Dans cette chronique hebdomadaire, je vous proposerai des recettes originales et historiques, réconciliant ainsi deux aspects de ma personne, celle d’historien et celle patron de bistrot. Elles seront faciles à réaliser mais surtout liées à l’histoire d’un territoire ou de grands hommes. La gastronomie traditionnelle raconte une terre, des traditions, elle s’inscrit donc dans l’idée d’un combat identitaire, soulignant les diversités qui nous sont chères d’une région à une autre, écologique, travaillant des produits locaux et de saison, et éthique, réduisant au maximum le gaspillage et s’opposant au modèle uniformisé du fast food.
Chitarra alla teramana : l’histoire
En 1955, les enfants du monde entier découvrent un plat lors de la scène du baiser entre la belle et le clochard autour d’une assiette de spaghetti et de boulettes de viandes, le fameux « spaghetti and meatball », incontournable dans les restaurants italiens du monde entier…. Du monde entier ? Pas exactement ! Au grand dame des touristes américains qui visitent chaque année la Péninsule, il est quasiment impossible de trouver ce plat dans un restaurant traditionnel à l’exception d’une recette qui a probablement donné son origine à son cousin américain, la « Chitarra alla teramana ».
Teramo est une ville des Abruzzes, région qui fournit, comme la plupart des régions du mezzogiorno, la majorité des immigrants italiens en Amérique. Avec eux, ils apportaient leurs traditions culinaires. Au fil des ans, les recettes s’américanisèrent, remplaçant certains ingrédients introuvables outre atlantique et surtout subissant une croissance digne de Gulliver. La pizza fine, croquante et légère en Italie, devint énorme, garnie de tonnes de fromages, de sauce tomates et autres condiments. Les lasagnes du dimanche et leurs trois étages devinrent des grattes ciel dégoulinants de béchamel et les petites boulettes de viande des Abruzzes devinrent d’énormes boules de pétanques trônant au milieu de spaghetti trop cuits nageant eux même dans la sauce tomate ou pire recouverts de ketchup. L’abondance américaine se traduisait par la croissance des plats qui peu à peu s’éloignaient de leur origine.
C’est logiquement à New York, porte de l’immigration européenne, qu’apparaissent les premiers « spaghetti and meatball » à la fin du 19ème siècle. En 1909, le livre American Cookery en publie la recette qui sera reprise ensuite par la « National Pasta Association ». En 1938, un cuisinier du nom de Ettore Boiardi (né à Piacenza), commence à produire des conserves de « spaghetti and meatball » et crée la marque Chef Boyardee (notons l’américanisation du nom).
Le succès de son entreprise sera immense et demeure de nos jours une marque très connue dans toute l’Amerique du Nord.
Au risque de décevoir tous les Tony Soprano du New Jersey jusqu’à Las Vegas en passant par le Bronx ou Chicago, la « chitarra alla teramana » est de moins impressionnante facture. Les boulettes de viandes y sont petites et elles sont généralement servies avec des « spaghetti alla chitarra ». Ces spaghetti particuliers sont de forme carrée. La Chitarra, guitare, est un outil de cuisine permettant de couper les pates. C’est une boite rectangulaire de bois où sont attachés des fils d’acier assez rapprochés. Une fois les pâtes étendues, on place la feuille sur les fils puis à l’aide d’un rouleau à pâtisserie, la feuille est coupée en spaghetti par les cordes. Certaines marques les commercialisent sèches, à défaut vous utiliserez des spaghetti classiques.
Chitarra alla teramana : les ingrédients
Pour la sauce : côtelettes d’agneau 300gr., épigramme de porc 300gr., 300gr. de bœuf à braiser, une branche de céleri, une carotte, un oignon, 700gr de tomates pelées, un verre de vin blanc, sel, poivre, huile d’olive.
Pour les boulettes : 300gr. de bœuf haché, un œuf, 20gr de parmesan, farine, noix de muscade, sel et poivre.
La sauce a une cuisson de trois heures environ, nous commençons donc par ciseler le céleri, la carotte et l’oignon que l’on met à revenir dans une cocotte avec un filet d’huile. Une fois légèrement revenus, on ajoute les viandes que l’on fait dorer, on déglace au vin blanc et l’on laisse évaporer avant d’ajouter les tomates. Couvrir et laisser cuire 3 heures à feu doux en remuant de temps.
Dans un bol, mettre la viande hachée, l’œuf, le parmesan, sel, poivre et muscade et un filet d’huile d’olive. Mélangez bien de tout et en prélevant de petites quantités de viande, commencez à former des billes de viande que vous placerez dans une assiette contenant un peu de farine. Il se dit que plus les boulettes sont petites, plus la personne qui a préparé le plat vous veut du bien car étant prête à perdre beaucoup de temps pour vous.
Au bout des trois heures ôtez vos viandes de votre sauce tomate, elles seront mangées comme « Secondo Piatto », séparément. Dans une poêle contenant un filet d’huile d’olive faites revenir vos boulettes jusqu’à ce qu’elles soient dorées puis versez votre sauce tomate. Baissez le feu et laissez mijoter 20 minutes. Pendant ce temps, cuire vos pâtes que vous versez directement dans votre poêle une fois égouttées, faites les sauter pour qu’elles s’imprègnent bien de la sauce et servez garnies d’un peu de parmesan.
Pierre d’Her
Crédit photo : DR
[cc] Breizh-info.com, 2022, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine