commettre cette infraction.
Par la suite, la décision du tribunal correctionnel de Lille est confirmée par la cour d’appel de Douai, relaxant également l’individu de cette infraction car considérant que le code n’était pas une « convention de déchiffrement ». La cour d’appel appuyant sa décision sur le fait que ce code de déverrouillage ne permettait pas de décrypter des données mais uniquement de débloquer l’accès à un écran d’accueil de téléphone portable.
Code de déverrouillage : la Cour de cassation s’en est mêlée
Toutefois, le feuilleton n’en était pas encore à son ultime rebondissement. En effet, cette décision de la cour d’appel a été censurée en 2020 par la chambre criminelle de la Cour de cassation, saisie une première fois, qui avait alors considéré que celle-ci avait eu un raisonnement « général et erroné ».
Avec pour conséquence un renvoi de l’affaire devant la cour d’appel de Douai. Cette dernière, refusant de suivre cette jurisprudence, confirmera sa décision antérieure de relaxe.
Puis, après un pourvoi du parquet général, la Cour de cassation réunie en assemblée plénière (au sein de laquelle toutes les chambres de la Cour sont représentées) a donc réexaminé la question le 14 octobre 2022, avec à la clé la décision indiquée précédemment, cassant ainsi l’arrêt de la cour d’appel de Douai.
Désormais, l’affaire est renvoyée devant la cour d’appel de Paris tandis que le prévenu devra être rejugé.
Crédit photo : DR (photo d’illustration)
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2 réponses à “Téléphone portable. Refuser de donner son code de déverrouillage aux policiers : un délit selon la Cour de cassation”
C’est de la rigolade ! La police peut à tout moment intercepter les communications d’un portable. Mieux : la police peut à tout moment allumer un portable éteint ! C’est pourquoi les équipementiers ne fournissent plus de portables avec une batterie amovible : ordre d’Interpol, au motif de « lutter contre le terrorisme ». Rassurez-vous, les terroristes disposent de bien d’autres moyens de communiquer en toute discrétion ! Et les mafias aussi.
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