Thomas Edward Lawrence, dit Lawrence d’Arabie (1888-1935), célèbre colonel, originaire de Tremadoc au Pays-de-Galles, est connu pour son engagement dans la grande révolte arabe entre 1916 et 1918. Ses séjours d’enfance sur la côte d’Emeraude sont aujourd’hui balisés à travers le circuit Lawrence d’Arabie de Dinard. Mais l’ardent téméraire Gallois a aussi cultivé d’autres ports d’attache.
Jeune étudiant en archéologie à l’université d’Oxford (Magdalen College), l’aventurier aux racines celtiques revient d’abord en Bretagne en 1908 dans le cadre d’un tour de France sur son vélo de course pour y étudier la poterie médiévale vitrifiée au plomb ainsi que l’influence défensive de l’architecture militaire des croisades.
Un croquis de son périple breton a été retrouvé à l’hôtel du Midi, situé sur la commune de Châlus en Haute-Vienne, où Lawrence d’Arabie a fêté ses vingt ans. Cette commune de Nouvelle-Aquitaine n’a pas été choisie au hasard. Richard Cœur de Lion est décédé à Châlus lors du siège de la ville en 1199. Dans une lettre adressée à sa mère, Lawrence d’Arabie y souligne cette dimension mémorielle.
Cette période de sa vie est très largement méconnue. Or, il semblerait que le jeune aventurier était aussi à la recherche d’une rose des sables.
Marchons sur les traces du passage de Lawrence d’Arabie dans le Penthièvre, port d’attache qui cultive des liens interceltiques mais aussi un grand dessein orientaliste.
En quoi le Penthièvre représente un port d’attache entre Orient et Occident ?
En observant le parcours entrepris par Lawrence d’Arabie, trois principaux sites méritent de retenir l’attention de tous ceux qui voudraient marcher sur ses traces Costarmoricaines : Lamballe, Château de la Hunaudaye, Moncontour. Témoin de l’engagement de longue date dans le serment des armes, la salle des croisades à Versailles fait référence aux seigneurs bretons partis en croisade pour libérer Jérusalem : Hugues de Gamaches. Riou de Lohéac, Conan de Lamballe, fils du comte.
Conan, fils du comte de Lamballe, prit part à la première croisade (1096-1099). Le Penthièvre était une place forte avec de nombreuses alliances dans tout l’Occident chrétien (Maison de Luxembourg) mais aussi tournées vers les richesses de l’Orient grâce à la prospérité de son commerce du lin avec les pays du Levant.
Il était incontournable pour Lawrence d’Arabie de passer par les Côtes d’Armor sans remarquer les nombreuses chapelles, commanderies templières, églises ou abbayes qui jalonnent le territoire.
Monuments incontournables du Pays de Lamballe : le Château de la Hunaudaye mais aussi d’autres joyaux d’architecture médiévale comme Moncontour qui fut d’abord une cité-forteresse chargée de défendre Lamballe, capitale du Penthièvre. Perchés sur un éperon rocheux et entourés de deux cours d’eau, les habitants étaient protégés par de solides remparts et onze tours qui font aujourd’hui le bonheur des amateurs d’architecture médiévale comme l’était Lawrence d’Arabie.
Il serait aussi intéressé à la présence historique d’une communauté juive médiévale en Penthièvre, qui marquera par la suite ses aventures au Proche-Orient et le redécoupage des frontières qui restent toujours d’actualité. Comme un voyage entre le pays de Lamballe et les pays du Levant, en découvrant le commerce florissant du « berlingue », toile de lin et de chanvre médiévale exportée jusqu’aux Indes et en Amérique du Sud.
Nourrie de cet orientalisme, la quête d’une rose des sables pourrait être liée à ces fleurons du patrimoine, en particulier à une certaine Marie, ou « Madame de Lamballe », princesse de la Maison de Savoie qui a inspiré la constitution d’une loge d’inspiration féminine associée au Grand Orient. La rose et l’églantier sont fortement liés à Marie parfois invoquée comme la Rose Mystique. On la retrouve ainsi à Lourdes, mais aussi dans de nombreuses légendes de statues miraculeuses dont le socle est fait de roses, mais aussi des pluies de roses, légendes associées à des pèlerinages en voie de disparition.
Le Penthièvre, un port d’attache témoin d’un « âge d’or breton » circulaire entre Armor et Argoat
Le périple breton de Lawrence d’Arabie offre un parallélisme avec ce que nous enseigne l’âge d’or breton : à savoir l’expansion du commerce par voie maritime et l’exportation des toiles de lin, fruit d’une alliance entre la terre et la mer, l’Armor et l’Argoat.
La Bretagne a toujours été prospère lorsque l’Armor et l’Argoat, la mer et la terre, se soudaient, et en quelque sorte se fertilisaient. Le Penthièvre rappelle ainsi cette idée d’âge d’or breton au XVIème siècle dans cette alchimie inédite, où l’Argoat produisait les toiles de lin pour les bateaux et l’Armor les exportait.
Le commerce des toiles de lin a été si florissant qu’il positionna la Bretagne sur l’échiquier maritime de l’Arc Atlantique, en relation étroite avec le port espagnol de la Baie de Cadix, situé à l’embouchure du détroit de Gibraltar entre l’Atlantique et l’Afrique du Nord. Un quai des bretons à Cadix témoigne de l’importance joué par les réseaux négociants à l’époque où ce port andalou bénéficiait d’une situation inégalée dans son monopole commercial avec le Nouveau Monde et les Amériques.
