Au départ, les choses semblaient claires. « Via un communiqué, l’UDB a fait savoir qu’elle ne participera pas à la Nupes (…) La fédération Régions et peuples solidaires, dont le parti breton fait partie, n’a, en effet, pas été contactée pour participer aux négociations en cours depuis l’élection présidentielle entre les états-majors de LFI, Génération.s, EELV, PS, PCF, NPA… » (Le Télégramme, samedi 7 mai 2022) L’Union démocratique bretonne participera donc aux élections législatives sous ses propres couleurs. Pour ceux qui ne l’auraient pas compris, Ana Sohier, conseillère régionale, suppléante dans la circonscription Rennes-Saint-Jacques-de-la-Lande, enfonce le clou : « Nous prônons une plus grande décentralisation et nous défendons l’autonomie de la Bretagne et des régions qui le souhaiteront. LFI avec Jean-Luc Mélénchon, c’est toujours l’hyper centralisation de l’Etat qui décide de tout » (Ouest-France, Ille-et-Vilaine, 4-5 juin 20222).
Pour Gael Briand, rédacteur en chef du mensuel Le Peuple breton – organe de l’UDB -, « le projet Nupes qui fait la Une des médias n’est rien moins que LFI « cédant » des circonscriptions à EELV, au PCF et au PS » (Le Peuple breton, juin 2022). Dans le même numéro, Trefina Kerrain, adjointe à la culture à Lannion, candidate aux législatives, dit tout le mal qu’elle pense de l’accord Nupes : « La soi-disant « grande union » autour de Jean-Luc Mélenchon s’est en réalité faite à l’aide d’un pistolet posé sur la tempe de partis affaiblis par un vote contestataire mais non représentatif. Drôle de façon de reconstruire la démocratie ! La manière dont les accords ont été menés reflète tout autant l’autoritarisme de la France insoumise et des grandes instances nationales : pas de place pour les acteurs locaux du territoire, pas de discussions avec ceux qui s’impliquent sur le terrain. C’est à prendre ou à laisser ! Beaucoup se sentent Nupés. Pour ces législatives, l’UDB entend incarner une gauche non-mélenchoniste pour un électorat orphelin. »
Tout cela était bel et bon jusqu’au soir du premier tour des élections législatives ; la percée de Nupes et le leadership de Mélenchon perturbent les gens de l’UDB « Notre décision sur le deuxième tour, et une éventuelle consigne, sera fixée, lundi soir, c’est une décision collective au sein de l’UDB », affirme Maxime Touzé, candidat à Douarnenez (Le Télégramme, Quimper, lundi 13 juin 2022). Même son de cloche du côté du « boss » Gael Briand, candidat à Lorient : « Il faut que l’on discute entre nous. Le bureau politique se réunissait ce lundi soir, pour le faire. Les idées priment. » (Le Télégramme, Lorient, mardi 14 juin 2022). Bernez Rest, candidat à Quimper, est plus catégorique : « Pour le second tour, personnellement, je ne prends pas position. Nous aurons des discussions au sein de notre groupe. Mais Mélenchon n’est pas ma tasse de thé. Pour lui, la défense de la culture bretonne reste un détail » (Ouest-France, Quimper, mardi 14 juin 2022). Philippe Plouzané, candidat à Carhaix, ne se mouille pas : « Pour le second tour, nous prendrons une décision collective mardi » (Ouest-France, Quimper, mardi 14 juin 2022). Mais il faut compter avec celles et ceux qui sont davantage « de gauche » que « régionalistes ». C’est le cas de Tiphaine Siret, candidate à Hennebont : « Et je suis rassurée de voir que la mobilisation à gauche a fonctionné avec la qualification de la Nupes. » (Ouest-France, Lorient, mardi 14 juin 2022). Fanny Darras, candidate à Saint-Brieuc, nous réserve le meilleur : « Evidemment, on appelle à voter à gauche au second tour. » (Ouest-France, Saint-Brieuc, mardi 14 juin 2022) – c’est-à-dire qu’une candidate « régionaliste » ( ?) appelle à voter pour une candidate Nupes-LFI Marion Gorgiard représentant un parti jacobin ; on aura tout vu…
À l’UDB, on pratique l’« autonomie » tous azimuts…
