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Entretien avec Krzysztof Bosak, député nationaliste polonais et ancien candidat à la présidentielle.

Krzysztof Bosak est député nationaliste polonais, élu en 2005 sur les listes de la Ligue des familles polonaises et en 2019 sur celles de la Confédération de la liberté et de l’indépendance. Il a été, en 2020, le candidat de cette dernière à la présidence de la République et est arrivé, à l’issue du scrutin, en quatrième position en obtenant 6,78 % des voix. Il est également le vice-président de Ruch Narodowy (Mouvement national), qui est une des composantes de la Confédération de la liberté et de l’indépendance. Lionel Baland l’a interrogé, lors du Forum économique de Karpacz, pour Breizh-info.

Breizh-info : Vous avez été élu député en 2019 sur les listes de la Konfederacja Wolność i Niepodległość (Confédération de la liberté et de l’indépendance), dont vous êtes actuellement vice-président du groupe parlementaire.  

Krzysztof Bosak : La Confédération de la liberté et de l’indépendance a été créée en mai 2019. Nous nous sommes présentés aux élections européennes et avons obtenu 4,55 % et pas d’élu. La même année, en octobre, lors des élections législatives, nous avons décroché 11 élus sur les 460 que compte la Chambre des députés, avec 6,81 %.

Nous sommes dans l’opposition au parti qui dirige la Pologne, Droit et justice (PiS), et à ses alliés. Nous ne sommes pas celle de gauche/centre-gauche, mais celle de droite. Nous pensons que le gouvernement Droit et justice, qui est de centre/centre-droit et un peu populiste, a introduit, en fait, une politique économique et sociale sociale-démocrate et est vraiment beaucoup trop favorable à l’Union Européenne et trop soumis au globalisme et au politiquement correct. Nous sommes une coalition de partis politiques vraiment de droite. Nous disposons de quatre piliers et de trois courants idéologiques. Le premier courant est national-conservateur ou chrétien nationaliste et est représenté par Ruch Narodowy (Mouvement national), un parti politique qui existe depuis 2014, mais qui tire ses racines dans des idées du XIXe siècle au sein du mouvement national-démocratique polonais qui est devenu au début du XXe siècle un mouvement national-catholique. Il contient des idées de la pensée du catholicisme social et nationalistes chrétiennes. Le deuxième est la composante conservatrice-libertarienne, qui, en 2019, lors de la formation de la Confédération de la liberté et de l’indépendance, était KORWIN (Koalicja Odnowy Rzeczypospolitej Wolność i Nadzieja – Coalition pour la restauration de la liberté et de l’espoir de la République), dont le leader est le fameux et controversé politicien confirmé Janusz Korwin-Mikke qui a été aussi député européen et est connu internationalement pour ces propos politiquement incorrects portant sur tous les sujets. Il ne connaît pas de limite dans le politiquement incorrect. Il est vraiment intelligent et aime provoquer, tant dans les médias, qu’en politique et sur Internet. Il a une vision très libérale de l’économie et très conservatrice dans les autres domaines. Cette tendance de la coalition s’est divisée en deux partis : KORWIN et Wolnościowcy (Libertariens). Ces deux formations développent les mêmes idées, mais la scission est due au fait que certains ne désirent pas être liés à des propos très controversés de Janusz Korwin-Mikke et aux prises de position de ce dernier au début de la guerre en Ukraine qui peuvent apparaître pro-russes. Le troisième est traditionnaliste. Il est représenté par le parti KKP (Konfederacja Korony Polskiej – Confédération de la couronne polonaise, en abrégé Korona – La couronne) de Grzegorz Braun, qui est un homme de médias, ancien réalisateur de films documentaires, très anticommuniste, très conservateur voire traditionnaliste, monarchiste, défenseur de la liberté de marché et opposant aux mesures anti-Covid, notamment à la vaccination obligatoire. Il est un des leaders en Pologne dans ce dernier domaine cité.