Or, la circularité de cet âge d’or breton nourrit toujours notre présent. En effet, l’économie circulaire est au cœur de nos défis actuels. Lors de l’Exposition universelle de Dubai, en guise de toiture, les coques renversées de trois bateaux sont venus orner la façade du pavillon Italie, dont le design gravitait autour du recyclage. Ce pavillon valorisait aussi l’utilisation d’algues pour capturer le dioxyde de carbone émis dans l’atmosphère par les millions de visiteurs et le métaboliser en oxygène.
En mettant l’accent sur l’architecture reconfigurable et la circularité, les architectes ont utilisé des écorces d’orange, du marc de café, des algues et du sable comme matériaux de construction, ainsi que du plastique recyclé pour les cordes de la façade et des coques de bateaux pour le toit. La conception architecturale du pavillon et les matériaux utilisés ont créé un système naturel d’atténuation du climat qui se substitue à la climatisation.
En Bretagne, Lawrence d’Arabie a été un observateur assidu des multiples facettes de l’architecture bioclimatique médiévale. Sa thèse présentée à l’université d’Oxford a établi que les croisés avaient implanté dans les défenses castrales de leurs États le donjon roman à quatre faces conçu en Europe avec des modifications. Ils n’ont pas ajouté de contreforts comme c’était souvent le cas en France durant le XIIe siècle, mais ont placé ce que l’on appelle des pierres à bossage (demi-sphères en saillie destinées à dévier les projectiles et quartiers de roc projetés par les mangonneaux). Lawrence voulut montrer que la différence principale venait de la rareté du bois au Levant, qui avait obligé les constructeurs à séparer les étages par des plafonds en pierre, alors qu’en Occident on établissait encore des planchers en bois.
Le Penthièvre, un port d’attache tremplin vers d’autres civilisations ?
Mais Lawrence d’Arabie a aussi pu s’intéresser à d’autres richesses car la Bretagne dispose d’un terroir attaché à la fleur de blé noir venue d’Asie importée des croisades en Orient et popularisée par Anne de Bretagne.
Le Sarrasin, ou fleur de blé noir deviendra pendant trois siècles un aliment de base pour les Bretons. Il pousse sur des sols pauvres, chasse les mauvaises herbes et permet une récolte en trois mois, ce qui lui vaut le surnom de « plante des cent-jours ».
Au-delà de cette agriculture régénérative, Lawrence d’Arabie s’est aussi intéressé à la poterie médiévale vitrifiée au plomb. Les britanniques se sont toujours intéressés à ces transferts de connaissance autour du plomb, en particulier pour approfondir des techniques d’accastillage dans la marine. La Bretagne cultive une importante tradition de production céramique. A ce titre, l’artiste peintre Mathurin-Méheut a mis en valeur dans ses œuvres le savoir-faire régional et sa distribution à travers les marchés des potiers qui ont beaucoup irrigué l’arrière-pays du Penthièvre. Un musée Mathurin-Méheut a été créé à Lamballe, sa ville natale, à l’intérieur d’une maison à pans de bois du XVe siècle, dite « Maison du Bourreau ». Il est possible de retrouver d’importantes références picturales au travail des potiers bretons.
Enfin, en quittant le Penthièvre, Lawrence d’Arabie a aussi poursuivi son périple jusqu’aux Marches de Bretagne, pour atteindre la baie du Mont-Saint-Michel.
Dans l’esprit de son architecte, Luc Weizmann, chargé du rétablissement du caractère maritime de la baie du Mont-Saint-Michel, le pupitre des lettres, partie intégrante du barrage du Mont-Saint-Michel, se présente tel un bastingage face au Mont, au-dessus du flux puissant des marées. Gravées dans le bronze et réparties sur la longueur du Pupitre du balcon maritime qui relie les deux rives du Couesnon, Bretagne et Normandie, les lettres des quatre alphabets, hébreu, grec, arabe, latin, en référence à l’histoire de l’écrit et à la vitalité intellectuelle du Mont, illustrent les fondements de la civilisation européenne avec les apports successifs des grandes traditions d’Orient et d’Occident.
Le Pupitre des lettres est une image de la relation fructueuse des hommes et des cultures dans la baie du Mont-Saint-Michel, lieu unique de brassage des énergies naturelles et des synergies culturelles.
Kevin Lognoné
Crédit photo : DR
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2 réponses à “Mystère Lawrence d’Arabie dans le Penthièvre”
lu en diagonale mais je suis prête a parier que madame la DUchesse de LAMBALLE veille sur sa descendance !!!
AMITIES (merci pour ce petit morceau d’histoire de la Bretagne)
Là, Kevin, tu m’as coupé le souffle! Merci mille fois! Mais putain les mecs, c’est le genre d’articles que je voudrais voir écrit tous les jours sur Breizh-Info ! En plus, j’adore T.E. Lawrence, la Matrice (The Mint en anglais) est un bouquin à lire absolument.
Le passage où, au guidon de sa Brough Superior, il fait la course avec un zinc de la Royal Air Force, a fait de moi un motard pour la vie et un inconditionnel des Aprilia RSV4.
Kenavo les poteaux!