Une première surprise au cours de la semaine qui suit le premier tour : pas de nouvelles du « bureau politique », pas de précision quant à la « décision collective », pas d’« éventuelle consigne ». Situation étrange. A notre connaissance, aucun communiqué dans la presse régionale ne vient indiquer la position de l’UDB pour le second tour. On ne sait pas ce que veulent Gael Briand et ses copains. Vont-ils soutenir les jacobins de LFI ou bien inviter leurs électeurs à s’abstenir ? Seules des explications emberlificotées seront fournies par Nil Caouissin (Le Peuple breton, juillet-août 2022). « Les candidats LFI ont compris tardivement que les aspects de leurs programmes hostiles à la langue bretonne leur feraient perdre des voix. Certains ont publié dans la dernière ligne droite des tribunes visant à rassurer sur ce point, sans cependant préciser leurs intentions sur des points clés, comme l’avenir de Diwan ou la co-officialité. Ainsi, le candidat LFI Pierre-Yves Cadalen perd à Brest pour une centaine de voix… Il n’avait pas bénéficié du soutien de l’UDB au second tour, contrairement à Mélanie Thomin face à Richard Ferrand. L’UDB s’est en effet abstenue de soutenir systématiquement les candidats Nupes au second tour, préférant le cas par cas, en tenant compte de l’engagement et des positions publiques des différents candidats sur les thèmes qui lui étaient chers. Au final, il apparaît que si la gauche avait mieux pris en compte les orientations de l’UDB sur le logement, les langues régionales ou les institutions, elle aurait probablement remporté l’élection dans une ou deux circonscriptions supplémentaires (Brest-centre, Lannion notamment) ». A notre avis, le « cas par cas » est resté confidentiel et n’a pas donné lieu à des communiqués dans la presse régionale. Peut-être du bouche à oreille entre initiés!
Traduction : chaque candidat UDB fait sa petite soupe dans son petit coin… Le parti n’a pas une ligne claire sur ce sujet et les candidats chantent ce qu’ils veulent. On avait déjà remarqué cette incapacité des dirigeants de l’UDB à trancher les questions d’actualité avec le projet de construction de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes ; on n’a jamais su si l’UDB était favorable ou hostile à ce dossier pourtant contraire aux intérêts de la Bretagne ; en effet si on raisonne aménagement du territoire breton, cette création aurait accentué le déséquilibre existant entre le Bretagne occidentale et la Bretagne orientale (axe Nantes-Rennes). Et Le Peuple breton était bien silencieux sur cette question. Sans doute il y avait-il désaccord au plus haut niveau.
A part ça, tout va bien…
Embarras
Aux élections législatives, Gael Briand était candidat dans la circonscription de Lorient ; il a obtenu un résultat honorable : 1 360 voix (3,31 %). Notons qu’au premier tour de 2017, le résultat du même Briand était nettement moins bon : 895 voix (2,20 %). La progression est indiscutable. Mais le candidat de l’UDB était confronté à un cas de conscience. Face à lui se trouvait en effet un « collègue » du conseil municipal : Damien Girard (Nupes-EELV) ; or tous les deux appartiennent au même groupe d’opposition (liste « Lorient en commun, relevons les défis climatiques et sociaux », huit élus). D’où ce dialogue après le premier tour. Gael Briand : « Je suis pris entre deux loyautés. Damien Girard est dans mon groupe et j’ai confiance en lui. Mais je ne suis pas d’accord avec l’alliance Nupes. Il faut que l’on discute entre nous. » Réponse de Damien Girard : « Gael est dans mon groupe au conseil municipal de Lorient. Mes trois enfants ont suivi la filière en langue bretonne. Je suis dans un parti fédéraliste (EELV). A lui de se positionner.» (Le Télégramme, Lorient, mardi 14 juin 2022) Il est évident qu’un militant écologiste et un militant insoumis, ce n’est pas la même « limonade »… Ils ne parlent pas la même langue.