Cela, ce sont les structures de la Confédération de la liberté et de l’indépendance. La direction est constituée du Conseil de direction, dont je suis membre, composé de douze personnes. La Confédération n’est pas dirigée par un seul individu. Nous essayons de développer un contrôle démocratique en son sein. Nous avons pour objectif de mettre à la disposition des électeurs une alternative de droite aux partis de centre-droit, qui sont en ce moment Droit et justice (PiS) et ses petits alliés comme Solidarité Pologne (Solidarna Polska, abrégé en SP) ou d’autres petits groupes alliés de Droit et justice. Nous pensons que la Pologne a besoin d’une alternative pragmatique, idéaliste et réaliste dans le domaine économique et des relations internationales, et plus souverainiste face à l’Union Européenne.

Nous sommes ignorés ou attaqués par les médias gouvernementaux, privés et étrangers. Nous utilisons les réseaux sociaux, mais nous y rencontrons également des difficultés car les grandes entreprises technologiques ont introduit l’année dernière de nombreuses mesures de censure. Par exemple, Facebook a supprimé notre profil qui était le plus influent au sein de la politique polonaise. Nous avions des millions de lecteurs et il a été simplement éliminé. Nous avons obtenu gain de cause lorsque la justice a décidé que Facebook n’avait pas le droit de faire cela. Mais le problème existe aussi avec Google et d’autres plateformes Internet qui ont la censure au sein de leurs racines idéologiques. Cela arrange aussi le parti Droit et justice (PiS) que l’alternative de droite que nous représentons soit victime de telles pratiques. En Pologne, les grandes compagnies technologiques sont en bons termes avec le gouvernement. Que celui-ci soit soi-disant de droite ou de gauche, elles travaillent avec lui et gagnent de l’argent dans le cadre de la « transformation digitale ». Nous sommes des cercles politiques indépendants de ces entreprises. Nous avons de la crédibilité auprès de nos électeurs. Cela constitue notre plus grand capital. Sur toutes les grandes questions, nous avons eu raison. Nous avons prédit qu’il y aura une grande inflation, de très gros problèmes avec la monnaie européenne et une très grande augmentation des coûts de l’énergie, à cause de la politique suivie en Pologne en matière de charbon et de mines de charbon. Nous avons annoncé que le confinement n’aurait pas de bonne influence sur la santé publique et une très mauvaise sur l’économie. Nous avons, à chaque fois, vu juste. Peut-être que tout le monde en Pologne ne sait pas ce que nous avons proposé dans chaque domaine, mais une partie des électeurs nous fait confiance car elle sait que nous sommes des gens honnêtes avec une vision claire et que nous ne faisons pas des voltes-faces sur tous les sujets.

Breizh-info : Droit et justice est connecté avec des patriotes et des nationalistes dans d’autres pays, par exemple avec Frères d’Italie de Giorgia Meloni ? 

Krzysztof Bosak : Ils coopèrent avec de nombreux partis politiques à l’étranger, aussi avec certains qui ont leurs racines dans le mouvement nationaliste. Mais, nous pouvons dire honnêtement qu’ils n’apprécient pas cela. La direction de Droit et Justice a toujours été fortement opposée au nationalisme. Ils sont issus de cercles de l’intelligentsia polonaise qui pensent que le nationalisme est mauvais. Mais ils comprennent le pragmatisme de la politique internationale au Parlement européen et ils savent qu’ils ne sont pas le bon partenaire pour le parti européen mainstream de centre-droit PPE et donc ils coopèrent ou tentent, d’un point de vue réaliste, de le faire avec certains partis nationalistes ou ex-nationalistes, mais ils n’apprécient vraiment pas cela parce que la direction du parti Droit et justice est composée de la vieille génération de politiciens centristes anticommunistes ou même un peu de gauche intellectuelle qui sont devenus les dirigeants d’abord du mouvement anticommuniste puis de l’ainsi-dénommé mouvement politique de droite. Mais en Pologne, la majorité de la direction du centre-droit est similaire au mouvement néo-conservateur des États-Unis. Certains d’entre-eux sont d’anciens gauchistes qui étaient anti-communistes et qui sont devenus ainsi de droite. Si vous savez cela, vous pouvez comprendre facilement qu’ils n’aiment pas le nationalisme. Par exemple, ils ont critiqué plusieurs fois très fortement le courant national et le Front national (France), considérés comme mauvais, et les nationalistes comme étant pro-russes, xénophobes, racistes et antisémites, comme le font les mainstream. Leur critique du nationalisme a toujours été la même que celle des partis du système. Mais, désormais ils se retrouvent isolés très fortement au sein du mainstream. Ils existent depuis vingt ans et ont toujours été pro-EU, pro-Israël, pro-États-Unis, anti-Russie, en faveur d’un fort renforcement des institutions européennes contre l’Allemagne et la France. Cela a toujours été leur stratégie : « Un Bruxelles fort est bon pour la Pologne car cela affaiblira la France et l’Allemagne. » Désormais, cela peut paraître exagéré, mais ils y ont cru longtemps : ils ont pensé pouvoir être un partenaire égal pour les autres pays de l’Union Européenne, dans le cadre des traités, des institutions et des infrastructures. Maintenant, ils sont devenus un peu plus eurosceptiques. Les dirigeants de Droit et justice sont surpris d’être aussi isolés au sein de l’Union Européenne et d’être traités si durement, si inamicalement, car ils ont toujours cru être des politiciens mainstream de droite et que leur rôle est de sécuriser la scène politique polonaise face aux « radicaux », c’est-à-dire nous, les eurosceptiques, les nationalistes, les catholiques traditionnalistes, etc. … Ils constatent que leurs services rendus dans ce domaine ne leur amènent pas des biscuits de Bruxelles.

Breizh-info : Êtes-vous pour que la Pologne quitte l’Union Européenne ? 

Krzysztof Bosak : J’appartiens au mouvement national polonais, donc nous étions opposés au fait que la Pologne rejoigne l’Union Européenne. J’étais un étudiant à cette époque et nous avons conduit une très grande et dure campagne avec très peu de moyens financiers face à celle de nos adversaires disposant de beaucoup d’argent public et de tous les médias, à l’exception d’une radio catholique, Radio Maria. C’était un combat vraiment très inégal. Nous avons convaincu deux millions de personnes de voter contre, mais cela n’a pas été assez et nous avons perdu le référendum en 2003. Depuis lors, nous constatons l’existence d’une majorité stable. Plus de 90 % des gens sont en faveur du maintien du pays au sein de l’Union Européenne. Ainsi, il n’y a pas de débat ou de plateforme en faveur de la sortie de l’Union Européenne, mais le nombre de personnes qui voient que cette dernière ne traite pas la Pologne correctement, en tant que partenaire égal, augmente. Ainsi, ce que nous essayons de faire en Pologne est de construire un support social parmi les élites et dans la société pour plus de politique souveraine au sein de l’Union Européenne et pour rejeter certaines politiques de l’Union Européenne et spécialement chaque cas de nouveau traité et de nouvelle politique. S’il n’y avait pas le parti Droit et justice en Pologne, nous n’aurions probablement pas en ce moment le traité de Lisbonne ratifié. Celui-ci a été signé par un président de la République issu de Droit et justice et les députés ont été poussés par le président actuel de Droit et justice Jarosław Kaczyński à voter en faveur de ce traité. Cela a été présenté à la société polonaise en tant que grand succès de la part des négociateurs polonais de Droit et justice. Maintenant, nous savons que ce traité affaiblit la position de la Pologne au sein de l’Union Européenne : désormais, des votes peuvent se dérouler à la double majorité au sein des institutions européennes et nous ne pouvons rien faire contre cela. Maintenant, ils se plaignent, mais c’est leur « succès », ce cadre institutionnel dans l’Union Européenne. Nous essayons d’informer les Polonais à propos de ces faits, de montrer les conséquences des décisions politiques et des traités car les médias polonais n’informent pas la société polonaise à propos de nombreuses raisons de beaucoup de choses en politique. Par exemple, les gens voient qu’il y a une grande augmentation du coût de la vie, mais ils n’apprennent pas à travers les médias que la cause se trouve dans des règles européennes. Les organes d’information sous contrôle gouvernemental ont seulement commencé à informer cette année la population du fait que certaines règles ne sont pas bénéfiques pour l’économie polonaise. Avant cela, ils ont simplement dit que l’Union Européenne donne de l’argent pour ceci ou cela, qu’elle est bonne et que s’y opposer est négatif. Durant sept ans, la ligne de Droit et justice a été de prétendre que tout ce qui est mauvais en Pologne est dû à l’opposition, tout particulièrement celle de centre-gauche, et que tout ce qui est bon vient de Droit et justice et que grâce au succès de ce parti au niveau international la Pologne est plus forte en ce moment. Le dernier chapitre de cette histoire a eu lieu en 2020 après cette horrible rencontre européenne au cours de laquelle ils ont établi ce programme européen de dette. Ils sont revenus en Pologne et le Premier ministre Mateusz Morawiecki a tenu un discours lors d’une session particulière du Parlement en disant qu’ils ont obtenu un grand succès et ils ont lancé une campagne publique pour les contribuables à travers les