Ce n’est pas exagéré que de dire que nos cantiques bretons n’ont plus la place, ni la reconnaissance qu’ils avaient pour nos ancêtres. Souvent tombés en désuétude dans nos paroisses, ils sont pourtant des témoins historiques du passé musical breton, avec toutefois cette difficulté supplémentaire par rapport aux arts architecturaux ou manuels : pour vivre, il faut qu’ils soient chantés, entonnés régulièrement pour pouvoir être entendus, connus et transmis aux jeunes générations. Sous peine de tomber dans l’oubli…
Pourtant, l’histoire des cantiques bretons est particulièrement passionnante. S’il est vrai qu’historiquement les offices étaient célébrés en latin, tout comme les prières et les dévotions, les cantiques en bretons sont assez anciens. Les premières collectes de chants traditionnels ayant débuté en 1350, il est assez complexe de trouver des cantiques plus anciens, en moyen-breton, mais il est de coutume de considérer le cantique de Saint Hervé (VI°Siècle), Kantik ar Baradoz, comme l’un des cantiques bretons les plus anciens. Toutefois, comme l’explique Gwenolé Le Menn, les cantiques en moyen-breton sont principalement en vers, avec une technique spécifique bretonne : « Les textes qui nous sont parvenus utilisent une technique poétique attestée de 1350 à 1650 environ, c’est-à-dire pendant trois siècles. […] Tous les vers en moyen-breton, que ce soit dans le théâtre, la poésie, les chants, les inscriptions sur pierre ou sur bois, et évidemment les cantiques, sont ainsi construits. »[1]
Mais c’est surtout dans le contexte de la Contre-Réforme du XVI°Siècle qu’une partie du clergé va essayer de mieux s’adapter aux fidèles, en employant par exemple les langues vernaculaires pour les prédications. C’est ainsi que le Vénérable Michel le Nobletz publia, au début du XVII°Siècle, ses cantiques bretons en mettant des paroles pieuses sur des airs populaires bretons, ce que firent ensuite d’autres prédicateurs comme le Bienheureux Julien Maunoir (Canticou Spirituel – 1658) ou le Père Bernard du Saint Esprit (Doctrinal ar C’hristenien – 1646). Cet emprunt aux airs populaires, s’il n’est systématique, est assez courant pour être noté – ainsi, dans les « Canticou spirituel » (1658), l’auteur précise : « les autres airs sont empruntés des chansons qui se chantent communément en la Cornouaille, désignés en titre de chaque cantique »[2].
Les kantikerien (compositeurs de cantiques bretons) se multiplient au XVIII° et XIX°Siècles, comme Louis Pourchasse (1724-1796), l’Abbé Pierre Nourry (1743-1804), l’Abbé Pierre Le Mouël (1800-1875) ou encore l’Abbé Charles Le Bris (1664-1736), l’Abbé Guillou (1830-1887) et l’Abbé Henry (1803-1880). Les airs sont souvent uniques, avec des modalités particulières : « Le Breton, comme le Basque d’ailleurs, a une prédilection pour le mineur, mais sans la sensible. Le mineur moderne (gamme de la avec fa # – sol #) se rencontre très rarement : Doue en deus bet va c’hrouet, Pec’het am eus. Encore peut-on émettre des doutes sur la présence du dièse, surtout devant le sol. »[3]
Si ces cantiques bretons ont été renouvelés et complétés au cours du XX°Siècle, notamment après le Concile Vatican II par certains kantikerien comme le Frère Seité, Roger Abjean ou encore l’Abbé Job an Irien, l’actuel usage quasi-systématique du français dans nos paroisses et Pardons met en péril ces cantiques bretons, pourtant facette irremplaçable de l’âme bretonne : « Tout comme les chants profanes que sont les gwerziou (complaintes et récits dramatiques) et les soniou (chants d’amour et de fête), les cantiques bretons sont particulièrement bien accordés à l’âme bretonne […]Les cantiques bretons, surtout les plus traditionnels, non seulement ont longtemps traduit la foi des Bretons, mais ils demeurent le vrai miroir de leur âme, par ce qu’ils contiennent de tendresse, de mélancolie, de violence aussi. »[4]
[1] La prosodie des chants en moyen-breton (1350-1650), Gwennolé Le Menn
[2] Histoire de la Chanson populaire bretonne, Patrick Malrieu, 1983
[3] Le Trésor des cantiques bretons, Bleun Brug n°200
[4] F. Morvannou, Kanennoù ar feiz, p. 5-6.
Crédit photo : DR
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2 réponses à “Petite histoire des cantiques bretons”
Au Souvenir Chouan de Bretagne nous chantons « Da Fez on Tadou Koz » et » Kalon Sakret Jézus », en particulier lors de notre messe annuelle, le samedi qui suit la Toussaint – tradition remontant à 1829, arrêtée vers 1950 et restaurée en l’année 2000 – en la chapelle du Champ des martyrs à Brec’h-Auray, cette année le samedi 19 novembre à 15 H 30.
et bien fiers bretons au travail traduises nous ceci en français c’est vrai que l’on piétine nos chants !!!
AMITIES
(c’est vrai que je me rappellle la chanson pour porter attention au chien ‘mon vieux patto quand je serai trop malheureux il y aura une balle pour moi et une balle pour toi!!)