Courrier du cœur
Le « courrier des lecteurs » d’Ouest-France est souvent insipide. Du blabla inintéressant. Mais lorsqu’une lettre sort de l’ordinaire, il convient de le signaler. Ainsi Michel Le Borgne écrit : « On vient de découvrir, grâce à Ouest-France, que même après la réforme de février 2014 visant à limiter le cumul des mandats électifs, une même personne pouvait encore être à la fois : maire d’une commune de plus de 5 000 habitants, présidente de la communauté de communes, conseillère régionale (et présidente d’une commission) puis secrétaire générale départementale de son parti politique. Et comme cette personne avait encore beaucoup de temps libre, elle s’est même porté candidate aux dernières élections législatives… Bizarrement, les électeurs ont très majoritairement pensé qu’il pourrait juste y avoir un petit problème d’agenda… et d’ubiquité ». » (Ouest-France, jeudi 7 juillet 2022). Tout lecteur un peu curieux reprochera à M. Le Borgne de ne pas avoir donné le nom de l’heureux élu en question. Qui est-ce ? Une enquête rapide nous amène à penser qu’il s’agit de Gaëlle Nicolas (LR), maire de Châteaulin, présidente de la communauté de communes de Pleyben-Châteaulin-Porzay, secrétaire départementale de LR (Finistère), conseillère régionale (membre de la commission permanente et non pas présidente de commission – ce qui n’est pas possible puisqu’elle appartient à l’opposition) ; Michel Le Borgne aurait pu noter que cela permet à Gaëlle Nicolas d’additionner trois indemnités et de vivre de la politique. On la retrouve candidate aux récentes élections législatives dans la circonscription de Carhaix. Résultat catastrophique : elle n’arrive qu’en quatrième position (5 218 voix, 10,60 %), derrière le candidat du RN Patrick Le Fur (7 146 voix, 14,51 %). Au premier tour de 2017, elle s’était classée deuxième (9 193 voix, 18,10 %), derrière Richard Ferrand. Elle a donc perdu 4 000 suffrages en cinq ans… Félicitations !
Un UDB indépendant
Lorsqu’un conseiller régional UDB met les pieds dans le plat, il faut le noter. C’est le cas de Kristian Guyonvarc’h qui dit ce qu’il pense de Jean-Luc Mélenchon – l’immigré de Tanger : « Qui aujourd’hui peut croire que Jean-Luc Mélenchon changera les choses pour la Bretagne ? Tous les députés LFI ont voté contre la loi Molac, sauf une élue. François Ruffin, qui souhaitait voter pour, s’est fait porter pâle après que Mélenchon l’a sommé de voter contre. Mélenchon n’a pas changé. C’est celui qui, quand Jack Lang, ministre de Lionel Jospin, oeuvrait pour l’intégration de Diwan dans le public, est intervenu pour casser l’accord. » (Ouest-France, Bretagne, 7-8 mai 2022). Nous avons déjà publié cette déclaration qui sort de l’ordinaire chez un responsable de l’UDB mais une seconde publication n’est pas inutile les choses étant ce qu’elles sont ; les militants du Mouvement breton ont le droit de se souvenir.
Florian Bachelier en a gros sur la patate
On le sait Florian Bachelier, avocat d’affaires, premier questeur à l’Assemblée nationale, a été battu sèchement dans la circonscription de Rennes-Saint-Jacques-de-la-Lande : 28 261 voix (57,97 %) pour Mickaël Bouloux (Nupes-PS) et 20 489 voix (42,03 %) pour le député sortant (Ensemble-Renaissance) ; soit une différence de 8 000 voix. Bachelier « a eu droit à un coup de fil de Macron. Lequel lui a adressé quelques mots de consolation, avant de se faire passer un savon. « La retraite à 65 ans, a grincé Bachelier, c’était une grosse connerie, alors qu’en face tout était simple : la retraite à 60 ans, le smic à 1 500 euros et la gratuité des cantines scolaires. L’affaire Abad, ça été calamiteux. Et la nomination de Pap Ndiaye n’a pas été comprise, parce que c’était le révélateur d’une absence de ligne. » Pas déstabilisé, Macron a complété la liste : « Il y a eu aussi le Stade de France.» « Cela a tourné à la décapitation des amis du roi », a enchaîné Bachelier, faisant allusion à sa propre défaite, à celle de Ferrand et à celle de Christophe Castaner. » (Le Canard enchaîné, ,29 juin 2022). Bien sûr, tout cela a joué dans la défaite de Bachelier. Mais s’il avait labouré sa circonscription, s’il s’était occupé de ses électeurs, s’il avait fait preuve de présence dans ses neuf communes, Bachelier aurait pu sauver sa peau. Ce n’est pas en organisant quelques jours avant le premier tour une réunion avec Eric Dupond-Moretti (200 personnes) qu’il pouvait renverser la vapeur. Même si d’autres ministres ont affiché à cette occasion leur soutien par vidéos (Olivier Véran, Sébastien Lecornu, Brigitte Bourguignon…). Certes le ministre de la Justice a dénoncé « l’escroquerie politique de la Nupes soumise à Jean-Luc Mélenchon » (Ouest-France, Rennes, jeudi 9 juin 2022), mais ce n’est pas avec ce genre de discours qu’on peut gagner une élection ; rien ne peut remplacer le porte-à-porte, le tractage dans les marchés et surtout un secrétariat qui, pendant cinq ans, traite les dossiers des électeurs. Un bon député est d’abord une bonne assistante sociale.
