Premier port français vers l’Irlande, Cherbourg s’est mis au vert au mois de mars dernier pour célébrer la Saint-Patrick. Brexit oblige, les transporteurs irlandais cherchent à contourner le Royaume-Uni pour rejoindre l’Eurozone. Un changement qui pourrait renouer et relancer les échanges humains et créatifs avec le pays du trèfle.
Mais aussi les réseaux bretons qui animent Cherbourg et la pointe du Cotentin. Crée en 1929 à Sanzeau, l’Amicale des Bretons du Cotentin a été rebaptisée Cercle celtique de Cherbourg en 1953. Avec pour but de perpétuer l’étude de la langue, de la musique et de la danse bretonnes et de faire connaître la Bretagne dans le Cotentin.
Au fil du temps, un autre mouvement Zav Breiz (Debout Bretagne) a pris son envol. Il naît en mai 1968 après le départ d’une vingtaine de membres du Cercle celtique de Cherbourg, à l’initiative de Bernard Gourbin. Les premières réunions ont lieu au manoir des Voutes. Ce nouveau cercle celtique est alors rattaché à la fédération Divroët, fédération qui réunit les cercles celtiques situés géographiquement hors des murs de Bretagne. Divroët et les cinq autres fédérations de Bretagne sont rattachés à la confédération War’l Leur (war al leur : « sur le sol » en breton). Zav Breiz (Debout Bretagne) poursuit son objectif de regrouper tous les Bretons de Cherbourg et des environs et de promouvoir la culture bretonne. L’association abrite longtemps un bagad. Elle propose plusieurs activités, notamment autour de la danse.
La ville de Cherbourg-en-Cotentin lui octroie une subvention de 945 € sur son budget primitif de 2018. Le 27 octobre 2018, l’association fête ses cinquante ans par un concert réunissant à l’Agora à Équeurdreville-Hainneville Les Ramoneurs de Menhirs et Merzhin. Ces échanges culturels consolident aussi une toile d’entrepreneuriat et d’innovation en plein essor. L’économiste Jeremy Rifkin invitait à s’investir pleinement dans la nouvelle révolution industrielle. L’avenir selon lui repose sur les énergies renouvelables, les plateformes collaboratives et les objets connectés. Mieux encore, il faut maintenant imaginer des passerelles entre ces trois composantes. Parmi ces trois pépites, la Bretagne dispose d’atouts majeurs grâce à son bassin de jeunes diplômés et ses réseaux de cadres dirigeants. La voie des énergies renouvelables peut s’enrichir des technologies numériques et réciproquement.
En s’inspirant du poids croissant joué par le numérique au port de Marseille, Cherbourg peut jouer un rôle de laboratoire d’essai pour le 6eme département breton après la Loire Atlantique (diaspora). A ce titre, la Transition énergétique passera par les réseaux intelligents d’énergie, dits smart grids. Ces smart grids ouvrent la voie à l’intégration des diverses énergies renouvelables, même les plus intermittentes et les plus décentralisées. Ils permettent en outre d’optimiser les consommations en fonction des productions et d’augmenter la fiabilité et la qualité de l’énergie distribuée. Ce challenge repose donc sur une capacité à développer une infrastructure physique de capteurs, de moyens de télécommunication, de calculateurs, d’électronique en général ou d’automates. Mais pas seulement.
Le point de différenciation se fera par la capacité à traiter et exploiter des masses de données très importantes et générer de l’information pertinente pour gérer ces infrastructures. En d’autres termes, la clé des smart grids – celle qui façonne désormais le marché – est logicielle. C’est le SOFTGRID.
Les enjeux sont énormes : analyser une énorme quantité de données en temps réel, traiter, filtrer, croiser et donc exploiter des données d’origines et de qualité très diverses, gérer des échanges complexes entre couches de réseaux, développer des outils de modélisation, de simulation ou prévision avancés et tout cela dans un contexte de sécurité et protection totales des informations.
Plusieurs acteurs bretons du numérique s’intéressent à la Manche et à la Pointe du Cotentin pour développer ce type d’activités.
A Cherbourg, des emplois verront leurs effectifs diminuer. C’est le cas des professions juridiques, administratives de la fonction publique, des postes de secrétaires. Les métiers qualifiés de services aux entreprises et de plateformes collaboratives vont prendre le relais, au vu de la faiblesse de gouvernance et de leadership du barreau de Cherbourg et des chambres consulaires.
Le Cotentin pourrait-il s’inspirer du concept irlandais de Youth Bank ? La mer, source d’innovation a permis des liens historiques étroits avec les tigres celtiques en tant que carrefour de l’étain mais aussi de pièces en bronze échangées entre la Normandie et l’Irlande. Dans son œuvre : les Travailleurs de la Mer, Victor Hugo imagine la figure d’un roi Auxcrinier de l’Océan, qui aurait trouvé le bonheur dans ses États ; la Constitution, dont il est l’auteur, refuse le droit d’entrée à l’or et à l’argent sans son autorisation : la seule monnaie ayant cours est le coquillage dont la mer est l’inépuisable coffre-fort.
Le modèle irlandais des Youth Banks a été débattu à l’occasion d’une conférence débat et a été l’occasion de réfléchir à son ouverture Cherbourgeoise à travers le prisme des échanges européens et jumelages.
Kevin Lognoné
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