villes de Pologne, qui a coûté des millions de zlotys, avec des panneaux, de grandes publicités affirmant qu’ils ont négocié plus de 70 billions de zlotys pour la Pologne. C’est l’argent du programme européen de redémarrage à la suite de la Covid et nous ne l’avons pas encore reçu. Donc, deux ans après, nous n’avons pas encore un centime d’euro de cette somme. Et ils présentent cela comme un grand succès. C’est toujours ainsi qu’ils procèdent. Vous pouvez voir dans quelles conditions nous travaillons en tant que parti patriotique et souverainiste. Notre job est d’informer la population polonaise à propos de la façon dont cela se passe en politique, à propos de l’argent et de la régulation, car les médias polonais n’expliquent pas cela. La plupart de ceux-ci ne disposent pas, par manque de moyen financier, de correspondant. Seuls quelques-uns en ont un. Et s’ils ont une personne à Bruxelles, celle-ci est toujours, soit neutre, soit en faveur de l’Union Européenne car ils sont des médias mainstream. La situation est toujours difficile pour nous, aussi car il y a une grande coalition parmi l’élite polonaise, depuis l’Église, du centre-droit jusqu’à l’extrême-gauche et ils qualifient tous ceux qui sont contre tout ce qui est important au sein de l’Union Européenne de pro-russes. Nous devons expliquer pourquoi nous critiquons certaines règles de l’Union Européenne et dans le même temps nous devons montrer que nous ne sommes pas pro-russes et que nous croyons en un État polonais indépendant, pas en étant une partie de la sphère d’influence russe ou de l’accord économique eurasiatique. Et pour eux, cela est assez facile car vous savez probablement que de nombreuses informations circulent prétendant que certains hommes politiques eurosceptiques tiennent des propos pro-Poutine ou pro-russes ou obtiennent un prêt – comme le Front national – d’institutions liées à la Russie. Ils prétendent que nous recevons de l’argent des Russes, que nous n’agissons que pour de l’argent, … Or, nous ne recevons pas d’argent de l’étranger, mais seulement le financement public et de citoyens polonais. Ils nous accusent sans cesse de tels actes. Nous pouvons dire que notre position est opposée à celles de tous les autres au sein du spectre politique polonais, depuis le centre-droit jusqu’à la gauche radicale.

Breizh-info : Et vous êtes opposés à l’euro ? 

Krzysztof Bosak : Bien entendu, nous sommes depuis toujours contre l’euro. Et, selon moi, nous sommes les seuls à avoir toujours été dans cette situation. Par exemple, il y a dix ans, au Forum économique, un dirigeant de Droit et justice a déclaré qu’il pense qu’un jour la Pologne sera dans l’euro. Ce parti n’était pas contre. Seulement après la crise de la zone euro, ses dirigeants ont changé leur avis sur le sujet. Même pour les cadres, la ligne de la direction à ce propos n’est pas claire. De nombreuses personnes au sein de Droit et justice pensent que le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki est toujours favorable au fait que la Pologne entre dans l’euro, mais n’en parle pas. Vous devez savoir que celui-ci a été désigné ministre des Finances en 2015, sans n’avoir été ni un homme politique, ni un député, par le dirigeant du parti Droit et justice. Il était auparavant le PDG d’une banque étrangère. Selon moi, il est une sorte de Macron, pris dans une banque et placé au poste de ministre des Finances et deux ans plus tard à celui de Premier ministre. Il s’est présenté pour la première fois aux élections en 2019 et est, en ce moment, pour la première fois de sa vie, député. Il est intéressant de voir qui est au sein du monde politique polonais un homme politique de droite et qui est un acteur.