Hôpital de Guingamp
Avant de devenir ministre de la Santé, François Braun avait été chargé par le président de la République de piloter une « mission flash » d’un mois sur les urgences ; ses 41 recommandations ont été remises à la Première ministre. « En conclusion de sa mission flash, le nouveau ministre ne faisait d’ailleurs pas mystère de la nécessité de « changer de paradigme » pour espérer sortir du marasme : « C’est l’offre de soin qui doit à l’avenir s’adapter aux besoins de la population et non l’inverse », avait-il fait valoir en conclusion de son expertise, ajoutant que « la logique de complémentarité entre les différents acteurs de santé doit l’emporter sur la concurrence » (Libération, mardi 5 juillet 2022). La Bretagne offre une occasion en or au nouveau ministre de mettre en application ses bonnes résolutions. En effet, il y a le rapport Rossetti, du nom de l’expert Bruno Rossetti, qui a été missionné par l’ARS Bretagne pour réorganiser l’offre de soins dans le territoire du Groupement hospitalier du territoire d’Armor (Saint-Brieuc, Lannion-Trestel, Lamballe et Quintin, Guingamp, Paimpol et Tréguier). « On reste toujours sur le scénario d’une fermeture de la chirurgie la nuit avec, par voie de conséquence, l’impossibilité d’accoucher à Guingamp et un dispositif d’urgence qui me laisse pantois », affirme Vincent Le Meaux, président de Guingamp-Paimpol agglomération (Ouest-France, Bretagne, jeudi 7 juillet 2022) Ce dernier a demandé une audience à Agnès Firmin-Le Bodo, la nouvelle ministre déléguée à l’Organisation territoriale et des professions de santé. Cette pharmacienne du Havre est bretonne, ça devrait aider… Elle va certainement donner la priorité à « l’offre de soins »…
La Bretagne est sauvée
Le département du Morbihan dispose désormais du « Conseil des associations musulmanes du Morbihan » (CAMM) ; ce machin est né d’une initiative conjointe de la préfecture, de l’association Assalam et de l’association culturelle et islamique basées à Lorient, de l’association musulmane de bienfaisance de Lanester, de la maison culturelle Comoriens de Pontivy et de la maison culturelle islamique de Locminé. « Nous voulons nous unir pour mettre les extrémismes de côté », explique Allal Bouchirab, porte-parole de ce nouveau conseil. Il paraît que le CAMM souhaite s’élargir à d’autres associations musulmanes du département, à condition qu’elles adhèrent aux valeurs de la République et signent la Charte des principes pour l’islam de France (Ouest-France, Morbihan, jeudi 7 juillet 2022). Cette création devrait être saluée dans un prochain numéro du Peuple breton… Il y a certainement place pour un « islam de Bretagne »… Que Bouchirab parle en breton et l’affaire est réglée !
Bernard Morvan
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5 réponses à “À l’UDB, on ne sait pas sur quel pied danser…”
La gauche de Mélenchon est et restera jacobine et se moque bien de la Bretagne et de ses velléités de décentralisation. L’U.D.B. est et restera un groupuscule de gauche breton qui n’a rien à attendre de la NUPES : les programmes sont et resteront incompatibles…..
Au premier tour on choisit, au deuxième on élimine. Faute d’avoir eu ce raisonnement la Bretagne reste LREM. Bravo les …
Beaucoup de représentants politiques actuels en Bretagne historique ont été biberonné à gauche dans les écoles ou universités. Et la priorité de l’Udb c’est d’abord d’être de gauche.
Le souci : la gauche est jacobine
Solutions : coupure avec les partis de gauche mais c’est rencontrer des difficultés de toutes sortes, (perte de représentativité dans les différents conseils municipaux, régionaux etc…, Activités, visibilité, pouvoirs, finances seront réduits).
Seul un changement de gouvernement avec auparavant la création d’un vrai parti « Territoires » indépendant politiquement pourrait être bénéfique. La création d’un tel parti indépendant politiquement serait-il agréé par l’Udb? Pas certain . Là est le problème de l’Udb
Pour l’instant la voie de Paul Molac montre le chemin : il a positionné son groupe comme indépendant, Lui est représentant de sa circonscription et c’est sa seule mission. Pourra-t-il convaincre ?
« Beaucoup se sentent Nupés. »
moi y compris
Les 5 départements ont une histoire, une géographie communes donc une économie semblable. LFI, le PS en grande partie et certains LR sont opposés à la réunification de la Bretagne. Comment faire ?