Breizh-info : Quelle est votre position à propos de la guerre en Ukraine ? 

Krzysztof Bosak : Nous soutenons le concept d’État indépendant, coopérant dans la paix en Europe. Donc, nous pensons que l’Ukraine a le droit d’être un pays indépendant et que le fait que la Russie a débuté la guerre est mal. Nous condamnons l’agression. Il n’existe aucune justification pour celle-ci. Nous considérons que l’Ukraine a le droit de se défendre et nous croyons qu’il est bon de soutenir celui qui est attaqué et est le plus faible. Cela correspond à la culture polonaise. De nombreuses tensions existent entre la Pologne et l’Ukraine et notre mouvement n’est pas d’accord avec tout ce qui se passe en Ukraine. En fait, nous avons été les critiques les plus virulents des politiciens ukrainiens avant la guerre, mais nous pensons qu’il ne serait pas bon dans ce conflit de soutenir, à cause des différents entre le Pologne et l’Ukraine, quelqu’un qui est mauvais face à quelqu’un qui est attaqué.

Bien sûr, nous n’avons jamais été pro-russes. Cette accusation stupide est pour nous un déshonneur. Nous pensons qu’il est aberrant d’être pro-russe et d’être un nationaliste ou un conservateur polonais. Toute personne qui lance une telle accusation est stupide ou malhonnête.

Nous voyons ainsi la situation. La question est de savoir comment aider l’Ukraine et les réfugiés et comment nous considérons la ligne gouvernementale polonaise en la matière.

Nous sommes critiques vis-à-vis de cette dernière, pour de nombreuses raisons différentes. D’abord, nous pensons que la politique polonaise doit être réaliste et pas trop faussement idéaliste. Elle doit d’abord assurer la sécurisation de l’État polonais et des Polonais. Nous croyons que dans la réalité nous n’avons pas d’influence stratégique sur la guerre. La plus grande chose que nous pouvons faire est de permettre le soutien à l’Ukraine et c’est ce que nous devons faire : autoriser le transport, via la Pologne, de toute aide à l’Ukraine. Certaines fournitures militaires peuvent être réalisées, à condition que cela n’affaiblisse pas notre propre armée. S’ils ont besoin de matériel médical, nous pouvons leur en donner. Mais le gouvernement tente de jouer sa propre partition dans ce jeu. Par exemple, il a fermé la frontière au charbon russe, six mois avant que l’Union Européenne n’adopte cette mesure. Nous critiquons cela car la façon dont la Russie exporte son charbon vers la Pologne ou ailleurs n’influence pas le cours de la guerre, mais fortement la vie des Polonais, car nous connaissons maintenant un grave déficit de charbon avant l’hiver et le prix a augmenté fortement. Il a été multiplié par trois ou quatre. La majorité des Polonais pauvres chauffent encore leur habitation avec du charbon. Les écoles, les hôpitaux, les institutions publiques le sont aussi. Nous obtenons encore un gros pourcentage de la chaleur en hiver du charbon. Ce n’était pas nécessaire, mais ils l’ont fait volontairement, afin de donner un bon exemple au niveau international. Pour nous, cela est trop.

Un autre point sur lequel nous sommes critiques est la politique vis-à-vis des réfugiés. La Pologne est le pays qui a accueilli le plus de réfugiés ukrainiens et nous leurs proposons le meilleur programme de sécurité sociale de toute l’Union Européenne alors que nous ne comptons pas parmi les pays les plus riches de celle-ci. Ils reçoivent la même chose et même, dans certains cas, plus que les citoyens polonais. Nous sommes critiques à ce propos car nous pensons que tous les Ukrainiens qui sont actuellement en Pologne ne sont pas des réfugiés. Une partie l’est, mais la guerre n’a pas lieu dans l’ensemble de l’Ukraine. De plus, certains sont retournés en Ukraine mais reçoivent toujours de l’argent des autorités polonaises et cela coûte aux contribuables une énorme somme d’argent. Le gouvernement a déclaré, dans un premier temps, que nous obtiendrons cet argent de l’Union Européenne et des États-Unis. Mais personne ne nous l’a donné. Donc, nous payons un énorme montant. Des informations affirment que cinq millions de personnes ont franchi, depuis le début de la guerre, la frontière entre l’Ukraine et la Pologne. Toutes ne sont pas restées. Certaines se sont rendues en Europe occidentale, aux États-Unis, au Canada… et d’autres sont retournées en Ukraine. Des Ukrainiens ont aussi franchi plusieurs fois la frontière. Mais d’un point de vue réaliste, le nombre de deux millions de personnes en plus vivant en Pologne doit être vrai. Beaucoup sont des femmes avec enfants et cela représente un très grand coût pour le contribuable polonais et nous sommes au début d’un récession. Le gouvernement essaie d’être très généreux dans tous les domaines. Par exemple, il propose des traitements médicaux dans les hôpitaux polonais pour les citoyens et enfants ukrainiens ainsi que des compensations financières pour les femmes qui ont été placées en prison par les Russes. Mais pourquoi les contribuables polonais doivent-ils payer pour cela, et pas les contribuables russes ou ukrainiens ?

Comme vous le voyez, notre position par rapport à l’Ukraine est compliquée car nous ne sommes pas contre l’Ukraine, mais nous sommes opposés à la politique polonaise dans ce domaine qui n’est pas prudente et pas raisonnable.

Nous essayons d’être justes et réalistes. Nous ne sommes pas « xénophobes » ou « racistes » envers les Ukrainiens. Nous savons qu’une partie de ces personnes est très pauvre et que certaines d’entre elles travaillent dur. Mais nous avons un problème avec le nombre si important de gens. Nous devons parler ouvertement de cette question. Nous, les dirigeants de la Confédération, estimons que le gouvernement polonais de Droit et justice suit les traces des pays occidentaux faisant toutes les erreurs de ces derniers dans le domaine de la politique migratoire, excepté peut-être celle d’accepter des migrants africains : trop grand nombre de migrants, pas beaucoup de contrôles, pas de règles claires, pas de programme social pour chacun. Cela ne se terminera pas bien. Et la société polonaise commence à être un peu nerveuse à ce propos.

Breizh-info : Avez-vous en Pologne des migrants africains ? 

Krzysztof Bosak : Très peu, plutôt en provenance d’Asie.

Vous devez aussi savoir que Droit et justice a, au niveau international, surtout parmi les personnes de droite, l’image d’un parti nationaliste ou anti-immigrant. Mais cela est totalement faux. Nous sommes, au cours des dernières années, le premier pays au sein de l’Union Européenne dans le classement des États qui ont attribué le plus grand nombre de permis de résidence à des non-ressortissants de pays de l’Union Européenne. Et ceux-ci ne sont pas seulement de Belarus et d’Ukraine, mais aussi du Bengladesh, des Philippines, de Géorgie, du Kazakhstan, de Russie, … de nombreux pays d’Europe et d’Asie. Selon nous, ils font la promotion de l’immigration économique car ils pensent que cela soutient l’économie et c’est ce que souhaitent les grandes entreprises et tout spécialement les entreprises internationales en Pologne.

Breizh-info : Que pensez-vous du fait que le Premier ministre polonais désire augmenter le budget consacré à l’armée ? 

Krzysztof Bosak : Nous soutenons cette idée d’accroissement du budget militaire, mais nous pensons que le gouvernement est trop nerveux à propos de la dépense de cet argent. Par exemple, les contrats conclus cette année le sont si rapidement qu’ils ne peuvent être bien négociés. L’augmentation des dépenses militaires doit être réalisée dans une perspective de long terme. Le gouvernement n’a rien fait dans ce domaine durant sept ans et essaye désormais de tout réaliser en un an, mais cela est mieux que rien.

Breizh-info : Et de l’appartenance de la Pologne à l’OTAN ? 

Krzysztof Bosak : Nous ne sommes pas contre l’OTAN. Nous pensons que cette institution constitue un cadre pour la coopération en matière de défense. Les obligations politiques ne sont pas nombreuses en son sein, à la différence de l’Union Européenne. Par exemple, aucune haute-cour de l’OTAN désirant changer nos lois et nos institutions n’existe. L’OTAN est basée sur une coopération volontaire à propos de la politique internationale de défense et nous avons besoin de partenaires. Les pays de l’OTAN constituent un bon groupe d’États avec lesquels nous pouvons coopérer. Nous ne sommes pas contraints de faire tout ce que les États-Unis nous demandent d’accomplir. Nous ne sommes pas obligés de prendre part à toutes les missions et à toutes les guerres, mais il est bon de disposer de ce cadre car cela peut être bénéfique et des pays bien développés et ayant une armée forte en sont membres. Donc, pourquoi ne pas coopérer ? Du point de vue polonais, aucune meilleure alternative ne s’offre à nous.

Breizh-info : L’Union Européenne et les libéraux qui exercent de hautes fonctions au sein de cette institution, comme le Commissaire européen belge à la Justice Didier Reynders, prétendent que le système judiciaire polonais est corrompu. Quelle est votre opinion à ce propos?

Krzysztof Bosak : Cela est en partie vrai. Cette situation n’est pas nouvelle en Pologne. En fait, nous rencontrons ce problème depuis la chute du communisme. Selon moi, ils utilisent cela intentionnellement contre le gouvernement de Droit et justice et pas dans le but d’obtenir le fonctionnement de la Justice. Au cours des trente dernières années, ils ne se sont jamais intéressés à cette question, jamais. Mais maintenant que Droit et justice a commencé certains changements au sein du système judiciaire, la gauche est très mécontente et essaye d’intervenir et d’interrompre le processus interne polonais. Nous pensons que cela n’est pas conforme, sur base des traités, à leurs compétences : ils n’ont pas à intervenir au sein du système judiciaire polonais. Cela relève de notre débat interne. Nous ne sommes pas en faveur de ce que Droit et justice a réalisé avec le système judiciaire, car ils n’ont rien fait. Ils ont simplement changé certaines personnes. Nous ne sommes pas en faveur des réformes judiciaires de Droit et justice, ni pour ce qui existait avant. Les libéraux sont mécontents car auparavant le système judiciaire était leur monopole. Mais, les changements de personnes ou de détails opérés dans le système judiciaire par Droit et justice ne constituent pas le problème principal. Ce dernier réside dans le fait que le système judiciaire n’a jamais bien fonctionné. Les décisions judiciaires tombent après des années et les sentences ne sont pas toujours bonnes : pas justes, pas polies, trop bureaucratiques et arrogantes. Ce système judiciaire a été bâti sous le communisme et n’a pas été décommunisé. La vieille génération de magistrats a débuté sa carrière à l’époque du communisme, durant les années 1980, quand l’opposition était jetée à la porte du pays ou en prison, et ces personnes sont à la tête des élites de ce système prétendument démocratique. L’Union Européenne défend de nos jours ces gens, leurs places et leurs privilèges sociaux, comme les hauts montants de leurs retraites, etc. …

Selon moi, les réformes de Droit et justice sont inopérantes, mais ce parti tente d’expulser d’anciens communistes de ce système. Des problèmes et des dysfonctionnements existent aussi au sein des forces de police et des services secrets.

Breizh-info : Le président de Droit et justice Jarosław Kaczyński a déclaré que l’Allemagne devait payer un haut montant pour les réparations des dommages de guerre. Que pensez-vous de cette demande et avez-vous peur que les frontières actuelles de la Pologne soient remises en cause ? 

Krzysztof Bosak : Nous ne pensons pas que des risques existent à propos des frontières. Je suis favorable au paiement, par les Allemands, des réparations de guerre, ce qu’ils n’ont pas réalisé. Ils tentent depuis des années de faire comme si cette question n’existe pas. Les Allemands ne désirent pas payer. Nous ne sommes pas Israël ! Ils savent que nous sommes trop faibles pour pouvoir réaliser assez de pression sur eux. À mon avis, il s’agit seulement d’un argument de campagne électorale. Cela a été mis en avant afin de détourner l’attention de l’augmentation du prix de l’énergie et de l’inflation. Les dirigeants de Droit et justice savent très bien que ces demandes d’indemnisation n’aboutiront pas. Je pense qu’elles auraient dû être introduites auparavant dans le cadre des discussions entre l’Allemagne et la Pologne. Nous devons parler de cela dans l’intérêt de notre pays, car les Allemands l’ont détruit et 10 % de notre population a péri, et aussi parce que cela fait partie de notre histoire. Nous devons publier des rapports en anglais et en allemand à ce propos. Mais, plutôt que de le faire en début de campagne électorale, ils auraient dû le réaliser des années auparavant.

Propos recueillis par Lionel Baland

Photo : DR
[cc] Breizh-info.com, 2022 dépêches libres de copie et diffusion sous réserve de mention de la source d’origine

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6 réponses à “Entretien avec Krzysztof Bosak, député nationaliste polonais et ancien candidat à la présidentielle.”

  1. Dominique dit :

    Ls moins qu’on puisse est qu’il ne répond pas à la question : Êtes-vous pour que la Pologne quitte l’Union Européenne ? Trop peur de oerdre les subventions de Bruxelles.

    Sur l’OTAN il est résolument pour, et il soutient Kiev, ce qui est logique puisque l’Ukraine est anti-russe.

    Encore un « patriote de nom seulement » façon RN.

    On n’en sait guère plus puisqu’il a surtout parlé du parti qui leur fait de l’ombre.

    • domper dit :

      Je ne savais pas Dominique qu’il fallait pour être patriote surtout ne pas appartenir au RN…..alors quel est le parti ou l’association qui peut délivrer l’autorisation d’avoir le droit de se dire  » patriote  » ?

      • Dominique dit :

        Cher Domper
        Je n’ai pas dit cela, mais que le RN est patriote de nom seulement, puisque ses dirigeants actuels sont au garde à vous devant l’UE. OTAN. Euro. et pro Empire US.

        Un patriote est une  » Personne qui aime son pays et s’attache sans réserve à le servir et à le défendre. » ( Academie française ) :
        Clovis et 1.000.000 de Gaulois génocidés
        Jeanne d’Arc
        2.000.000 de Poilus tués en 14 18 et des millions d’invalides dont mon grand père
        150.000 soldats tués en 1940 et 2 millions faits prisonniers de guerre dont mon père Croix de Guerre pour héroïsme au combat ayant sauvé 40 de ses camarades

        Chez des politiciens actuels ?
        anti UE. OTAN. Euro. Empire
        JF Poisson. F Philippot. F Asselineau.
        Soit 3 … pas nombreux.
        Et d’autres encore plus interdits : capitaine Juvin etc.

        Bien à vous

  2. Pschitt dit :

    Oui, enfin, c’est plutôt la Russie (du moins son président) qui est anti-Ukraine…
    Dire « il est pour l’OTAN donc il soutient Kiev » est assez spécieux. Il serait plus juste de dire : « il soutient Kiev, donc il n’a pas d’autre choix que l’OTAN à ce jour ». Quand la maison brûle, on ne se demandent pas d’où viennent les pompiers.

  3. Henri Romeuf dit :

    « réparations des dommages de guerre »
    L’Allemagne a déjà payé : elle a donné à la Pologne la Silésie, la Poméranie, l’Est-Brandebourg, la Prusse Occidentale et la moitié de la Prusse Orientale. N’oublions pas que des villes polonaises comme Wroclaw, Gliwice, Szceczin, Koszalin, Gdansk, Malbork, Olsztyn, ont été allemandes durant des siècles sous les appellations de Breslau, Gleiwitz, Stettin, Köslin, Dantzig, Marienburg, Allenstein.

  4. Ben dit :

    Bosak est un euro sceptique convaincu et pense que l’Union européenne est un projet antinational qui détruit les identités nationales. Il est également contre l’immigration, qu’il considère comme une menace pour la Pologne. Il pense que l’islam est incompatible avec les valeurs occidentales et que les musulmans ne devraient pas être autorisés à immigrer en Pologne.
    L’adhésion à l’OTAN est donc logiquement à écarter dans ce sens…

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